Les Îles Marshall testent le revenu universel en crypto avec Stellar

La vulgarisation du Bitcoin et de ses nombreux cousins numériques ne prend jamais de vacances. De forums obscurs à la politique monétaire, la crypto étend ses tentacules. Parfois déroutante, souvent dérangeante, elle colonise des territoires inattendus. Même là où l’on croyait que seuls les billets froissés circulaient. Et lorsqu’un archipel oublié des radars financiers devient terrain d’expérimentation pour un revenu universel dématérialisé, les regards changent. Les cryptos ne font plus de la figuration. Elles s’invitent à la table des décisions publiques.

Lomalo : la crypto, remède insulaire à la panne bancaire

Quarante mille citoyens, un seul objectif : remplacer les billets par des octets. Aux îles Marshall, le programme ENRA de revenu universel passe à l’ère numérique. Exit les chèques en papier – place à USDM1, un jeton lancé sur Stellar et distribué via Lomalo, un portefeuille digital conçu par Crossmint.

Si ce jeton peut faire office de moyen d’échange, c’est surtout son rendement intégré qui attire l’attention. Contrairement aux stablecoins classiques, les intérêts vont aux citoyens. « Contrairement à un stablecoin, où c’est l’émetteur qui perçoit le rendement, ici, c’est le détenteur de l’actif qui en bénéficie », explique Paul Wong, directeur chez Stellar Development Fund.

Derrière l’interface simplifiée de Lomalo – sans phrases de récupération ni interfaces complexes – se cache un objectif : rendre la crypto aussi fluide que l’eau qui relie les îles. À cela s’ajoute un facteur crucial : l’isolement bancaire. Depuis 2008, les banques se sont raréfiées, au point qu’il ne reste qu’un seul acteur correspondant international. Et si ce lien saute ? L’archipel serait coupé du système financier mondial.

Ce n’est pas une hypothèse. C’est un stress test. L’USDM1 pourrait bien être l’alternative souveraine dont rêvent d’autres pays marginalisés du système bancaire traditionnel.

Incusion : changer la donne sociale, loin des capitales

Le projet ne se limite pas à un changement de support monétaire. Il touche aussi aux équilibres sociaux. Distribuer directement les aides via des comptes individuels numériques redessine les rapports de force dans les foyers, notamment chez les plus précaires.

C’est ce qu’explique Paul Wong à propos de la distribution du revenu universel : 

Quand on distribue le revenu universel à une femme, il ne va pas sur un compte commun où, historiquement, un homme l’a utilisé à des fins autres que celles de la famille.

L’initiative s’inscrit dans une stratégie plus large. Stellar collabore avec l’ONU et l’Allemagne pour déployer ce type de dispositifs dans des zones géopolitiquement instables, comme l’Ukraine ou le Moyen-Orient. L’objectif est clair : mettre la crypto au service de ceux qui n’ont rien, là où le cash est souvent un luxe.

Les États, qui voyaient hier la crypto comme une menace à réguler, s’intéressent aujourd’hui à son potentiel d’inclusion sociale et économique.

Repères chiffrés à garder en tête

• 2008 : début de l’isolement bancaire après la crise financière mondiale ;
• 1 seule banque encore connectée au système financier international aux Marshall ;
• USDM1 : jeton souverain rémunérateur financé par obligations d’État ;
• Distribution trimestrielle via Lomalo, portefeuille sans friction ;
• Internet Starlink utilisé pour couvrir les zones éloignées de l’archipel.

Ce n’est ni la première tentative, ni la dernière. Ce qui se joue aux Îles Marshall dépasse leur statut d’État insulaire. L’avenir de la crypto pourrait bien s’écrire dans ces zones ignorées par les infrastructures classiques. Et si le grand saut venait de là ? Croire que seule la régulation, comme la Clarity Act, fera décoller les prix est illusoire. Les usages, les besoins concrets, et l’urgence sociale seront les véritables moteurs de l’essor planétaire des cryptos.