Le monde du Web3 en deuil après la disparition de Benoît Pagotto

Les cieux du Web3 sont bien sombres. Après les tempêtes de la crypto, voici que le secteur perd l’un de ses pionniers les plus emblématiques. Le décès soudain de Benoît Pagotto, cofondateur de RTFKT — entité acquise par Nike — laisse un vide considérable dans l’univers du digital fashion. Pagotto ne dirigeait pas une simple entreprise de NFT : il portait une vision, un rêve, une passerelle entre l’art, la technologie et l’humain. Et désormais, tout ce rêve semble suspendu.

Pagotto, l’architecte du Web3 créatif

Benoît Pagotto, 41 ans, cofonde RTFKT en 2020 avec Steven Vasilev et Chris Le. L’idée ? Fusionner sneakers, art numérique et culture blockchain. Trois mois après sa création, le studio vend des baskets virtuelles pour plus de 3,1 millions de dollars. Un an plus tard, Nike rachète la pépite. L’histoire est en marche.

L’un des coups d’éclat majeurs : la série Clone X, co-créée avec Takashi Murakami. Près de 120 millions de dollars générés en ventes cumulées. « Il pensait que le beau pouvait changer le monde », écrivait Philippe Rodriguez sur LinkedIn. 

Il restera l’entrepreneur, super creatif, discret et humble. Passionné mais toujours raisonnable, il a inspiré autant qu’il cherchait l’inspiration auprès d’autres. 

Pagotto incarnait une rare alchimie entre exigence esthétique et savoir technologique. Son influence allait bien au-delà des frontières françaises : du Japon à la Silicon Valley, son nom résonnait dans les sphères du luxe comme du Web3.

Nike et RTFKT : du rêve à la désillusion

Quand Nike annonce en 2021 l’acquisition de RTFKT, le monde du Web3 exulte. Les promesses sont nombreuses : lien entre NFT et objets physiques, intégration dans Roblox, marques déposées pour des vêtements virtuels. Tout semblait aligné pour conquérir le métavers.

Mais l’élan s’essouffle. Dès 2023, les NFT perdent de leur attrait, les collectionneurs grognent, l’infrastructure flanche. En avril 2024, des images NFT disparaissent temporairement à cause d’une panne de serveur. Et en parallèle, une plainte de 5 millions de dollars frappe Nike pour « promesses non tenues » envers les détenteurs de NFT.

Steven Vasilev rend hommage à son cofondateur : 

La vision, la mission et l’inspiration que Benoît a offertes au monde vivront pour toujours.

Un pionnier parti trop tôt : chiffres et empreintes

La communauté Web3 pleure un génie. Mais au-delà de l’émotion, les faits témoignent de l’empreinte qu’il laisse.

Repères chiffrés de l’aventure RTFKT

• 2020 : Fondation de RTFKT, en pleine ascension du marché NFT ;
• 3,1 M$ : Recette en quelques minutes d’une vente avec l’artiste FEWOCiOUS ;
• 2021 : Acquisition par Nike, valorisation estimée à 33,3 millions de dollars ;
• 120 M$ : Revenus générés par le projet Clone X x Murakami ;
• 5 M$ : Montant de la plainte contre Nike pour abandon supposé de la communauté NFT.

Au-delà de ses succès économiques, Benoît Pagotto marquait par une créativité sans compromis. L’ancien CTO de RTFKT, Samuel Cardillo, l’évoque avec franchise sur X : il décrit un personnage à la fois « cliché parisien grincheux » et « génie sans filtre », capable de dire les choses crûment tout en élevant des corbeaux sur le rebord de sa fenêtre.

Cette anecdote, mi-poétique mi-fantaisiste, dit tout de ce personnage hors normes.

Le parcours Web3 de Nike n’aura pas été un long fleuve tranquille. En avril, l’entreprise a été poursuivie pour fraude NFT. Une histoire où millions, promesses digitales et désillusions s’entremêlent. Avec la disparition de Benoît Pagotto, c’est une certaine idée du Web3 — celle du lien entre beauté et technologie — qui s’éteint un peu.