Mistral AI lève 1,7 milliard et devient la première décacorne française

Si le monde des intelligences artificielles semble dominé par les titans américains, une petite tempête souffle depuis Paris. Mistral AI, start-up née il y a deux ans à peine, vient de se hisser au rang de décacorne française. Grâce à une levée de fonds record de 1,7 milliard d’euros, elle atteint désormais une valorisation de 11,7 milliards. Mais le chemin reste semé d’embûches, et les géants américains d’OpenAI à Google ressemblent à des colosses barrant l’horizon.

Une levée de fonds qui place Mistral AI dans la cour des grands

Mistral AI, une start-up Mistral qui affichait une valorisation de 6 milliards de dollars en juin 2024, s’impose comme l’une des success stories de la French Tech. Fondée par d’anciens chercheurs de Meta et DeepMind, la start-up a choisi une approche open source pour ses modèles d’IA générative. Cette levée de 1,7 milliard d’euros en série C marque un tournant : la société rejoint le club fermé des décacornes, valorisée à 11,7 milliards d’euros.

Les investisseurs sont prestigieux : DST Global, Andreessen Horowitz, Nvidia, Bpifrance. Mais le rôle majeur revient à ASML, le géant néerlandais des semi-conducteurs, qui injecte 1,3 milliard et prend 11 % du capital. L’opération donne aussi à ASML un siège stratégique. 

Pour Christophe Fouquet, PDG d’ASML : 

La collaboration entre Mistral AI et ASML vise à générer des bénéfices clairs pour les clients d’ASML grâce à des produits innovants et des solutions permises par l’IA, et offrira un potentiel de recherche conjointe pour relever les opportunités futures.

Mais le contraste avec les États-Unis reste frappant. Là où Anthropic a levé 13 milliards de dollars et OpenAI vise des valorisations proches de 500 milliards, l’Europe reste à la traîne. Mario Draghi, dans un rapport récent, évoquait déjà le besoin de 800 milliards d’euros par an pour éviter un décrochage technologique durable.

ASML et Mistral : une alliance européenne au cœur de la souveraineté technologique

L’arrivée d’ASML au capital de Mistral change la donne. Spécialiste mondial de la lithographie pour semi-conducteurs, l’entreprise néerlandaise offre plus qu’un financement : une caution industrielle. Pour Arthur Mensch, PDG de Mistral AI : 

Cet investissement unit deux leaders technologiques opérant dans la même chaîne de valeur. Nous avons l’ambition d’aider ASML et ses nombreux partenaires à résoudre les défis d’ingénierie actuels et futurs grâce à l’IA, et, en définitive, de faire progresser l’ensemble de la chaîne de valeur des semi-conducteurs et de l’IA. 

Cette alliance vise à intégrer les modèles de Mistral directement dans les machines et les processus d’ASML. De quoi accélérer la mise sur le marché de nouvelles générations de semi-conducteurs et renforcer la compétitivité de l’Europe. 

Les deux sociétés se positionnent comme un duo stratégique, à rebours des rachats de start-up européennes par des acteurs américains, comme l’acquisition de Silo AI par AMD.

Ce partenariat s’inscrit dans un contexte géopolitique tendu. ASML est déjà pris entre les feux des restrictions américaines et des pressions chinoises. Miser sur Mistral, c’est aussi pour l’Europe affirmer une volonté : bâtir un champion indépendant de l’IA capable de peser face aux empires étrangers.

Une alternative crédible pour une IA souveraine et ouverte

Mistral ne veut pas seulement lever des milliards, elle veut changer la donne. Ses modèles misent sur la légèreté et la sobriété : moins gourmands en calcul, donc plus accessibles. Cette stratégie a déjà séduit de grands clients comme Orange, BNP Paribas, Cisco, Stellantis, CMA CGM (qui a signé un partenariat de 100 millions), mais aussi AXA et Veolia. 

La société vise 100 millions de dollars de chiffre d’affaires annuel en 2025, preuve que la traction commerciale existe.

L’indépendance est un leitmotiv. Alors que des rumeurs de rachat par Apple circulaient encore cet été, Mistral a choisi un partenaire européen et non américain. L’objectif est clair : éviter que les données et les innovations en matière d’intelligence artificielle ne soient aspirées par les géants de la Silicon Valley.

Quelques chiffres clés à retenir

• 1,7 milliard d’euros levés en septembre 2025 ;
• 11,7 milliards d’euros de valorisation : première décacorne française de l’IA ;
• 1,3 milliard d’euros investis par ASML, soit 11 % du capital ;
• 100 millions de dollars de revenus annuels attendus en 2025.

Avec ses modèles open source, sa croissance fulgurante et son alliance avec ASML, Mistral s’impose comme le symbole d’une souveraineté numérique européenne en construction. Mais la bataille mondiale ne fait que commencer.

L’intelligence artificielle n’a jamais attiré autant d’attention. En juin dernier, une étude a révélé que le trafic IA explose. Pourtant, 80 % des visites sont captées par ChatGPT. Mistral, malgré sa percée, doit composer avec ce poids lourd américain qui monopolise encore l’attention mondiale.