4 % de croissance ? Voici pourquoi l’économie russe est en réalité en crise
Depuis deux ans, la Russie affiche une croissance économique de plus de 4 %, un chiffre qui pourrait faire pâlir bien des économies européennes. Pourtant, derrière ces indicateurs apparemment solides, la réalité du terrain est tout autre : inflation élevée, consommation dégradée, pénuries persistantes. Le pays, largement converti en « économie de guerre », semble atteindre les limites d’un modèle fondé sur la dépense militaire et la rente énergétique.
En bref
- La Russie affiche une croissance économique de plus de 4 % depuis deux ans, mais celle-ci repose essentiellement sur l’effort de guerre.
- Selon Adina Revol, ex-porte-parole de la Commission européenne, cette croissance ne crée pas de vraies richesses et masque une économie en déclin.
- Les signes d’essoufflement se multiplient : le PIB ne progresse plus que de 0,8 % en février 2025, contre 3 % un mois plus tôt.
- Sans diversification économique, la Russie s’expose à un mur budgétaire et à une perte de résilience face aux pressions extérieures.
Une croissance alimentée en Russie par les canons, pas par les usines
La Russie est accablée par des dépenses militaires en forte hausse et une crise énergétique croissante. Cette situation conduit à la raréfaction des ressources financières.
« L’économie russe dépend plus que jamais de l’effort de guerre et de ses entrées d’énergies fossiles », affirme Adina Revol, ancienne porte-parole de la Commission européenne, invitée sur BFM Business le 10 juin.
Pour elle, cette dynamique de croissance, qui a permis à Moscou d’enregistrer +4,1 % de PIB en 2023, ne repose sur aucune richesse réelle produite, mais sur une économie réorientée presque intégralement vers la défense.
En effet, les données de l’agence statistique russe Rosstat confirment que la production de produits métalliques finis a bondi de 35 %, tandis que celle de composants électroniques et optiques, fortement liés aux industries de défense, a progressé de 29 %.
L’effort de guerre ne soutient donc pas une croissance diversifiée, mais une économie cloisonnée et dépendante de la poursuite du conflit.
Ce repositionnement s’accompagne d’une inflation persistante, particulièrement marquée dans les secteurs de base. En juin 2025, la Banque centrale russe (BCR) relève une inflation annuelle de 9,8 %, largement portée par les produits alimentaires.
Le prix des pommes de terre, aliment de première nécessité, a triplé en un an pour atteindre 85,4 roubles par kilo (environ 1,05 dollar). Ce niveau record s’explique en partie par :
- Une mauvaise récolte ;
- Une dépendance accrue aux importations, notamment en provenance d’Égypte, qui ne suffisent plus à répondre à la demande intérieure.
Parallèlement, la pénurie de main-d’œuvre liée à la mobilisation militaire et à l’exil estimé à près d’un million de personnes alimente une hausse des salaires, sans contrepartie en productivité. Cette situation conduit à une économie en surchauffe, à la fois contrainte et inefficace.
Vers un essoufflement structurel ?
Après des mois de croissance alimentée par la machine de guerre, l’économie russe montre des signes de ralentissement net. En février 2025, la croissance du PIB est tombée à 0,8 % en glissement annuel, contre 3 % en janvier. Il s’agit du niveau le plus bas depuis mars 2023.
« Une économie transformée en économie de guerre ne produit pas de vraies richesses. Les indicateurs sont dans le rouge », précise Adina Revol.
La Banque centrale russe, bien que légèrement plus optimiste, prévoit désormais une croissance modérée de 1 à 2 % pour 2025, loin des pics artificiels enregistrés durant les deux années précédentes. Le ministère de l’Économie russe vise quant à lui 2,5 %, mais sans indiquer les leviers concrets pour soutenir cette dynamique dans un contexte de plus en plus contraint.
La chute des prix du pétrole constitue un autre facteur de fragilisation majeur. En un an, le cours du baril de Brent a reculé de 18 %, pour s’établir autour de 67 dollars. Or, les revenus issus des hydrocarbures représentent encore un tiers des recettes fiscales de la Russie, un membre influent du groupe des BRICS.
Ce repli menace directement l’équilibre budgétaire du pays, d’autant que les marges de manœuvre se réduisent rapidement. Le Fonds souverain russe (RDIF), qui servait de bouclier financier en puisant dans les réserves d’État, voit ses actifs liquides chuter brutalement : de 108 milliards d’euros début 2022, ils ne s’élèvent plus qu’à 36 milliards de dollars début 2025.
Ce repli témoigne d’un épuisement progressif de la « manne de guerre », qui ne pourra être indéfiniment reconduite sans infléchir la trajectoire économique globale.
Les perspectives, à court et moyen terme, s’assombrissent. Si le Kremlin ne réoriente pas rapidement son économie vers des secteurs productifs et résilients, il risque de se retrouver face à un mur budgétaire.
La dépendance aux matières premières, le poids croissant de la dette militaire, et l’incapacité à relancer l’investissement privé (freiné par des taux d’intérêt à 20 %) réduisent les capacités d’adaptation. L’Union européenne, de son côté, vient de débloquer un milliard d’euros pour soutenir l’industrie militaire ukrainienne, à partir des avoirs russes gelés. Un signal fort qui pourrait accentuer la pression sur Moscou.
Dans ce contexte, les marchés devront suivre de près les ajustements monétaires et financiers opérés par la Russie, car l’affaiblissement économique du Kremlin pourrait avoir des répercussions inattendues sur la sphère crypto, notamment en matière de flux transfrontaliers et de mécanismes d’évitement des sanctions.
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Diplômé de Sciences Po Toulouse et titulaire d'une certification consultant blockchain délivrée par Alyra, j'ai rejoint l'aventure Cointribune en 2019. Convaincu du potentiel de la blockchain pour transformer de nombreux secteurs de l'économie, j'ai pris l'engagement de sensibiliser et d'informer le grand public sur cet écosystème en constante évolution. Mon objectif est de permettre à chacun de mieux comprendre la blockchain et de saisir les opportunités qu'elle offre. Je m'efforce chaque jour de fournir une analyse objective de l'actualité, de décrypter les tendances du marché, de relayer les dernières innovations technologiques et de mettre en perspective les enjeux économiques et sociétaux de cette révolution en marche.
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