Crypto : Comment l’Europe veut imposer sa version de la SEC
Quand il s’agit de crypto, l’Europe souffle le chaud et le froid. Un jour elle simplifie les démarches, le lendemain elle resserre la vis réglementaire. Cette valse hésitante n’est pas sans conséquence pour les entrepreneurs, les investisseurs crypto ou les projets blockchain en quête de stabilité. Et aujourd’hui, c’est un véritable tournant qui se dessine. L’Union européenne souhaite confier à l’ESMA un pouvoir semblable à celui de la SEC américaine. Un changement d’échelle… et de ton.

En bref
- L’Europe veut centraliser la régulation crypto sous l’égide d’un ESMA aux pouvoirs étendus.
- Startups tech redoutent des retards d’autorisation freinant l’innovation et la croissance des petits acteurs.
- La réforme vise à harmoniser la finance européenne pour rivaliser avec les marchés américains plus intégrés.
- Certains États membres contestent, craignant un modèle centralisé inefficace et lourdement bureaucratique.
Une « SEC européenne » pour muscler la finance de l’UE
Le 4 décembre 2025, la Commission européenne a présenté une réforme ambitieuse : unifier la supervision des marchés financiers et des cryptos au sein d’un guichet unique européen, incarné par l’ESMA. Objectif : renforcer la compétitivité de l’UE face aux États-Unis et à leur bourse à 62 000 milliards de dollars. Pour comparaison, celle de l’UE plafonne à 11 000 milliards.
Maria Luís Albuquerque, commissaire à la finance, résume ainsi la vision de Bruxelles :
Depuis trop longtemps, l’Europe tolère un niveau de fragmentation qui freine notre économie. Aujourd’hui, nous faisons le choix délibéré de changer de cap. En construisant un véritable marché financier unique, nous offrirons aux citoyens de meilleures opportunités pour faire fructifier leur épargne, tout en débloquant des financements plus solides pour les priorités de l’Europe. L’intégration des marchés n’est pas un exercice technique — c’est un impératif politique pour la prospérité et la pertinence mondiale de l’Europe.
Avec ce nouveau modèle, l’ESMA pourra superviser directement les plateformes crypto, les gestionnaires d’actifs numériques et les infrastructures financières majeures. L’actuel système de passeport européen, qui permettait à une startup de s’installer dans un seul pays pour opérer dans toute l’UE, pourrait disparaître. Une rupture majeure pour l’équilibre entre régulation et innovation.
Crypto-startups : le spectre d’un coup de frein réglementaire
Du côté des startups crypto, c’est la douche froide. Beaucoup craignent un effet boomerang. Alors que MiCA commence à peine à se déployer, une nouvelle couche administrative pourrait ralentir les démarches et refroidir les investisseurs crypto. Faustine Fleuret, de Morpho, alerte :
Je suis encore plus préoccupée par le fait que la proposition confie à l’ESMA à la fois l’autorisation et la supervision des CASPs, et pas seulement la supervision.
Même son de cloche du côté d’Elisenda Fabrega, de Brickken :
Sans ressources adéquates, ce mandat pourrait devenir ingérable, entraînant des retards ou des évaluations excessivement prudentes qui pourraient affecter de manière disproportionnée les petites entreprises ou les sociétés innovantes.
Certains estiment que rouvrir les discussions sur MiCA, avant même sa pleine mise en œuvre, ajouterait une insécurité juridique inutile. Les régulateurs, eux, assurent vouloir harmoniser, pas complexifier. Mais la frontière entre les deux semble bien mince.
Derrière la promesse d’intégration, des divisions bien réelles
Si les grandes puissances européennes — France, Allemagne, Italie — soutiennent l’idée d’une supervision centralisée, d’autres pays comme le Luxembourg ou Malte freinent. Le ministre Gilles Roth a déclaré que son pays privilégie la convergence des superviseurs plutôt qu’un modèle centralisé jugé coûteux et inefficace.
Du côté des institutions, certains redoutent aussi la perte de souveraineté. Même au sein des États favorables, des tensions apparaissent sur les modalités : faut-il donner à l’ESMA un pouvoir de sanction ? Qui financera ses moyens accrus ? Et à quel rythme s’appliqueront ces changements ?
Les échanges sur X montrent aussi des inquiétudes. Plusieurs utilisateurs pointent le risque de transformer l’UE en une « machine à audits », coupée du terrain. D’autres, au contraire, applaudissent la volonté d’en finir avec 27 régulations nationales divergentes.
5 faits clés sur la réforme crypto de l’UE :
- Le marché boursier américain vaut 62 000 Mds $, contre 11 000 pour l’UE ;
- L’ESMA deviendrait le superviseur unique pour les acteurs crypto ;
- Le modèle actuel de passeport européen serait aboli ;
- Les startups crypto redoutent un étouffement bureaucratique ;
- Mise en œuvre progressive à partir de 2026, sans date précise.
Tant que la BCE présentera l’euro numérique comme le moteur d’une économie européenne « plus forte », les cryptos n’auront aucun répit. La régulation avancera au rythme de cette ambition monétaire. Derrière la promesse d’un système plus intégré, c’est toute une industrie qui devra apprendre à survivre dans une Europe qui veut à la fois encourager la finance digitale… et la contrôler.
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