OpenAI lève le voile sur les habitudes secrètes des utilisateurs ChatGPT

Depuis son lancement fracassant en novembre 2022, ChatGPT a conquis le statut de référence mondiale en intelligence artificielle. Près de trois ans après, le chatbot d’OpenAI dépasse largement le stade expérimental. Avec plus de 700 millions d’utilisateurs hebdomadaires, il façonne désormais les habitudes numériques mondiales. Une étude scientifique inédite, s’appuyant pour la première fois sur les données internes d’OpenAI, décortique 2,6 milliards de messages quotidiens et révèle des tendances surprenantes sur l’utilisation réelle de ChatGPT, remettant en question les idées reçues sur l’adoption de l’IA conversationnelle.

Une utilisation personnelle qui supplante l’usage professionnel

Le rapport de 64 pages, fruit d’une collaboration entre OpenAI et l’économiste de Harvard David Deming, constitue la première analyse scientifique basée sur des données réelles d’utilisation plutôt que sur des enquêtes déclaratives. Les résultats contredisent plusieurs prévisions initiales centrées sur la productivité professionnelle.

En juin 2025, 72,2 % des messages concernaient des tâches personnelles, contre 53 % un an plus tôt. Cette inversion de tendance s’explique par la démocratisation de l’outil au-delà des cercles technologiques et professionnels initiaux. La répartition des usages se concentre sur trois catégories principales, notamment : les conseils pratiques, la recherche d’informations et l’aide à l’écriture, qui totalisent près de 80 % des conversations.

Le profil des utilisateurs présente également des spécificités marquées. Une surreprésentation des 18-25 ans (46 %), une parité homme-femmes désormais atteints (52,4 % de femmes, contre 20 % au lancement), et une croissance exponentielle du nombre d’utilisateurs, passé de 100 millions d’utilisateurs hebdomadaires début 2024 à plus de 700 millions aujourd’hui.

Cette évolution démographique accompagne une transformation des usages qui dépasse les prédictions initiales. Les données quantifient pour la première fois la nature réelle des interactions homme-machine à cette échelle. Cela révèle un décalage entre les promesses axées sur la productivité et une réalité d’usage majoritairement personnelle et créative.

Les dirigeants, nouveaux utilisateurs stratégiques de l’IA

Si la majorité des conversations se situent dans la sphère personnelle, une dynamique parallèle se développe au sommet des grandes entreprises. ChatGPT devient un outil stratégique pour les dirigeants qui l’intègrent dans leurs processus décisionnels quotidiens.

Satya Nadella, CEO de Microsoft, a récemment détaillé ses cinq prompts GPT-5 quotidiens utilisés dans Microsoft 365 Copilot dont la synthèse de réunions, extraction des points d’action et analyse prédictive des discussions. Cette systématisation illustre une transformation des méthodes de management au plus haut niveau.

Cette appropriation par les dirigeants n’est pas isolée. Dès fin 2023, 80 % des Fortune 500 compagnies comptaient déjà des employés utilisant ChatGPT. L’étude du NBER montre que cette adoption pionnière a servi de tremplin. Aujourd’hui, l’IA ne se limite plus aux équipes techniques ou marketing, mais irrigue les processus décisionnels stratégiques.

L’étude confirme cette professionnalisation avec des pics d’adoption corrélés aux améliorations techniques majeures. Les lancements des modèles o1-preview et o1-mini en septembre 2024, puis o3 et o4-mini en avril 2025, ont généré des hausses de 15 à 25 % du volume de messages par utilisateur établi.

Cependant, depuis juin 2025, un phénomène de plateau est observé : la croissance provient désormais uniquement des nouveaux utilisateurs, tandis que l’usage des inscrits de longue date stagne. Cette saturation suggère que ChatGPT approche de ses limites actuelles pour répondre aux besoins des utilisateurs expérimentés.

Les données du NBER offrent ainsi le premier aperçu factuel de l’utilisation réelle de l’intelligence artificielle à grande échelle. Elles révèlent une adoption de masse centrée sur le quotidien, mais aussi une appropriation stratégique par les élites économiques.