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L'erreur que nous avons tous faite sur le Web3

mer 14 Déc 2022 ▪ 13 min de lecture ▪ par Satosh

Nous pensions que la crypto allait transformer en profondeur le web que nous connaissions jusqu’à présent. Cétait la promesse du Web3. Il y aura bel et bien une transformation. Mais celle-ci émanera probablement bien plus des avancées de l’intelligence artificielle que de celles de la « blockchain ». Le succès du ChatGPT, qui a réuni plusieurs millions d’utilisateurs en quelques jours est très riche en enseignements. Désormais des millions d’utilisateurs interagissent consciemment avec des IA et admirent sa puissance démiurgique, là où la crypto est encore perçue comme une escroquerie inutile.

Web3

2022 : une année charnière pour l’IA

Loin des escrocs de la crypto (SBF, Do Kwon…), des scams toujours plus exotiques (Stepn et compagnie) et des fausses promesses (Solana…), 2022 a été une année charnière pour l’intelligence artificielle. Les percées ont été significatives et les gens se sentent de plus en plus à l’aise avec l’IA, si bien qu’ils lui font davantage confiance. Sommes-nous à l’aurore d’une nouvelle ère technologique embarquant dans la joie des millions de personnes vers des IA de plus en plus avancées ?

Dalle-2 : du texte à l’image

La société OpenAI chargée de développer des IA bénéfiques à l’humanité et alignées à nos valeurs a publié deux programmes très prometteurs : Dalle-2 et ChatGPT. Les gens ont adoré jouer avec ces programmes.

D’abord, cet été avec Dalle-2 un modèle qui permet de créer des images à partir de descriptions textuelles. « Dessine-moi un éléphant rose sur un vélo à Paris. Et hop, une IA génère une image plus ou moins plus réaliste ». Beaucoup d’utilisateurs étaient fascinés par les nouveaux pouvoirs qu’ils venaient d’acquérir grâce aux IA exploitant les techniques de traitement du langage naturel. Comme Jésus qui changeait l’eau en vin à Cana, Dalle-2 nous permettait de transformer le texte en images.

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Dalle-2 qui sera un jour disponible en « open source » pourrait bien transformer notre utilisation du web et plus largement notre économie. C’est concret, on voit l’utilité : édition de photos, publicité, art numérique…

ChatGPT : Google bientôt obsolète ?

Là encore, on peut remercier OpenAi pour leur publication du programme ChatGPT qui a suscité l’euphorie sur les réseaux sociaux comme Twitter et a électrisé le monde de la tech. En quelques jours, plus d’un million d’utilisateurs ont utilisé ce super chatbot. Nous avons vraiment de plus en plus l’impression de communiquer avec un être humain.

Véritable assistant polyvalent, ChatGPT vous permet d’écrire des contrats simples, d’écrire un poème, d’argumenter sur les bienfaits de l’agriculture biologique ou vous aide à générer du code pour lancer un nouveau shitcoin ERC20. Comme une impression de magie.

Pourtant, ChatGPT ne repose « que » sur la technologie GPT3, qui est un grand modèle de langage (LLM) qui existe depuis 2020. Un tel programme permet notamment de prédire à partir d’un calcul de probabilité les futurs mots d’une phrase et ainsi de construire des phrases qui pourraient être pensées par des êtres humains. Les ingénieurs d’OpenAI ont produit cette prouesse en entraînant les modèles sur plusieurs téraoctets de données textuelles.

Puisque ChatGPT est avant tout un perfectionnement de GPT3 afin de produire des réponses plus crédibles d’un point de vue humain, on peut s’attendre à ce que de futures versions basées notamment sur l’arrivée de GPT-4 l’an prochain puissent être encore plus révolutionnaires. Cette nouvelle version aura vraisemblablement plus de paramètres que GPT3 et sera plus performante en deep learning. Bientôt, un chat bot indiscernable des écrivains humains et passant sans difficultés le test de Turing ?

Si le Web2 et les moteurs de recherche vous permettaient de trouver rapidement de l’information et de l’organiser intelligemment pour répondre à votre requête, le Web3 sous stéroïdes d’IA pourrait bien vous permettre de vous expliquer le monde de manière incroyablement efficace.

L’IA va décupler notre productivité

L’IA nous apportera de nouveaux outils pour améliorer considérablement notre productivité et réduire le coût de la création de nouveaux contenus.

Des outils comme AlphaCode, qui est développé par DeepMind (Google) parvient aujourd’hui à produire du code aussi bon qu’un développeur moyen. On peut aussi évoquer GitHub Copilot. Il s’agit d’un logiciel qui permet d’aider les développeurs à compléter automatiquement leur code en fonction de ce qu’il a déjà écrit. Il va devenir beaucoup plus abordable d’écrire des programmes informatiques simples grâce à notre assistant IA intégré aux outils de développement. Vraisemblablement, il y aura de plus en plus de programmeurs et l’écriture de code élémentaire pourrait bien devenir une compétence aussi basique que l’utilisation d’un logiciel de traitement de texte.

L’outil de productivité Notion a récemment annoncé l’intégration d’un « assistant d’écriture qui peut vous aider à rédiger, à réfléchir, à éditer, à résumer et plus encore ». Là aussi, les utilisateurs vont gagner beaucoup de temps et parvenir plus facilement à écrire du contenu écrit de qualité. D’ici quelques années, il suffira d’écrire uniquement des bullets points très brefs et d’attendre qu’une IA les complète afin d’obtenir des paragraphes clairs et synthétiques.

Ce gain de productivité concernera également les artistes, qui pourront commencer par décrire textuellement leur objectif artistique et d’attendre qu’une IA leur soumettre une proposition. Ils n’auront alors qu’à itérer et corriger manuellement les imperfections du dessin. Des outils comme PlaygroundAI vont faire gagner beaucoup de temps aux artistes.

Bref, dans ce web3, l’humain donnera l’impulsion créative à l’IA qui fera des propositions que l’humain perfectionnera. Nous aurons bientôt de nouveaux pouvoirs.

Vitalik et ChatGPT

Vitalik n’a pas pu résister à l’envie d’utiliser le ChatGPT et lui aussi a joué avec le programme d’OpenAI.

« Le chatbot GPT-3 a été utile en tant qu’aide à la programmation, mais il a également commis de nombreuses erreurs. En fin de compte, j’ai pu surmonter ces erreurs rapidement parce que j’avais une bonne connaissance du domaine.

À ce stade, l’IA est assez loin de pouvoir remplacer les programmeurs humains. Dans ce cas précis, elle n’a fait que m’accélérer un peu : j’aurais pu trouver des solutions avec Google et, en fait, à un ou deux endroits, je suis retourné sur Google. Cela dit, j’ai découvert des modèles de code que je n’avais jamais vus auparavant. Pour l’opération classique consistant à écrire le Javascript pour envoyer une transaction simple, il s’est bien débrouillé.

Cela dit, l’IA s’améliore rapidement et je m’attends à ce qu’elle continue à s’améliorer.», Vitalik Buterin.

Les VCs vont quitter le navire Web3 pour repartir dans l’IA

N’oublions pas que le dernier bull market a été très largement amplifié par les investissements colossaux des fonds de capital-risque dans la blockchain et le Web3. Beaucoup de VCs qui venaient de découvrir la chaîne de blocs et sa capacité à créer du cash rapidement grâce aux émissions de tokens ont été pris de FOMO.

Mais l’euphorie a commencé à redescendre. Ils commencent à comprendre que la blockchain est une architecture de base de données extrêmement inefficiente pour lancer des applications et que seules celles qui ont un besoin ardent de résister à la censure (comme la monnaie avec bitcoin) nécessitent une telle structure.

Regardez Marc Andreessen (celui qui a subventionné des dizaines de Ponzis ces derniers temps) s’amuser depuis plusieurs jours avec ChatGPT.

Il faut s’attendre à ce que l’IA redevienne le centre de l’attention des fonds de capital-risque dont le métier est d’entrer au début d’une vague, d’y surfer 3-5 ans, puis d’y ressortir pour chercher une nouvelle technologie balbutiante. Les projets blockchain auront sans doute bien plus de difficultés pour trouver des financements dans les années à venir.

C’est sans doute une bonne nouvelle pour l’écosystème. Tout cet argent gratuit injecté dans la machine créait du bruit qui nous empêchait de comprendre la véritable utilité de la blockchain : construire des protocoles résistants à la censure et peut-être demain qui améliorent la privacy dans le Cyberespace.

Un Web3 qui a négligé les utilisateurs

Au-delà de l’absence de cas d’usages concrets, le Web3 se caractérise par des applications qui donnent l’impression d’avoir été créées sans tenir compte de l’expérience utilisateur. Le Web3 est aujourd’hui un web qui propose directement la fonction, sans créer d’expérience complète pour conduire l’utilisateur vers cette fonction. Un web fait par des experts pour des experts. Sans oublier le jargon incompréhensible qui essaye de camoufler l’absence d’utilité avec des termes impressionnants comme move-to-earn ou NFT.

Le véritable Web3, n’est pas un web plus complexe où il faut interagir avec des dizaines de tokens et payer des frais de transactions pour chaque action. Au contraire, ce sera un web qui nous permettra d’aller plus vite, à travers des interfaces toujours plus élégantes et d’accomplir des tâches plus complexes (comme l’écriture de code ou de l’art numérique) de manière extrêmement simple. Ceci va sans doute arriver grâce à nos assistants IA et non pas grâce à la blockchain, qui a une autre utilité, essentiellement monétaire.

Le Web3 ne sera plus décentralisé qu’à la condition qu’il permette d’avoir des applications plus simples, plus élégantes et plus largement une expérience utilisateur bien supérieure. Nous aimons tous le web ouvert, anarchiste, acéphale et sans entraves, mais la majorité préférera toujours la fluidité à la protection de la vie privée.

C’est d’ailleurs pour cette raison que le Web1 ouvert a muté en Web2 constitué de plateformes fermées : l’UX était meilleur. Encore aujourd’hui, n’importe qui peut exécuter un serveur, héberger ses mails, son blog… Mais personne ne le fait, car ce n’est absolument pas pratique. Le coût pour obtenir une telle souveraineté excède celui de la perte de vie privée.

Quels apports de la blockchain au Web3 ?

Nous l’avons vu, il semblerait que l’IA ait une capacité transformatrice du web bien plus importante que la blockchain. Néanmoins, cette dernière pourrait toutefois avoir une certaine utilité.

La nature décentralisée de cette technologie permet d’être sûr qu’une action a été exécutée comme prévu (grâce à un habile équilibre entre la théorie des jeux et la cryptographie) et que toutes les parties aient accès à des informations similaires. On peut alors imaginer des complémentarités entre les deux technologies.

« L’IA permet de tout falsifier en ligne. Mais la cryptographie nous permet de déterminer ce qui est réel. »

Pour l’instant, en dehors du cas d’usage monétaire (bitcoin a apporté la démonstration qu’il peut être une valeur résistante à la censure), la blockchain n’a pas encore montré son intérêt pour changer positivement le web. Mais gardons espoir, les protocoles de base (les layers 2/3 sur Ethereum et Bitcoin) ne sont pas encore vraiment prêts. Il se pourrait bien que des solutions comme RGB ou les Zero Knowledge Proofs nous réservent d’heureuses surprises dans les années à venir.

Le web3 sera plus probablement la conséquence d’une nouvelle accélération de l’IA que des apports de la blockchain. C’est notre erreur. En 2022, en dehors de la question monétaire, la plus grande contribution de la blockchain est surtout d’apporter un narratif : construire un web plus confidentiel, plus respectueux de la vie privée des utilisateurs et de leurs données. Un narratif, mais peu d’applications concrètes. Ce qu’on pourrait aussi appeler le combat cypherpunk.

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Satosh

Chaque jour, j’essaie d’enrichir mes connaissances sur cette révolution qui permettra à l’humanité d’avancer dans sa conquête de liberté.

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