Crypto : Pi Network fascine encore des millions de personnes malgré les critiques

Pi Network, lancé en 2019 pour démocratiser le mining mobile, rassemble des millions d’utilisateurs. Pourtant, son token n’a toujours aucune valeur réelle, et sa blockchain reste sous contrôle. Depuis l’ouverture partielle de son mainnet, le projet oscille entre fascination collective et signaux d’alerte techniques. Centralisation, manque de transparence, KYC invasif… malgré tout, l’enthousiasme ne faiblit pas. Pourquoi un projet aussi controversé continue-t-il de fédérer ?

Un lancement très attendu, mais un déploiement mitigé

En février, l’annonce de l’ouverture du mainnet de Pi Network aux échanges externes déclenche un véritable engouement dans l’écosystème

En effet, le prix de la crypto a grimpé jusqu’à près de 3 dollars peu après cette annonce, portée par l’espoir d’une adoption massive. Cependant la réalité a vite rattrapé l’enthousiasme initial. En septembre, le prix du token s’est effondré à environ 0,34 dollar, soit une perte de près de 90 % en l’espace de quelques mois.

Cette chute s’explique par une série de dysfonctionnements techniques et organisationnels : « retards de migration, files d’attente pour les vérifications KYC et accès inégal au réseau » ont considérablement freiné le passage à l’échelle et frustré les utilisateurs.

Plusieurs signaux faibles déclenchent des inquiétudes structurelles sur la fiabilité et la transparence du projet :

• La centralisation du réseau : bien que Pi se revendique comme un réseau ouvert, tous les validateurs de nœuds restent sous le contrôle des développeurs du projet. Aucun validateur communautaire indépendant n’est encore actif.

• Une distribution opaque des tokens : le livre blanc prévoit une répartition de l’offre totale (100 milliards) entre la communauté, l’équipe et des réserves, mais ces jetons ne sont libérés qu’en fonction de critères techniques complexes liés aux récompenses de mining, rendant l’offre en circulation difficile à évaluer.

• Une activité suspecte sur les portefeuilles : un wallet identifié comme « GAS…ODM » a accumulé à lui seul 331 millions de tokens Pi, un chiffre qui interroge sur une potentielle activité interne non déclarée ou un contrôle disproportionné par un acteur central.

• L’absence des exchanges de premier plan : la crypto est uniquement listé sur des plateformes secondaires comme OKX, Bitget ou MEXC. Binance et Coinbase refusent toujours de l’intégrer, invoquant notamment des doutes persistants sur la gouvernance et la transparence du projet.

• Une politique KYC controversée : pour migrer leurs Pi vers le mainnet, les utilisateurs doivent passer un KYC strict incluant la pièce d’identité et le selfie biométrique. Ces données sont stockées sur des serveurs centralisés, ce qui provoque de sérieuses préoccupations sur la confidentialité.

À ce stade, la promesse initiale d’un réseau inclusif et décentralisé semble fortement fragilisée par la centralisation des pouvoirs, le manque de clarté sur l’offre monétaire et des signaux préoccupants sur la gestion des données utilisateurs.

Une mécanique virale qui résiste à la logique du marché

Malgré ces alertes documentées, la crypto Pi Network continue de séduire des millions d’utilisateurs.

Pi continue de créer un enthousiasme remarquable, malgré des préoccupations croissantes sur les plans opérationnel et structurel. Comment expliquer une telle persistance de l’intérêt ? Le secret réside peut-être dans la nature même du projet : une application mobile, sans exigence technique, gratuite à l’utilisation, qui transforme l’acte de mining en simple routine tactile.

Contrairement aux blockchains traditionnelles, l’utilisateur n’a pas besoin de GPU ni d’investissement initial. Une telle accessibilité radicale attire massivement des profils novices, souvent issus de pays sous-bancarisés ou en quête d’opportunités numériques alternatives.

Mais au-delà du modèle d’usage, c’est la dimension communautaire et sociale qui semble faire tenir la machine. Les utilisateurs sont appelés des « Pioneers », et l’application gamifie l’expérience via des « security circles » et des bonus de parrainage. Des événements réguliers comme « PiFest ou Map of Pi » entretiennent l’engagement, tandis que l’écosystème se nourrit d’annonces de hackathons, de fonds pour développeurs ou de campagnes d’expérimentation.

Certes, ces initiatives restent souvent symboliques ou limitées en portée réelle, mais elles maintiennent l’illusion d’un projet en marche. Pour beaucoup, le récit prime sur la réalité.

La force de la crypto Pi Network ne réside pas dans sa technologie actuelle, ni dans la performance de son token. Elle tient dans un modèle narratif et communautaire puissant, qui combine espoir, accessibilité et appartenance. Cependant, cette dynamique peut-elle survivre à l’épreuve du temps et de la transparence ? Sans décentralisation réelle, sans adoption concrète, et sans levée des doutes sur la gestion des données personnelles, Pi Network risque de s’enliser dans le Web3, sans jamais franchir le seuil de l’utilité réelle.