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BRICS : Un nouveau Bretton Woods cet été ?

mer 14 Juin 2023 ▪ 10 min de lecture ▪ par Nicolas T.
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Un nouveau Bretton Woods le 22 août ? La réunion des BRICS pourrait être le plus grand chamboulement monétaire depuis 1971.

BRICS

L’alliance des BRICS enfle

Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud pourraient dévoiler à Durban une nouvelle monnaie de réserve internationale (ou plusieurs) en vue de se passer du dollar. La dédollarisation accélère.

Le monde n’est pas préparé à cette onde de choc géopolitique et monétaire qui se traduira par plus d’inflation en occident et particulièrement aux États-Unis.

Autre surprise, les BRICS vont s’élargir. Il faudra bientôt parler des BRICS+. Huit nations ont déposé une demande officielle d’adhésion. Algérie, Argentine, Bahreïn, Égypte, Indonésie, Iran, Arabie saoudite et Émirats arabes unis.

Dix-sept autres ont manifesté leur intérêt. Afghanistan, Bangladesh, Biélorussie, Kazakhstan, Mexique, Nicaragua, Nigeria, Pakistan, Sénégal, Soudan, Syrie, Thaïlande, Tunisie, Turquie, Uruguay, Venezuela et Zimbabwe.

En sachant que :

  • L’Arabie saoudite, l’Iran et la Russie possèdent 30 % des réserves de pétrole et 46 % du gaz.
  • La Russie, la Chine, le Brésil et l’Inde représentent 30 % de la surface émergée mondiale et 50 % de la production mondiale de blé et de riz.
  • La Chine, l’Inde, le Brésil et la Russie ont une population combinée de 3,2 milliards de personnes, soit 40 % de la population mondiale.
  • La Chine, l’Inde, le Brésil, la Russie et l’Arabie saoudite ont un PIB combiné de 29 000 milliards de dollars, soit 28 % du PIB mondial. Voire plus à parité de pouvoir d’achat. La Russie et la Chine possèdent deux des trois plus grands arsenaux nucléaires du monde.

La monnaie des BRICS

À tous points de vue – population, masse continentale, production d’énergie, PIB, production alimentaire et armes nucléaires – les BRICS sont devant. L’Empire du milieu a également fait son retard sur le plan technologique, même si elle reste un peu en retrait au niveau des semi-conducteurs.

En agissant de concert, les BRICS constituent une puissance incontournable. Si une nouvelle monnaie est annoncée en août, elle aura toutes les chances d’être un succès, au moins au sein des pays suscités.

Cette fronde contre le dollar ne date pas d’hier. La différence aujourd’hui est que la Russie est entrée en guerre. Et alors que Moscou tient l’Europe en respect, de nombreux pays réalisent que c’est le moment ou jamais de s’émanciper.

Dubaï accepte désormais le yuan en paiement de ses exportations de pétrole. L’Arabie saoudite et la Chine ont discuté d’accords similaires. La Chine et le Brésil ont récemment conclu de commercer dans leurs propres monnaies. Et encore cette semaine, nous apprenons que le Pakistan achète du pétrole russe en yuan et que l’Égypte va cesser d’utiliser le dollar avec les BRICS.

Très bien, mais commercer en monnaies nationales a ses limites. Il est rare que deux pays aient des échanges égaux. Généralement, l’un affiche un déficit commercial et l’autre un excédent. C’est le cas de la Russie et de l’Inde qui achète beaucoup de pétrole russe depuis le début de la guerre en Ukraine. Or, la Russie ne veut déjà plus de roupies.

Si le dollar n’est plus une option, il faut trouver un substitut que tout le monde acceptera. D’où ce sommet des BRICS+ très important du 22 au 24 août.

Quel type de monnaie exactement ?

Certains pays envisagent un stablecoin adossé à l’or, ce qui fera sourire les bitcoiners…

D’autres plaident pour une monnaie rattachée à un panier de produits de base comme le pétrole, le blé, le cuivre et d’autres produits essentiels au cœur de la globalisation.

Nous verrons bien, mais probablement que cette monnaie ne sera pas accessible au quidam. Il n’y aura pas de billets de banque BRICS+ pour les transactions quotidiennes.

Il s’agira d’une monnaie numérique centralisée, probablement tenue par la Nouvelle banque de développement (la « banque des BRICS »). Et tout comme en 1971 avec le dollar, vous pouvez être certain que cette monnaie finira tôt ou tard par être dévaluée.

Par ailleurs, selon les dernières informations fournies par les groupes de travail des BRICS, ce panier rencontre les mêmes problèmes que ceux rencontrés par John Maynard Keynes lors des réunions de Bretton Woods en 1944.

L’idée n’est pas nouvelle. Keynes avait initialement proposé une approche fondée sur un panier de matières premières pour créer une monnaie mondiale, le Bancor. Sauf que les matières premières ne sont pas fongibles (il existe plus de 70 qualités de pétrole !).

En fin de compte, Keynes a estimé qu’un panier de matières premières n’était pas nécessaire et qu’utiliser l’or était le plus simple pour ancrer une monnaie (gold standard).

Il est donc possible que la nouvelle monnaie des BRICS+ soit liée à un poids d’or. Et que ce gold standard soit voué au même destin que le précédent…

Cette solution profite à la Russie et à la Chine qui sont les deux plus grands producteurs d’or au monde. Ils se classent « officiellement » respectivement aux sixième et septième rangs des 100 nations possédant des réserves d’or.

Et ceux qui n’ont pas d’or ? Quid du Bitcoin ?

Un gold standard pourrait faire grincer des dents du côté de ceux qui n’ont pas la chance d’avoir des mines d’or. A contrario, le Bitcoin peut être miné par n’importe quel pays. Il suffit d’avoir de l’électricité. C’est un atout non négligeable, en plus de voyager gratuitement et à la vitesse de la lumière.

Sans parler du fait qu’il est possible de miner toujours plus d’or. Ce n’est pas le cas avec le bitcoin. Comme l’a dit Michael Saylor à la conférence BTCPrague, « la demi-vie de l’or est de 35 ans ». Dit autrement, le stock d’or double tous les 35 ans.

A contrario, plus de 92 % des 21 millions de BTC ont déjà été émis et très peu de pays en possèdent. Ce serait un nouveau départ à armes égales avec une monnaie accessible au quidam.

La rareté d’une monnaie de réserve est cruciale. Il faut bien comprendre que les pays pourraient utiliser la monnaie de paiement de leur choix. Il n’est pas nécessaire que ce soit le dollar. Mais le fait est que le billet vert impérial est devenu LA monnaie stable.

Par ailleurs, les réserves (obtenus grâce aux excédents commerciaux) ne sont pas détenus sous forme de billets. Les banques centrales détiennent plutôt des titres financiers. C’est-à-dire des actions de multinationales et principalement de la dette souveraine.

Lorsque l’on dit que le dollar est la principale monnaie de réserve, cela signifie que les banques centrales détiennent des bons du Trésor US qui rapportent des intérêts. D’après les derniers chiffres du FMI, 58 % des réserves mondiales sont actuellement libellés en dollars (~6 471 milliards $, au plus bas depuis 25 ans).

Pas si facile de remplacer le dollar

Il est difficile de proposer une monnaie de réserve sans que celle-ci permette d’investir dans un grand marché d’obligations souveraines. Aucun pays au monde ne se rapproche du marché du Trésor américain en termes de taille, de variété d’échéances, de liquidité, de produits dérivés etc.

Les BRICS+, en plus d’offrir une monnaie convertible en or, devront offrir un marché alternatif rapportant des intérêts supérieurs à ceux que l’on trouve aux États-Unis. Mais est-ce que la Chine veut ouvrir ses marchés au reste du monde ? Peu probable, mais qui sait.

Il vaudrait mieux adopter le Bitcoin. Pourquoi ? Parce que les taux d’intérêt resteront durablement en dessous de l’inflation. Comme dit Michael Saylor, « personne ne peut stopper l’inflation. Je pourrais vous mettre en charge du monde que vous ne pourriez pas stopper l’inflation ».

Pourquoi ? Parce que que nous vivons sur une planète finie. Deux choses paraissent de plus en plus certaines en l’absence d’une percée technologique sur l’énergie :

  • Baisse de la productivité (et donc les profits) à cause des limites à la croissance (pic pétrolier), ce qui pèsera sur les dividendes des multinationales,
  • Taux d’intérêt proches de 0 % en raison du poids de la dette irremboursable faute de croissance.

Le temps est venu de tempérer les espoirs vis-à-vis des « rendements » de la dette et de la bourse. Tout le monde se ruera bientôt sur une réserve de valeur absolue, qu’importe qu’il n’y ait pas de « yield ».

Les BRICS n’adopteront probablement pas officiellement le bitcoin cet été. Cela dit, il se murmure que l’UAE achète déjà du pétrole russe en bitcoin…

Un monde multipolaire est une aubaine pour le bitcoin qui finira par s’engouffrer dans la brèche, comme au Salvador.

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Nicolas T.

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