Dédollarisation : Les BRICS changent totalement de cap
Tandis que les rivalités géopolitiques se ravivent, la dédollarisation s’impose à nouveau comme un levier de souveraineté monétaire. Longtemps fer de lance de cette ambition, les BRICS semblaient vouloir défier l’ordre économique dominé par Washington. Cependant, un repositionnement stratégique du Brésil, membre influent du bloc, vient bousculer cette trajectoire. En écartant l’idée d’une monnaie commune, le pays rebat les cartes d’un projet déjà fragilisé, révélant les limites d’une coordination monétaire face à la réalité des rapports de force économiques.
En bref
- Le bloc des BRICS ambitionnait depuis plusieurs années de réduire sa dépendance au dollar américain via un plan de dédollarisation sur dix ans.
- Le Brésil, pourtant acteur central de cette initiative, revoit aujourd’hui sa position en affirmant que le dollar restera dominant encore longtemps.
- Selon Nilton David, directeur de la politique monétaire brésilienne, il y a « peu de chances » que cette domination change d’ici 2035.
- Le projet de dédollarisation n’est pas abandonné, mais il entre dans une phase plus prudente, progressive et incertaine face aux réalités géopolitiques.
Le réalisme l’emporte sur l’idéalisme monétaire
Le Brésil, tout en soutenant activement les initiatives des BRICS qui visent à réduire la dépendance au dollar, comme l’exploration de systèmes de paiement alternatifs et l’adoption progressive de technologies blockchain, s’est montré plus prudent quant à la faisabilité d’une monnaie commune.
Dans une déclaration, le directeur de la politique monétaire du Brésil, Nilton David, a brisé l’élan de l’alliance des BRICS, et a annoncé qu’aucun stock d’actifs libellés dans les monnaies du groupe n’était aujourd’hui assez conséquent pour concurrencer le dollar américain.
En effet, il a affirmé « qu’il y a peu de chances que cela change au cours de la prochaine décennie », en parlant de la domination du dollar américain.
Une déclaration lourde de sens, surtout venant du pays qui assure la présidence tournante du bloc des BRICS en 2025. Ce revirement marque un recul net par rapport aux positions historiques du Brésil, qui fut pourtant un fervent défenseur d’une alternative monétaire au système centré sur le dollar.
À la lumière de cette déclaration, plusieurs éléments permettent de comprendre la portée de ce changement de posture :
- La reconnaissance d’une réalité économique : malgré les ambitions déclarées, aucun stock de devises ni système alternatif ne semble en mesure, à court ou moyen terme, de concurrencer efficacement la place du dollar sur les marchés internationaux ;
- Un manque de cohésion interne au sein des BRICS : les approches très différentes des membres, en matière de politique monétaire et de gestion des réserves, rendent toute initiative collective très difficile à coordonner ;
- L’absence de gouvernance supranationale : contrairement à l’Union européenne avec la BCE, les BRICS n’ont pas d’institution commune pour piloter une éventuelle monnaie unique, ce qui complique toute stratégie de dédollarisation cohérente ;
- Une dépendance structurelle persistante : une grande partie des échanges internationaux, y compris ceux réalisés entre les membres du bloc, reste libellée en dollars. La transition serait donc coûteuse, longue et techniquement complexe.
En somme, le Brésil, par cette déclaration, semble entériner une vérité que de nombreux économistes murmurent depuis des mois : l’hégémonie du dollar ne peut pas être renversée par la volonté politique seule.
Il faudra plus qu’un projet commun et des déclarations symboliques pour éroder sa domination.
Un contexte politique mondial qui redéfinit les priorités
Cette inflexion stratégique du Brésil intervient dans un contexte diplomatique pour le moins tendu. En effet, dès les 100 premiers jours de son second mandat, le président américain Donald Trump a menacé les BRICS de sanctions économiques sévères, notamment via l’instauration de tarifs douaniers à hauteur de 150 %.
Cette posture ultra-protectionniste vise à punir les initiatives du bloc relatives à la marginalisation du dollar dans les échanges internationaux. Bien que ces menaces n’aient pas encore été mises en œuvre, elles pèsent lourd dans les calculs politiques et économiques des membres du bloc des BRICS.
Ce changement de ton côté brésilien semble refléter une volonté de désescalade face à la montée des tensions commerciales avec Washington. Le retour du président Trump a manifestement refroidi les velléités de rupture frontale.
Contrairement à la Russie ou à la Chine, le Brésil demeure économiquement très dépendant des échanges avec les États-Unis. Ainsi, cette réalité limite sa marge de manœuvre et pourrait expliquer cette relecture réaliste des ambitions des BRICS. En d’autres termes, il ne s’agit peut-être pas d’un abandon de la dédollarisation, mais d’un ralentissement stratégique motivé par la conjoncture.
Si la déclaration brésilienne sonne comme un recul, elle ne signe pas nécessairement l’échec de la dédollarisation. Elle pourrait marquer le début d’une phase plus prudente, plus longue et plus progressive, où la remise en cause de l’hégémonie du dollar se fera par ajustements périphériques plutôt que par confrontation directe. Même si le projet de monnaie unique des BRICS semble être abandonné, les membres de l’alliance devront désormais composer avec les vents contraires d’une géopolitique instable et d’un retour offensif de l’unilatéralisme américain.
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Diplômé de Sciences Po Toulouse et titulaire d'une certification consultant blockchain délivrée par Alyra, j'ai rejoint l'aventure Cointribune en 2019. Convaincu du potentiel de la blockchain pour transformer de nombreux secteurs de l'économie, j'ai pris l'engagement de sensibiliser et d'informer le grand public sur cet écosystème en constante évolution. Mon objectif est de permettre à chacun de mieux comprendre la blockchain et de saisir les opportunités qu'elle offre. Je m'efforce chaque jour de fournir une analyse objective de l'actualité, de décrypter les tendances du marché, de relayer les dernières innovations technologiques et de mettre en perspective les enjeux économiques et sociétaux de cette révolution en marche.
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