L’arnaque à 114 milliards $ : L’internet s’effondre sous les bots - Le gaming pourrait être la solution ?

En 2025, une grande partie de ce que nous voyons en ligne est artificielle. Abonnés, likes, vues, commentaires… peu de choses sont réellement humaines. Selon Juniper Research, plus de 114 milliards de dollars seront perdus cette année à cause de l’engagement frauduleux. Les bots et agents dopés à l’IA représentent désormais plus de la moitié du trafic web mondial. Ils imitent des comportements humains sur TikTok, Reddit, YouTube et X.

L’engagement, longtemps considéré comme la monnaie centrale d’Internet, est en train de s’écrouler sous le poids de la manipulation automatisée.

Une crise de crédibilité à l’échelle du web

Au quatrième trimestre 2024, TikTok a supprimé 185 millions de faux comptes. Facebook en a effacé plus d’un milliard. Une étude de Internet 2.0 estime que plus de 60% des utilisateurs de X pourraient être des bots.

Commentaires générés par IA, faux avis clients, deepfakes, influenceurs synthétiques… les timelines sont saturées.

Et les utilisateurs décrochent. D’après un rapport de CMSWire, 81% des internautes ne font plus confiance aux contenus sociaux. Plus de la moitié ignorent les publications d’influenceurs. Pendant ce temps, certaines PME gaspillent jusqu’à 30% de leur budget publicitaire dans du trafic factice (Tapper.ai).

« Ce n’est pas qu’une question de budget perdu », résume un analyste marketing ayant requis l’anonymat. « C’est toute la structure de la visibilité et de la légitimité sur Internet qui s’effondre. »

L’IA a accéléré le phénomène

L’essor des modèles de langage avancés a amplifié le problème. En 2025, Claude d’Anthropic a été utilisé pour générer un réseau coordonné de faux profils sur Facebook et X, interagissant avec des dizaines de milliers d’utilisateurs dans ce que les chercheurs ont qualifié de « manipulation en tant que service. »

Reddit a récemment banni des chercheurs universitaires ayant déployé des bots dotés de personnalités humaines distinctes, dont l’un se faisait passer pour un conseiller en traumatologie, accumulant plus de 10 000 points de karma en quelques mois. La plupart des utilisateurs ne se rendaient pas compte qu’ils interagissaient avec une IA.

Ces incidents ne sont pas isolés. Un rapport de 2025 de l’Institute for Strategic Dialogue a révélé que des réseaux de bots automatisés étaient responsables de la quasi-totalité des partages de certaines vidéos politiques truquées en Allemagne. Les plateformes, submergées par le volume et la complexité, peinent à réagir en temps réel.

Le gaming devient un terrain d’expérimentation

Alors que la plupart d’Internet lutte pour reconstruire la confiance, le secteur du jeu vidéo émerge comme l’un des rares à progresser de manière significative. Contrairement aux plateformes sociales ou de contenu, les jeux sont des systèmes autonomes avec des règles claires, des entrées mesurables et des résultats concrets. Cette structure facilite l’identification de la fraude et la défense de l’intégrité.

Les développeurs de jeux utilisent tous les outils à leur disposition. Des outils anti-triche au niveau du noyau, comme le Vanguard de Riot, à la modération communautaire sur Discord et Reddit, l’industrie traite l’authenticité comme un enjeu existentiel. Les studios investissent désormais dans l’analyse comportementale en temps réel, la transparence des scores et des mécanismes de réputation pour distinguer les vrais joueurs des bots.

Ce changement est à la fois technique et culturel. Les joueurs exigent un jeu équitable. La triche, l’utilisation de bots et la manipulation détruisent l’enjeu. Cela fait des jeux un terrain fertile pour l’innovation en matière de vérification.

Une approche expérimentale

Parmi les nouveaux entrants, Coliseum, une plateforme de tournois native Web3, compte déjà plus de trois millions de membres communautaires, avec plus de 30 000 participants à sa version bêta. Coliseum tente d’intégrer la vérification directement dans la couche de compétition. Plutôt que de s’appuyer sur des analyses ou des détections côté client, elle utilise un système appelé Guardian Network, un maillage de validateurs humains et de logique au niveau du protocole qui confirme les résultats et les participants.

Les joueurs construisent leur réputation grâce à des parties vérifiées. Les validateurs sont incités à détecter la manipulation. Seules les actions vérifiées sont récompensées, et les portefeuilles accumulent une crédibilité difficile à falsifier.

Ce que nous observons n’est pas seulement une fraude publicitaire ou des vues ou engagements hyper-bottés, c’est l’effondrement computationnel de la confiance numérique.

Josh Gier, directeur marketing de Coliseum

« L’IA a transformé l’engagement en une arme, rendant chaque ‘like’ et ‘vue’ suspect. Notre approche ne consiste pas à améliorer la détection, mais à opérer un changement de paradigme vers une économie de la ‘preuve de participation’. Nous exploitons la théorie des jeux et la validation distribuée rendue possible grâce à la technologie blockchain pour faire de l’interaction humaine vérifiée l’actif le plus précieux, créant ainsi un modèle pour la prochaine ère de la publicité numérique et des communautés. »

C’est encore tôt, mais l’idée est claire : l’engagement a besoin d’infrastructures, pas de modération. Coliseum parie que lorsque le faux coûte plus cher que le vrai, la vérité l’emporte.

La lutte pour la confiance numérique

Les régulateurs prennent conscience du problème. La FTC américaine a interdit la vente de faux abonnés et d’engagements. L’Europe sévit contre les systèmes d’identification biométrique en raison de préoccupations en matière de confidentialité. Les plateformes suppriment des millions de faux comptes chaque mois, souvent sans effet durable.

Mais l’application des règles sera toujours en retard sur l’innovation. La solution ne viendra pas de la chasse aux bots, mais de la construction de systèmes qui récompensent la preuve. Le gaming ne réparera peut-être pas Internet. Mais c’est peut-être là que la réparation commencera.