Crypto : Le GENIUS Act pourrait fragiliser le système financier mondial selon Amundi

Tandis que les stablecoins gagnent en légitimité, une loi américaine ravive les fractures entre souveraineté monétaire et suprématie du dollar. Avec la GENIUS Act, adoptée par le Sénat, Washington encadre les cryptos adossées au billet vert. Toutefois en Europe, la riposte s’organise. Amundi redoute une déstabilisation mondiale. Derrière ce cadre juridique, se dessine une offensive monétaire aux effets systémiques.

Le GENIUS Act : un catalyseur du basculement monétaire ?

Le passage du GENIUS Act au Sénat américain marque un tournant pour le secteur crypto. Cette législation vise à établir un cadre juridique pour les stablecoins adossés au dollar, ouvrant la voie à une régulation nationale de ces actifs.

En effet, cette nouvelle loi, si elle est également validée par la Chambre des représentants puis signée par le président Trump, pourrait entraîner une vague de demande inédite pour ces cryptos. Pour Vincent Mortier, directeur des investissements chez Amundi, les conséquences pourraient être majeures : « cela pourrait être du génie, ou cela pourrait être maléfique », a-t-il souligné. Derrière cette formule ambivalente, c’est toute une architecture monétaire qui pourrait vaciller.

Les projections sur le marché des stablecoins illustrent à quel point ce changement réglementaire pourrait être un effet de levier. Plusieurs données clés permettent de mesurer l’ampleur du phénomène :

• D’autres estimations plus audacieuses évoquent une envolée possible jusqu’à 2 000 milliards de dollars ;

• 98 % des stablecoins actuellement en circulation sont adossés au dollar, ce qui renforce la centralité du billet vert dans l’écosystème ;

• Pourtant, plus de 80 % des transactions en stablecoins ont lieu en dehors des États-Unis, révélant un usage largement globalisé ;

• Le GENIUS Act pourrait également stimuler la demande en bons du Trésor américain, utilisés comme collatéraux, et donc contribuer à financer indirectement le déficit américain.

Ces données on-chain concrètes montrent que la loi américaine pourrait induire une reconfiguration profonde des flux de capitaux internationaux, avec un glissement potentiel vers une dollarisation numérique mondiale.

Des risques systémiques à l’échelle mondiale

Les inquiétudes exprimées par Amundi vont au-delà des mécanismes de marché ou à la régulation technique. Elles touchent la souveraineté monétaire des États, en particulier hors des États-Unis.

Le CIO Vincent Mortier redoute que ces stablecoins, devenant de fait des « quasi-banques », captent les dépôts de particuliers et entreprises en dehors des circuits traditionnels. « Les gens vont déposer de l’argent dans un stablecoin en supposant qu’ils pourront le retirer à tout moment », explique-t-il.

Cette fonction quasi-bancaire, couplée à l’usage croissant de ces actifs comme moyen de paiement, pourrait désintermédier les systèmes bancaires et fragiliser les banques centrales, notamment dans les économies émergentes.

Cette préoccupation est partagée par plusieurs autorités financières européennes. En avril dernier, le ministre italien des Finances, Giancarlo Giorgetti, déclarait que la politique américaine sur les stablecoins constituait « une menace encore plus dangereuse pour la stabilité financière européenne que la guerre commerciale menée par Trump ».

La Banque des règlements internationaux (BRI) a, elle aussi, pointé du doigt les risques de transparence insuffisante, de fuite de capitaux et de perte de contrôle des politiques monétaires. Selon Mortier, cette adoption massive pourrait même « être perçue comme un message implicite que le dollar n’est plus si fort », suggérant une érosion symbolique de l’autorité du billet vert à mesure que son usage se dématérialise via des proxies privés.

L’avenir du système monétaire mondial pourrait ainsi se jouer, en partie, sur le terrain de la régulation crypto. Si le GENIUS Act s’impose comme un jalon majeur dans la stratégie américaine de domination financière numérique, les réactions européennes montrent qu’un affrontement se profile.