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2023 CMC Crypto Playbook: Perspectives de réglementation crypto européenne par Blockchain for Europe

13 min de lecture ▪ par La Rédaction C.

Dans la section « Réglementation » du CMC Crypto Playbook de 2023, Blockchain for Europe donne son point de vue sur les réglementations de l’UE en matière de cryptomonnaie et sur sa volonté de devenir la référence mondiale dans ce domaine.

CMC crypto playbook 2023 - MiCA

L’Europe veut devenir la référence mondiale en matière de cryptomonnaie (et elle pourrait bien y parvenir)

2022 a été une grande année pour la crypto, mais probablement pas dans le sens espéré par la plupart des gens. L’espace crypto a connu un essor incroyable en termes d’adoption et de développement institutionnels, mais a également été le théâtre de certains des plus grands scandales, piratages et fraudes à ce jour. L’optimisme quant à l’avenir s’est heurté, entre autres, aux risques associés aux marchés non réglementés des cryptomonnaies.

S’il y avait déjà un accord global, au niveau mondial, sur la nécessité d’introduire des règles pour protéger les consommateurs et éviter le risque systémique et les effets de contagion, les événements de 2022 ont accentué les appels des régulateurs pour que les juridictions du monde entier mettent rapidement un frein au développement du secteur. L‘Union européenne (UE) prend les devants en la matière via son règlement sur les marchés d’actifs cryptographiques (MiCA), qui définit des règles pour les émetteurs d’actifs cryptographiques et les entités fournissant des services connexes dans l’UE, ainsi que pour les stablecoins et autres types de tokens pertinents. Par conséquent, il convient de comprendre un peu mieux l’approche de cette puissance économique européenne, qui compte près de 500 millions de consommateurs et s’engage à être une superpuissance réglementaire mondiale.

Se concentrer sur les prestataires de services et les émetteurs de stablecoins

La pression de l’UE pour réglementer les cryptoactifs a commencé en 2019 avec le règlement sur les marchés de cryptoactifs (MiCA). Au départ, son seul objectif était de définir des règles pour les prestataires de services sur actifs numériques (« CASP »)[1] qui tentaient de fournir leurs services sur le marché de l’UE. Puis, le stablecoin Libra a été lancé et ces réglementations ont rapidement été considérées comme insuffisantes. Des pays comme l’Allemagne et la France se sont montrés très hostiles à l’égard de Libra et de son objectif de lancer une alternative de paiement privé à la principale monnaie fiduciaire européenne, l’euro. Face à ce nouveau « Zuck Buck » numérique, les politiciens européens ont fait pression pour que les stablecoins soient inclus dans les nouvelles règles de l’UE et ont également accéléré le développement d’un euro numérique par la Banque centrale européenne.

Le texte MiCA qui en a résulté a été modifié pour lier les règles relatives aux stablecoins (ou tokens de monnaie électronique (EMT) en termes européens) aux réglementations existantes en matière de banque, de paiements et de monnaie électronique. Les nouvelles règles interdisent également l’octroi de taux d’intérêt sur les stablecoins, car ceux-ci ne sont pas considérés comme équivalents aux dépôts bancaires. Seuls les établissements agréés, tels que les banques ou les fournisseurs de monnaie électronique, étaient autorisés à émettre des stablecoins en Europe.

Des complexités et des exceptions sont ensuite apparues, comme on pouvait s’y attendre. Les stablecoins algorithmiques ont été exclus du cadre de MiCA. Cela signifie que ces derniers peuvent toujours être listés sur des exchanges régulés mais ne peuvent pas être commercialisés en tant que « stablecoins », car l’affirmation d’une valeur stable doit être démontrée et soutenue par des réserves. Pour les stablecoins non européens, tels que ceux libellés en USD comme l’USDC ou l’USDT, il existe des restrictions supplémentaires, bien que les modalités finales de celles-ci doivent encore être décidées lors des débats techniques qui suivront la mise en œuvre. L’issue de ces débats sera essentielle pour le développement du marché des cryptomonnaies en Europe, car les stablecoins libellés en euros ne seront pas en mesure de fournir suffisamment de liquidités au moment de l’entrée en vigueur de MiCA.

La position souple de l’UE à l’égard de la DeFi et des NFT

Les stablecoins ne sont pas le seul sujet ayant perturbé la rédaction du texte final MiCA. Au cours des trois dernières années, la finance décentralisée (DeFi), les tokens non fongibles (NFT) et l’empreinte environnementale des projets proof-of-work tels que Bitcoin ont également pris une place importante dans les débats législatifs de l’UE.

L’objectif initial de la loi MiCA était de fournir un cadre juridique permettant aux entités réglementées centralisées de proposer leurs services dans toute l’Europe, tout en protégeant les investisseurs et les consommateurs européens, l’intégrité du marché et la stabilité financière. D’une part, l’industrie de la DeFi a réussi à obtenir une large exemption de MiCA (en cas de « véritable décentralisation »), afin d’encourager la croissance future d’un espace prometteur. D’autre part, l’effondrement de Terra/Luna a amené les décideurs politiques à considérer les stablecoins algorithmiques comme des instruments financiers largement instables et très risqués, auxquels il ne faut pas se fier en l’absence de réserves les soutenant clairement.

Dans le cas des NFT, qui sont essentiels à la future économie des tokens, il existe un clivage clair entre les institutions européennes. Alors que les États membres de l’UE, comme la France ou l’Allemagne, se sont clairement prononcés en faveur d’une exemption complète des NFT, la Commission européenne a fermement fait valoir, avec succès, que les NFT émis dans le cadre d’une « grande collection ou série » ne devraient pas sortir du champ d’application de la loi MiCA, car cela serait un indicateur de leur « fongibilité » potentielle. La définition finale des NFT reste à déterminer, car on ne sait pas encore ce que l’UE considérera comme des « jetons non fongibles ». L’UE tente manifestement de préparer le terrain pour que les NFT puissent s’épanouir en Europe, tout en reconnaissant qu’une approche politique adaptée et précise est nécessaire pour s’assurer que la vaste étendue des applications technologiques des NFT ne soit pas entraînée en bloc dans le domaine de la réglementation financière.

L’impact environnemental du Bitcoin et la réaction de l’UE

L’impact environnemental du bitcoin et d’autres projets de proof-of-work (PoW) a été une source de préoccupation croissante pour l’UE. Au cours des négociations de MiCA à la fin du mois de mars 2022, l’UE était tout près d’interdire aux cryptomonnaies basées sur le PoW d’être listées sur les exchanges régulés à partir de 2025. Heureusement, le secteur a réussi à mettre en évidence les conséquences potentiellement catastrophiques qu’une telle décision aurait eues sur le marché crypto européen, obligeant par exemple les citoyens de l’UE à s’en remettre à des exchanges non réglementés et décentralisés pour échanger des bitcoins et autres jetons PoW.

La création d’un marché parallèle et non réglementé et la remise en cause complète des objectifs de MiCA n’étaient pas l’idéal mais néanmoins, afin d’apaiser les décideurs politiques à la conscience écologique, le compromis final prévoit que les émetteurs de crypto-actifs devront fournir des informations sur l’impact environnemental de leur projet dans le whitepaper qu’ils devront publier. Les critères spécifiques sur la manière de fournir ces informations seront définis par la European Security and Markets Authority (ESMA) dans son travail législatif de « niveau 2 ».

La crainte du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme reste forte

Un autre aspect clé des négociations a été le lien entre MiCA et les règles de lutte contre le blanchiment de capitaux (AML), notamment en ce qui concerne les portefeuilles personnels, ou auto-hébergés. Cette question a été débattue dans le cadre d’un texte législatif distinct, mais fortement interconnecté, qui visait à mettre en œuvre la « Travel Rule » dans le cadre de la mise en conformité de l’UE avec les recommandations du GAFI.

Le débat a été, une fois de plus, très polarisé. D’un côté, les décideurs politiques crypto-sceptiques ont fait pression pour que des exigences en matière de vérification soient imposées aux transferts vers des portefeuilles auto-hébergés, ce qui aurait obligé les entités réglementées à vérifier l’identité des utilisateurs pour chaque portefeuille avec lequel elles interagissent, allant ainsi plus loin que les propres recommandations du GAFI. De l’autre côté, les décideurs politiques favorables au secteur ont fait valoir que de telles exigences auraient été non seulement irréalisables, puisque la vérification aurait été basée sur des informations fournies par les intéressés eux-mêmes, mais également contraires à l’objectif global des règles de lutte contre le blanchiment de capitaux.

Une fois de plus, l’UE s’est heurtée à des principes qui, s’ils avaient été appliqués, auraient tout simplement poussé les utilisateurs vers des espaces non réglementés, avec peu ou pas de surveillance de la part des régulateurs et des autorités chargées de faire respecter la loi. Heureusement, l’accord politique final a reconnu qu’en empruntant cette voie, les utilisateurs pourraient être amenés à effectuer des transactions en crypto-actifs uniquement entre des portefeuilles auto-hébergés, en utilisant des transactions peer-to-peer qui restent en dehors du champ d’application de la réglementation, plutôt que de passer par des exchanges réglementés. Cela créerait effectivement un système parallèle de transactions peu transparentes. Au lieu de cela, une approche claire et basée sur le risque des exigences AML et KYC a été imposée aux entités réglementées.

Le calendrier MiCA

Les règles décrites dans cet article seront applicables à partir de la mi-2024 pour les émetteurs de stablecoins, et six mois plus tard pour les émetteurs de tous les autres tokens et pour les prestataires de services sur actifs numériques. Cependant, plusieurs questions restent en suspens et devront trouver des réponses d’ici là, par exemple comment classer les collections NFT pour comprendre si elles sont « dans le champ d’application », comment fournir des informations sur l’impact environnemental des mécanismes de consensus, et comment évaluer les risques liés aux transferts vers des portefeuilles auto-hébergés. Le secteur devra s’engager auprès de la ESMA et de l’EBA pour s’assurer que ces questions obtiendront une réponse appropriée.

Une avancée positive, mais qui pourrait avoir des conséquences importantes à l’échelle mondiale

La réglementation MiCA n’est peut-être pas parfaite, mais elle existe et entrera en vigueur assez rapidement. Le secteur des cryptomonnaies a tout intérêt à adopter ce qui constitue un ensemble de règles claires de la part de l’UE. Il apportera enfin la clarté juridique nécessaire aux entreprises qui souhaitent s’installer et fournir des services aux quelque 500 millions de citoyens européens. Même s’il faudra quelques années pour mesurer l’impact réel de MiCA, les juridictions du monde entier vont probablement commencer à copier les principes de l’UE dans leur réglementation. C’est ce qu’on appelle « effet Bruxelles« , parfois aussi appelé « contagion réglementaire« , qui sous-tend l’accession de l’UE au rang de superpuissance réglementaire mondiale.

Rien de tout cela n’a cependant empêché le lancement d’un débat acharné en Europe pour déterminer si MiCA aurait pu empêcher un effondrement semblable à celui de FTX. Des voix s’élèvent pour demander à ce que MiCA entre en vigueur plus tôt, que la DeFi soit intégrée dans ses règles, que les entités de pays tiers soient tenues à des normes plus élevées si elles fournissent des services aux citoyens de l’UE. Pour l’instant, la ligne de conduite de la Commission européenne est la suivante : « Nous devrions d’abord adopter pleinement la loi MiCA avant de commencer à réclamer une MiCA 2« . En tant que « Blockchain for Europe », nous ne pourrions être plus d’accord. Un pas à la fois est le meilleur moyen pour l’Europe d’éviter des répercussions involontaires et de déterminer  la manière dont toute réglementation future devra être adaptée à des technologies et des modèles commerciaux à l’évolution rapide.

Notes de bas de page :

1. Les CASPS sont globalement appelés VASP, selon la définition du Groupe d’action financière (GAFI).

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