A
A

Interview : Prince Don, « L'Afrique parle Bitcoin »

sam 24 Déc 2022 ▪ 10 min de lecture ▪ par Claude B.

Nous poursuivons notre série d’interviews réalisés au forum Dakar Bitcoin Days. Prince Don est un professionnel avec plus de 12 ans d’expérience dans la gestion des risques numériques et technologiques au sein d’un cabinet d’audit. Il a lancé en mars 2022 un podcast intitulé « L’Afrique parle Bitcoin » pour populariser Bitcoin dans les communautés francophones d’Afrique.

Prince Don

Bonjour Prince, pourrais-tu nous décrire ton parcours et ce qui t’a amené dans le monde des cryptos ?

Bonjour, je m’appelle Prince Don et je travaille dans la finance depuis douze ans maintenant, dans l’audit plus précisément. J’ai connu Bitcoin en 2017. C’était la première fois que j’ai entendu parler de Bitcoin dans les médias, quand il y avait le bull run et j’en ai acheté un peu pour voir. Par appât du gain très clairement, et comme beaucoup de personnes qui font ça, je me suis brûlé les ailes. Quelques mois plus tard, quand le cours du bitcoin a chuté, j’ai vendu dans la panique, j’ai perdu de l’argent et je n’ai plus voulu en reparler.

Et puis, à la faveur du confinement en 2020, j’ai souhaité développer de nouvelles compétences. C’est là que je vais commencer à changer, à me documenter un peu, à me former, à écouter des podcasts, à lire des livres. J’ai consommé énormément de contenu sur Bitcoin à ce moment-là.

Tu as lancé l’initiative « L’Afrique parle Bitcoin ». En quoi consiste-t-elle ?

L’objectif est de parler des usages qui sont faits de Bitcoin dans les pays africains. Car il y a une différence très grande entre l’utilisation de Bitcoin dans les pays développés et ce que les gens en font dans les pays africains. À mon sens, en fait, c’est une vraie solution à plein de nos problèmes. Et je suis sidéré de voir qu’il n’y a pas suffisamment de personnes qui se penchent sur la réflexion autour de Bitcoin ou sur le développement d’outils qui rapprochent Bitcoin des utilisateurs africains. Donc c’est un peu ce que j’essaie de développer dans mon podcast.

J’ai très vite vu que le contenu existant était surtout anglophone., même si on trouve de plus en plus de contenu francophone depuis un an ou deux. Mais il y en a encore moins fait par des Africains francophones. Et donc je me suis dit que je pouvais y contribuer. Pour aider la jeune génération à ne pas faire les mêmes erreurs que moi en 2017. Et à produire du contenu pour qu’ils puissent savoir ce que c’est Bitcoin réellement. Ce n’est pas pour s’enrichir, il faut acquérir les bonnes habitudes de sécurité et d’accumulation de bitcoins. C’est un peu ça qui m’a qui m’a poussé à aller plus loin dans ce qui était d’abord une idée et qui a été concrétisée un peu plus tard.

Sur quels réseaux sociaux peut-on trouver ton podcast ?

Il est disponible sur toutes les plateformes de podcast habituelles : Spotify, Apple Podcast, Google Podcast. Il y a une plateforme qui est beaucoup plus axée vers les pays africains qui s’appelle Boom Play. On peut le trouver sur Encore et aussi sur YouTube.

Prince Don
Prince Don

En quoi la décentralisation de Bitcoin peut constituer un avantage pour l’Afrique ?

Vaste question et très intéressante. En fait, dans les pays africains, on a un long historique de monnaies très mal gérées par des états avec énormément de corruption. Et ça a toujours impliqué d’avoir des monnaies avec une durée de vie d’environ 30 ou 40 ans avant qu’elles ne partent complètement en cacahuètes. Et c’est la population derrière qui souffre énormément. Mais c’est bien parce que ces monnaies là sont centralisées et gérées par quelqu’un. L’histoire a montré que tous ceux qui ont le contrôle, qui ont le pouvoir de création monétaire qui est « le pouvoir ultime » finissent par abuser et imprimer de la monnaie pour leur propre intérêt et ceux de leurs proches. Et donc c’est dans ce sens qu’une monnaie qui est décentralisée, que personne ne peut contrôler a tout son sens dans des économies comme les nôtres.

D’autre part, Bitcoin est une monnaie accessible à tous sans distinction et sans contrainte pour l’utiliser. Tu n’as pas besoin d’être identifié ; on a pas besoin de connaître ta race, ta couleur de peau, ta religion, tes opinions politiques. Tu as juste un téléphone internet et tu peux recevoir et envoyer du bitcoin. Et ça, c’est hyper puissant en Afrique subsaharienne, où 40 % de la population n’a pas accès à l’identification. Ça, c’est un des freins à la bancarisation. Donc aujourd’hui, Bitcoin permet de contourner ça. Car normalement, pour avoir accès à la monnaie digitale, on doit obligatoirement passer par la banque alors que le taux de bancarisation est extrêmement faible.

Donc, quelque part, la clef privée de Bitcoin, c’est ce qui pourrait remplacer l’état civil traditionnel ?

Exact ! Je ne l’avais jamais pensé comme ça, mais c’est une très belle manière de voir effectivement. Je suis persuadé qu’on va très vite aller au-delà de ces questions de clé. Car ça, c’est encore très geek. Les gens ont besoin de praticité, ils ont besoin de pouvoir faire des transactions directement sans se préoccuper de comment la machine tourne derrière. Et avec la notion de clé privée, il faut rentrer dans beaucoup de choses. Moi, je vois les choses de façon pratique. Les gens peuvent utiliser Bitcoin sans avoir besoin de passer par là. Je connais les bonnes pratiques, c’est ce que j’enseigne aux nouveaux, mais pour pour avoir l’adoption de masse, on ira au-delà de ça. Je suis persuadé que des entrepreneurs et des créateurs africains vont réfléchir et trouver des solutions permettant d’utiliser le bitcoin de façon hyper facile.

Et juste à titre d’exemple : c’est bien en Afrique qu’on a eu la première application qui permet d’utiliser Bitcoin sans internet. Ce n’était jamais venu à l’idée de personne de développer une solution d’utilisation de Bitcoin sans Internet, car Bitcoin a été créé pour fonctionner avec Internet. Mais c’est bien parce que des gens qui sont dans un contexte où is ont une solution qui est Bitcoin, mais avec une barrière, qui est la connectivité internet. Ils ont donc créé le produit, une application qui peut permettre d’utiliser le bitcoin sans Internet. Et c’est comme ça qu’on aura petit à petit des solutions qui seront construites, adaptées aux besoins des populations africaines. Et c’est pour ça que je suis à fond dans Bitcoin.

Le paiement par mobile est déjà très répandu en Afrique, est-ce que cela peut constituer un frein ou une opportunité pour l’adoption des cryptomonnaies ?

Absolument pas. Je me suis plusieurs fois fait cette réflexion et j’en suis arrivé au point où je considère que le mobile Money est venu préparer le terrain à l’adoption de Bitcoin. Parce que finalement, le mobile money, c’est de la monnaie électronique qu’on se transfère. C’est-à-dire des tokens convertibles 1 à 1 avec la monnaie CFA. C’est garanti par les banques qui sont derrière. Donc, nous avons une population qui est déjà habituée à utiliser de la monnaie numérique et pour qui ce concept-là, ce n’est pas quelque chose d’aberrant : tout le monde sait maintenant utiliser un wallet mobile et est habitué à avoir de l’argent conservé dans un téléphone. Et ça, c’est une démarche intellectuelle difficile à faire pour quelqu’un qui n’y a jamais été confronté. Au final, les populations africaines, déjà exposées au mobile money sont mentalement préparées à l’adoption de Bitcoin.

En gros, tu remplaces le mobile money par du bitcoin. L’infrastructure, c’est Bitcoin, c’est public, ce n’est plus un opérateur de téléphone mobile et la banque qui sont derrière et qui peuvent censurer tout ça. Et puis tu remplaces le numéro de téléphone que tu utilises pour envoyer du mobile money par une adresse bitcoin. La distance à parcourir intellectuellement et même d’un point de vue expérience utilisateur n’est vraiment pas importante.

Le mobile money est donc venu rapprocher la population de l’utilisation de Bitcoin. C’est quelque chose d’assez particulier qui fait que les Africains sont privilégiés dans l’adoption de Bitcoin. Et pour une fois que ça arrive…

Quels sont tes objectifs pour 2023 et au-delà ?

Continuer avec le podcast bien sûr. J’ai énormément de retours de personnes de ma communauté qui à travers le podcast découvrent des entrepreneurs, des personnes intéressantes, des bitcoiners intéressants. Donc petit à petit, on agrandit un peu la communauté et surtout la compréhension que les gens ont de Bitcoin. Pour 2023, je vais essayer de faire un peu plus de contenu pédagogique et de présentations à destination des étudiants, des universités, des écoles. C’est un peu ça le next step de mon projet « L’Afrique parle Bitcoin ».

Maximisez votre expérience Cointribune avec notre programme 'Read to Earn' ! Pour chaque article que vous lisez, gagnez des points et accédez à des récompenses exclusives. Inscrivez-vous dès maintenant et commencez à cumuler des avantages.


A
A
Claude B. avatar
Claude B.

Entrepreneur en informatique et résident en terres africaines depuis une quinzaine d'années. Dans ce monde incertain et vacillant, je considère le bitcoin et les cryptos comme l'une des meilleures opportunités face aux défis qui nous attendent.

DISCLAIMER

Les propos et opinions exprimés dans cet article n'engagent que leur auteur, et ne doivent pas être considérés comme des conseils en investissement. Effectuez vos propres recherches avant toute décision d'investissement.