Pour BlackRock, Bitcoin n’est pas prêt pour les paiements du quotidien

Bitcoin comme rail de paiement mondial ? Pour BlackRock, ce n’est clairement pas le cœur du dossier. Pour l’instant, les clients du plus grand gestionnaire d’actifs au monde jouent surtout la carte or numérique, pas celle de la monnaie du quotidien.

Bitcoin chez BlackRock : d’abord une réserve de valeur

Robbie Mitchnick, patron des actifs numériques chez BlackRock, le dit sans détour : la plupart des clients ne regardent pas bitcoin à travers le prisme des paiements de tous les jours. Ils ne souscrivent pas vraiment à l’idée d’un réseau de paiements globaux adossé au BTC.

Dans leur modèle, l’utilisation massive de bitcoin pour payer son café ou régler des factures à l’autre bout du monde, c’est de l’option out of the money : un scénario bonus, lointain, qui ne justifie pas aujourd’hui la décision d’investissement. Autrement dit, si bitcoin devient un rail de paiement mondial, ce sera du rendement additionnel, pas la thèse centrale.

Cela ne signifie pas que BlackRock enterre cette possibilité. Mitchnick parle d’un scénario plus spéculatif, pas d’une impossibilité. Mais pour la clientèle institutionnelle, la narrative qui compte maintenant est simple : bitcoin comme réserve de valeur, actif rare, décorrélé du système bancaire traditionnel. C’est cette histoire-là qui attire les flux.

Les limites actuelles de bitcoin pour les paiements

Si bitcoin veut vraiment exister comme infrastructure de paiements internationaux, le chantier est lourd. Mitchnick le reconnaît : beaucoup de choses doivent encore se passer en matière de scaling, de Lightning et de solutions de couche 2.

Les promesses techniques ne manquent pas, mais la viabilité économique de certains modèles reste floue. Des recherches récentes ont déjà mis en doute la capacité de beaucoup de solutions de type rollup à rester durables sur le long terme, malgré l’engouement actuel. Pour un investisseur institutionnel, parier aujourd’hui sur bitcoin comme rail de paiement complet revient donc à financer un futur encore très incertain.

Dans ce contexte, BlackRock adopte une posture prudente mais claire : le cas d’investissement sur bitcoin ne repose pas, pour l’instant, sur les paiements. Il repose sur la rareté, la portabilité, et la thèse de digital gold. Les paiements restent une option, pas le socle.

Stablecoins : les gagnants actuels du terrain des paiements

Pendant que le débat sur le BTC et les paiements traîne, un autre cheval prend de l’avance : les stablecoins. Mitchnick parle de succès immense sur le terrain des paiements. Là, le product-market fit est déjà visible.

Les stablecoins répondent à un besoin simple : déplacer de la valeur rapidement, à coût réduit, tout en restant adossé à une unité de compte familière, le dollar ou d’autres monnaies. Pour les acteurs corporates, les fintechs et les plateformes, l’arbitrage est évident : pourquoi supporter la volatilité de bitcoin quand un stablecoin fait le job de transfert de valeur sans choc de prix ?

La trajectoire est suffisamment forte pour bousculer même les plus bullish sur bitcoin. Cathie Wood, chez ARK Invest, a explicitement revu à la baisse son scénario de prix 2030 pour bitcoin en partie parce que les stablecoins capturent une part du rôle qu’elle imaginait pour BTC dans les paiements. Quand une optimiste structurelle sur bitcoin admet que les stablecoins scalent plus vite que prévu, le signal est clair : le terrain des paiements se joue ailleurs, au moins à court et moyen terme.

Bitcoin, stablecoins et la bataille des nouveaux rails de paiement

Faut-il en conclure que bitcoin a perdu la bataille des paiements ? Pas si vite. Mitchnick lui-même reconnaît que BTC garde une carte crédible sur les paiements de remittance, notamment vers les marchés émergents. Dans ces zones, la combinaison contrôle des capitaux + frais bancaires élevés + infrastructures faibles crée un espace où bitcoin reste compétitif, surtout quand il s’appuie sur des outils plus conviviaux.

Pour l’investisseur, le message est brut : si vous achetez bitcoin aujourd’hui, ne racontez pas une histoire que même BlackRock ne défend pas. Le cas d’usage paiements est un upside lointain, pas la base de la thèse. La stratégie rationnelle consiste à voir bitcoin comme une assurance, un actif de long terme, potentiellement complété par une exposition ciblée aux stablecoins qui, eux, capturent déjà la croissance des nouveaux rails de paiement.

En somme, BlackRock ne remet pas en cause la perspective d’un bitcoin largement utilisé dans les paiements internationaux. Le géant de la gestion d’actifs s’est d’ailleurs déjà positionné sur le BTC et l’ETH via Coinbase, mais il cantonne encore ce scénario au rang d’option spéculative, derrière la réalité actuelle du marché où, pour l’heure, les stablecoins captent l’essentiel des usages liés aux paiements.