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BRICS : Moscou lance des obligations en yuan pour canaliser les revenus énergétiques

19h00 ▪ 5 min de lecture ▪ par Luc Jose A.
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Face à un déficit budgétaire colossal et des sanctions occidentales tenaces, Moscou s’apprête à franchir un cap historique : émettre pour la première fois des obligations souveraines libellées en yuan. Plus qu’une simple manœuvre financière, cette décision marque un tournant stratégique vers une dédollarisation assumée et une intégration monétaire renforcée avec les BRICS. En misant sur la monnaie chinoise, la Russie entend à la fois stabiliser ses finances publiques et structurer un nouveau circuit pour ses revenus énergétiques hors des canaux occidentaux.

Un scientifique de Russie manipule une machine qui convertit visuellement du gaz/pétrole en billets de yuan dans un laboratoire BRICS.

En bref

  • La Russie s’apprête à émettre pour la première fois des obligations d’État libellées en yuan sur son marché domestique.
  • Cette décision vise à combler un déficit budgétaire massif estimé à 5,7 trillions de roubles, bien au-delà des prévisions initiales.
  • Les principales recettes fiscales du pays s’effondrent, notamment les revenus issus du pétrole, du gaz, des droits de douane et de la TVA.
  • Moscou cherche à attirer un large éventail d’investisseurs locaux, dans un contexte de sanctions financières occidentales toujours actives.

Une dette souveraine en yuan pour juguler un déficit budgétaire en spirale

Pendant que le projet BRICS Pay avance malgré les tensions et les obstacles techniques, le ministère russe des Finances prévoit d’émettre pour la première fois des obligations souveraines libellées en yuan sur le marché intérieur.

D’un montant allant jusqu’à 400 milliards de roubles (environ 4,9 milliards de dollars), cette opération inédite est programmée pour le 8 décembre 2025, avec des maturités s’étalant entre 3 et 7 ans. Ce choix n’est pas anodin. Il s’intègre dans un contexte budgétaire extrêmement tendu pour Moscou, avec un déficit public prévu à 5,7 trillions de roubles (près de 63 milliards de dollars), soit près de cinq fois l’objectif initial de l’année.

« Auparavant, les paiements se faisaient en dollars et en euros, en passant par des banques occidentales qui pouvaient suspendre les règlements à tout moment », a rappelé le ministre des Finances Anton Siluanov.

Cette initiative est également une réponse directe à la chute des recettes fiscales. Le ministère s’est vu confronté à un effondrement significatif des principales sources de revenus de l’État :

  • -20 % de baisse des revenus pétroliers et gaziers en glissement annuel ;
  • -19 % sur les droits de douane ;
  • -1,19 trillion de roubles manquants sur la collecte prévue de TVA ;
  • -167 milliards de roubles de déficit sur l’impôt sur les sociétés ;
  • -440 milliards de roubles d’écart négatif sur les éco-taxes.

Face à ces difficultés, le gouvernement a intensifié les démarches pour attirer un large éventail d’investisseurs nationaux. Ils visent le plus large éventail possible, des banques aux sociétés de gestion en passant par les courtiers grand public.

Les ordres devraient commencer à être enregistrés dès le 2 décembre, en amont de l’émission formelle. Cette offensive sur le marché domestique vient combler un vide stratégique laissé par l’impossibilité pour la Russie d’accéder aux capitaux internationaux, sous l’effet des sanctions financières occidentales.

Une stratégie monétaire au service des intérêts géoéconomiques des BRICS

Au-delà de la nécessité budgétaire, l’émission d’obligations en yuan répond à une nouvelle réalité monétaire imposée par la reconfiguration des échanges énergétiques au sein des BRICS.

De plus en plus d’acteurs stratégiques russes, comme Rosneft et Lukoil, perçoivent leurs revenus en yuan, conséquence directe des contrats énergétiques conclus avec la Chine. Ces grandes entreprises cherchent désormais à rapatrier ces devises dans l’économie domestique avant l’entrée en vigueur de nouvelles sanctions américaines. L’émission vise donc à offrir à ces exportateurs une solution d’investissement locale en yuan, en phase avec leurs excédents de trésorerie.

Le marché russe n’en est pas à son coup d’essai en matière de dette en yuan, même si celle-ci était jusqu’à présent limitée au secteur privé : 166 milliards de roubles d’obligations d’entreprise libellées en monnaie chinoise circulaient déjà avant l’annonce.

Ce premier emprunt d’État marque donc une étape décisive dans la création d’un écosystème financier parallèle, où le dollar et l’euro sont absents. En 2024, le commerce bilatéral sino-russe a atteint un record de 245 milliards de dollars, avec 99,1 % des transactions réglées en rouble ou en yuan. Le gouvernement russe a même élargi les marges de manœuvre des entreprises publiques, leur permettant désormais d’investir directement sur le marché obligataire domestique, renforçant ainsi l’absorption locale des excédents.

La grande bascule vers les monnaies locales a commencé, portée par des choix politiques autant que structurels. L’initiative russe marque une étape de plus vers un réalignement monétaire mondial, où l’usage du dollar n’est plus un acquis, mais une option parmi d’autres.

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Luc Jose A.

Diplômé de Sciences Po Toulouse et titulaire d'une certification consultant blockchain délivrée par Alyra, j'ai rejoint l'aventure Cointribune en 2019. Convaincu du potentiel de la blockchain pour transformer de nombreux secteurs de l'économie, j'ai pris l'engagement de sensibiliser et d'informer le grand public sur cet écosystème en constante évolution. Mon objectif est de permettre à chacun de mieux comprendre la blockchain et de saisir les opportunités qu'elle offre. Je m'efforce chaque jour de fournir une analyse objective de l'actualité, de décrypter les tendances du marché, de relayer les dernières innovations technologiques et de mettre en perspective les enjeux économiques et sociétaux de cette révolution en marche.

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Les propos et opinions exprimés dans cet article n'engagent que leur auteur, et ne doivent pas être considérés comme des conseils en investissement. Effectuez vos propres recherches avant toute décision d'investissement.