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Pourquoi tant de dettes ?

ven 12 Mai 2023 ▪ 11 min de lecture ▪ par Nicolas T.
Apprendre Investissement

Pourquoi tant de dettes ? Au final, ne seraient-elles pas simplement le miroir d’un problème physique ? Quel rôle pour le Bitcoin ?

dette dollar

Le plafond de la dette n’existe pas…

La dette des États-Unis est passée de 40 % à 80 % du PIB en 42 ans. Puis de 80 % à 130 % du PIB en 14 ans seulement. La dette augmente plus vite que le PIB et ce phénomène s’observe partout.

Tous les États empruntent pour rembourser leurs dettes. Et malheureusement, il ne se passe plus une année sans que cette fuite en avant finisse en hyperinflation. Liban, Sri Lanka, Argentine, Turquie. Bientôt le Pakistan ?

Pourquoi ? La dette et l’inflation sont avant tout le reflet d’une réalité physique. Elles sont le miroir de la productivité qui découle directement de la capacité à produire de l’énergie.

Les combustibles fossiles sont le seul actif que nous possédons. Tout le reste dérive du charbon, du pétrole et du gaz. Sans chaleur, rien ne peut être fabriqué. Le smartphone sur lequel vous lisez cet article est un dérivé de combustibles fossiles (80 % du mix énergétique mondial).

Parmi ces énergies, le pétrole est crucial du fait qu’il actionne 95 % des moyens de transport mondiaux. Sans lui, la productivité globale s’effondrerait. Plus nous brûlons de pétrole et plus nous pouvons extraire, transporter et transformer des matières premières. En un mot, plus nous pouvons produire.

C’est précisément en augmentant la productivité que l’on empêche la dérive du ratio dette/PIB. Et donc de l’inflation. Cette productivité, nous la devons aux machines qui ont besoin d’énergie. Une énergie abondante est synonyme de productivité forte.

Mais toute entreprise qui brûle continuellement ses actifs à un rythme dix fois supérieur à leur taux de remplacement peut être considérée en faillite. C’est exactement notre situation.

Puits de pétrole n’est pas corne d’abondance

En 2016, le monde a découvert 2.4 milliards de barils de pétrole, mais en a consommé 25 milliards. Soit 10 fois plus.

Il est vrai que la moyenne des découvertes sur les 15 années précédentes fut de 9 milliards de barils par an. Mais la tendance est lourde. Depuis 2016, les découvertes de nouveaux gisements de pétrole furent en moyenne de 5 milliards de barils par an :

Découvertes de pétrole mondiales vs consommation de pétrole mondiale
Source : Le blog Oilman de Matthieu Auzanneau, directeur du Shift project.

Nous voulons tous que l’on nous dise que nos ressources et notre croissance sont infinies. Personne ne veut regarder la réalité en face. Nous préférons rejeter la faute de l’inflation sur les banquiers centraux.

Pourtant, ce sont bien des machines et du carburant (limité) qui nous nourrissent, nous chauffent, nous éclairent, nous transportent et nous permettent de vivre en démocratie.

La prospérité dépend de l’énergie fossile excédentaire et bon marché. Depuis deux siècles, nous avons pu utiliser les combustibles fossiles comme garantie pour nos dettes futures. Notre système consiste à faire rouler la dette et dépend d’un apport d’énergie croissant, sous peine d’inflation.

Les ressources en combustibles fossiles sont un don unique de la nature et il n’existe pas de substituts viables. Leur raréfaction menace directement notre système économique et monétaire dont la survie dépend entièrement de la disponibilité de surplus d’énergie. Sans énergie excédentaire, il ne peut y avoir de société moderne.

Problème, le stock s’épuise. Nous avons même potentiellement atteint le pic de production mondial de pétrole en 2019. Et cela après avoir déjà franchi le pic de pétrole conventionnel (celui qui est peu cher à sortir de terre) en 2007.

Ne cherchez pas plus loin pour comprendre l’origine de la crise des subprimes (baril à 140 $)…

La prospérité n’est pas un droit infini

Les coûts croissants de l’extraction de pétrole pèsent directement sur notre productivité et, in fine, notre capacité à rembourser la dette.

Nous substituons la dette à la productivité qui est plombée par deux choses:

-La difficulté à produire toujours plus de pétrole.

-La hausse des coûts d’extraction.

Nous masquons la réalité énergétique par de la dette qui (il n’y a pas de miracle…) se transforme en inflation. Les prouesses technologiques humaines nous surprendront certainement encore. Mais elles ne pourront pas faire reculer les limites physiques de la planète ad vitam æternam.

Beaucoup de bitcoiners inversent la cause et l’effet en croyant que ce serait la planche à billet qui est à l’origine de l’inflation. Non. Nous faisons plus de dette parce que l’énergie se raréfie et coûte plus cher à extraire, et non l’inverse.

Les puits pétrole ne se remplissent pas à coups de prières ou de bulletins de votes. Les promesses politiques tiennent si seulement il y a suffisamment d’énergie pour les soutenir.

Les salaires réels et les retraites sont payés à partir des excédents énergétiques. Plus l’énergie excédentaire s’amenuise et plus les revenus réels diminuent.

Le facteur déterminant est ce que l’on appelle le rendement énergétique (EROEI). Il s’agit du ratio de l’énergie obtenue sur l’énergie dépensée pour l’obtenir.

Au cours des 150 dernières années, la civilisation s’est construite sur la base du charbon, dont le rendement énergétique était de 50:1. Puis sur le pétrole dont le rendement énergétique était de 100:1. Ces rendement faramineux ont fourni l’énergie excédentaire bon marché. C’est grâce à elle que nous avons pu créer nos infrastructures industrielles en rêvant d’une prospérité infinie.

Notre mode de vie actuel ne survivra pas avec des combustibles offrant un rendement d’environ 18:1, ce qui est aujourd’hui le cas des meilleurs puits de pétrole. L’époque faste du rendement 100:1 permettant d’augmenter drastiquement le niveau de vie (les trente glorieuses) est révolue.

La falaise de Sénèque

Un ratio d’environ 14:1 signifie que l’on obtient 14 fois plus de barils de pétrole qu’il en faut pour les extraire, les raffiner, les acheminer jusqu’à la pompe, etc. Certains spécialistes estiment que notre société pourrait se maintenir de manière rudimentaire à 14:1. Mais il faudrait faire une croix sur certaines choses, comme une bonne partie des voitures par exemple. Un peu de vélo ne nous fera pas de mal.

Il existe de nombreuses interprétations de la « falaise énergétique ». Le débat est ouvert quant à savoir à partir de quel rendement énergétique notre société industrielle cesse de fonctionner. 15:1, 10:1, 8:1 ?

Le chiffre exact n’a pas d’importance, nous entrons actuellement dans le dur. La descente énergétique va s’accélérer :

The net energy cliff
EROI en abscisse

C. Hall et P. Prieto expliquent la raison pour laquelle la société moderne a besoin d’un certain EROI pour fonctionner :

« Nous avons étudié la quantité de pétrole qu’il faudrait extraire pour faire rouler un camion en prenant en compte l’énergie nécessaire pour extraire cette énergie. Nous avons donc ajouté l’énergie nécessaire pour obtenir, raffiner et transporter le pétrole jusqu’à la pompe à essence. Puis, nous avons pris en compte l’énergie requise pour construire et entretenir les routes, les ponts, les véhicules, etc. Résultat, il faut extraire 3 litres de pétrole pour utiliser 1 litre dans le réservoir du camion. C’est-à-dire qu’il faut un EROI minimum de 3:1. Mais cela n’incluait pas l’énergie nécessaire pour amortir la valeur du camion, ou encore payer tous nos besoins comme l’école et les hôpitaux. Très vite, il est apparu que nous avions besoin d’un EROI d’au moins 10:1 pour répondre aux besoins minimums de la société. Voire 15:1 pour une civilisation moderne ».

Actuellement, l’EROI mondial du pétrole tourne autour de 20:1. Et nous avons probablement passé le pic de production…

Et les énergies renouvelables ?

Nous plaçons nos espoirs énergétiques dans le photovoltaïque, l’éolien, le nucléaire, le pétrole de schiste (et la fusion…).

Malheureusement, les parcs éoliens et solaires ne peuvent pas fournir une énergie à même de remplacer le pétrole. La densité énergétique du pétrole est incomparable.

Par ailleurs l’énergie éolienne arbore péniblement un EROI de 4 contre 9 pour le photovoltaïque. En clair, l’éolien produit à peine quatre fois plus d’énergie qu’il en faut pour sa fabrication, son installation, son entretien et son démantèlement.

[En vérité, la capture de l’énergie solaire et éolienne n’est pas réellement renouvelable. La durée de vie des panneaux solaires et des éoliennes est limitée de 20 à 25 ans. En fait, aucune source d’énergie n’est renouvelable, ce qui rend toute la discussion sur les sources d’énergie renouvelables sans objet. La question est plutôt: laquelle émet le moins de CO2 pour s’éviter des catastrophes climatiques.]

EROI par source d'énergie
Les colonnes bleues illustrent l’EROI des différentes source d’énergie sans prendre en compte le besoin de stockage (les éoliennes tournent souvent lorsque l’on en a pas besoin). Les colonnes oranges représentent l’EROI en intégrant l’énergie dépensée à la construction de l’infrastructure de stockage.

Certaines recherches montrent que les besoins de stockage et de redondance des infrastructures (pour prendre le relais quand il n’y a pas de vent ni de soleil) rend l’EROI des énergies renouvelables trop faible. Surtout pour notre niveau de confort actuel consistant à ce que tout fonctionne à tout instant.

Mais il faudra bien s’en contenter. Petit à petit, l’énergie excédentaire nécessaire à l’ensemble du parc de machines diminue en même temps que notre niveau de vie.

Cela se traduira par des défauts de remboursement et de l’inflation. Il ne faudra alors pas blâmer les banquiers centraux, mais le fait que nous ne vivons pas sur une planète infinie.

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Nicolas T.

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