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L'Arabie Saoudite se débarrasse de la dette US

jeu 31 Août 2023 ▪ 9 min de lecture ▪ par Nicolas T.
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L’alliance de l’Arabie saoudite avec les BRICS est un bouleversement géopolitique. Elle enfonce un nouveau clou dans le cercueil du pétrodollar. Le Bitcoin en embuscade.

BRICS BITCOIN

Aux origines du pétrodollar

Cela fait maintenant plusieurs années que la Chine et la Russie n’accumulent plus de dollars. Cette tendance s’observe facilement au niveau de leurs réserves de change.

La quantité de dette US détenue par la Chine n’a cessé de diminuer depuis 2014. Son stock de Treasuries a fondu de 450 milliards de dollars. Il s’élève aujourd’hui à 835 milliards de dollars, au plus bas depuis 12 ans.

La Russie a évidemment fait de même et c’est désormais au tour de l’Arabie saoudite de prendre ses distances. Ses réserves « officielles » de dollars reculent depuis près de trois ans :

« Les Saoudiens se débarrassent des bons du Trésor américain et empruntent en yuan dans le même temps pour financer les projets d’infrastructure de MBS. »

En clair, l’Arabie Saoudite ne souhaite plus financer la dette américaine. D’où la récente décision de ne plus accepter exclusivement le dollar en paiement pour son pétrole. Dorénavant, la Chine pourra le payer en yuan.

Nous assistons à la fin du système du pétrodollar qui s’est substitué à l’or depuis le milieu des années 1970. Les prémices de ce coup de maître monétaire remontent à 1945. A l’époque, de retour de Yalta, le président Roosevelt mouille son croiseur (l’USS Quincy) le long du canal de Suez et scelle un accord avec le roi Abdelaziz Al Saoud pour assurer l’approvisionnement énergétique en pétrole des États-Unis en échange de la protection militaire des États-Unis. Cette entrevue fut appelée plus tard le pacte de Quincy (que George Bush renouvellera en 2005).

La seconde réunion historique entre la famille Saoud et les États-Unis se déroula en 1974. Henry Kissinger est alors Secretary of State et cherche à sauver le dollar de la fin de l’étalon-or (1971). Cette réunion fut le point culminant d’un plan machiavélique puisant ses racines dans la guerre du Kippour (1973) qui opposa Israël à une coalition militaire arabe.

Nixon interviendra en faveur d’Israël en sachant pertinemment qu’une telle décision allait enrager l’Arabie saoudite. En représailles, plusieurs pays membres de l’OPEP cessent leurs exportations en direction des États-Unis et de l’Europe.

Conséquence, le prix du baril quadruple, passant de 3 à 12 dollars en quelques mois. Entre 1970 et 1980, le prix du baril sera multiplié par 10 ! L’OPEP envisagera même un temps de libeller son pétrole en or en raison de la dépréciation brutale du dollar (pour cause d’abandon du Gold Standard en 1971).

La discorde internationale arriva à son paroxysme lorsque Nixon démissionne le 9 août 1974 et que son vice-président Gerald Ford déclenche la fureur du roi saoudien en reconnaissant Jérusalem comme la capitale de l’État hébreu.

En réaction, l’Arabie saoudite continue de faire grimper le prix du baril, sans savoir qu’elle fait en réalité le jeu des États-Unis. Henry Kissinger veut en effet un pétrole cher pour étrangler l’Europe qui en a peu et qui ose depuis quelques années échanger ses dollars contre de l’or :

Kissinger laisse donc les pays arabes faire monter les prix avant de forcer l’Arabie saoudite à vendre son pétrole exclusivement en dollars. Comment ? Tout simplement en menaçant d’utiliser la force pour remédier à ce qu’il qualifie alors « d’étranglement du monde industrialisé ».

Le roi Fayçal entendra très distinctement ces roulements de tambour et, en fin d’année 1974, accepte une proposition qu’il ne peut pas refuser. Washington lui promet la vente illimitée d’armement, un rétropédalage sur la question de Jérusalem et un retour d’Israël dans ses frontières de 1948.

En échange de quoi l’Arabie saoudite s’engage à :

– Vendre son pétrole EXCLUSIVEMENT en dollar
– Investir les surplus de dollars de sa balance commerciale dans la dette américaine

Voilà comment le pétrodollar est né.

Le roi Fayçal se résigna à coopérer devant ces belles promesses, la pression internationale, les menaces d’invasion et, surtout, l’assassinat simultané des deux protagonistes des négociations avec les États-Unis. Le gouverneur de la Banque centrale saoudienne Anwar Ali, retrouvé mort à l’hôtel new-yorkais Waldorf Astoria le même jour que le ministre des Affaires étrangères Omar Saqqaf à Washington. Ces deux émissaires avaient pour mission de résister au pétrodollar. Le roi Fayçal sera assassiné à son tour en 1975…

Depuis, le pétrole, sang de la globalisation, n’a jamais cessé de se vendre en dollars que les États-Unis peuvent imprimer à l’infini.

L’Irak essaya bien de vendre son pétrole en euros mais fut détruite sur le champ. L’Iran, qui refuse aussi de vendre son naphte en dollars, est pour sa part sous embargo depuis des décennies. Et ne parlons pas de la Libye ou de la Syrie…

Les BRICS adopteront-ils le Bitcoin ?

En 1955, des pays d’Asie et d’Afrique représentant la moitié de la population mondiale se sont réunis à Bandung, en Indonésie, pour élaborer un cadre post-colonial en faveur de la paix.

Cet élan d’émancipation sera rapidement dissipé par les coups d’État, assassinats et guerres incessantes des États-Unis. Près de 70 ans plus tard, l’esprit de Bandung a été ressuscité en Afrique du Sud lors du sommet des BRICS.

Les historiens écriront certainement que ce sommet fut un moment charnière annonçant un monde multipolaire rejetant en bloc le système du pétrodollar.

Les BRICS sont devenus assez puissants pour refuser la pax americana. L’objectif est clair : se débarrasser du dollar devenu au fil du temps le principal mécanisme de domination mondiale des États-Unis.

D’ordinaire, les sommets annuels des BRICS (Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud) ne font pas parler d’eux. Mais pas cette année puisque plus de 40 pays ont demandé à rejoindre le groupe. Des représentants de plus de 60 pays y ont participé !

La Chine souhaitait accueillir 10 nouveaux membres, tandis que l’Inde en voulait 3. Finalement, six nouveaux membres ont été admis. L’Arabie saoudite, l’Iran, les Émirats arabes unis, l’Argentine, l’Égypte et l’Éthiopie.

Grâce à l’intégration de l’Iran, de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis, les BRICS représentent à présent 22 % de la production mondiale de pétrole (40 % des réserves) et près de 50 % des réserves mondiales de gaz naturel.

Et comme Henry Kissinger dit un jour : « Contrôler le pétrole, c’est contrôler les nations. Contrôler la nourriture, c’est contrôler les populations »…

Outre l’expansion des BRICS et le commerce en monnaies locales, la nouvelle banque de développement (NDB) a également fait parler d’elle . L’ambition de la « banque des BRICS » est de remplacer le FMI et de proposer une nouvelle monnaie de réserve internationale.

Voici ce que le président chinois Xi Jinping a déclaré à propos du rôle de la NDB :

« Nous devons tirer pleinement parti du rôle de la Nouvelle banque de développement, faire avancer la réforme des systèmes financiers et monétaires internationaux et accroître la représentation et la voix des pays en développement. »

Le président Poutine s’est lui montré plus clair :

« La dédollarisation gagne du terrain. Le dollar américain perd son statut mondial de manière factuelle et irréversible. »

Si les matières premières ne sont plus échangées en dollar, ce dernier se dépréciera. En effet, le placement des réserves de change (dollars) dans la dette US permet aux Américains d’importer beaucoup plus qu’ils n’exportent sans que le dollar ne s’écroule. C’est le fameux « privilège exorbitant ».

La révolution pacifique contre le dollar sera ressentie par l’Amérique sous la forme d’un renchérissement des importations (inflation).

Terminons en disant que la guerre en Ukraine n’est pas étrangère à la fronde globale contre l’hégémonie US. Le scénario noir serait que la guerre prenne plus d’ampleur à mesure que les BRICS renversent la table.

Il est crucial que le monde se dote enfin d’une monnaie neutre, qui ne profite à aucune nation en particulier. Une monnaie apatride faisant office de véritable réserve de valeur non censurable (contrairement au réseau SWIFT…). Nous avons besoin du bitcoin

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Nicolas T.

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