La Fed résiste à Trump et maintient les taux malgré les tensions

Le bras de fer entre Donald Trump et la Réserve fédérale s’intensifie. Le président accuse l’institution de saboter la reprise économique en refusant d’abaisser les taux rapidement. À l’approche d’une réunion décisive et sur fond de tensions commerciales croissantes, la Fed est sous le feu des critiques. Dans un climat de plus en plus politisé, l’indépendance de la banque centrale est mise à l’épreuve, alors que les marchés scrutent ses moindres signaux à l’heure où la trajectoire économique des États-Unis reste incertaine.

La Fed reste ferme malgré des signaux économiques mitigés

Tandis que les tensions entre Trump et Powell sont de plus en plus croissantes, ce mercredi 30 juillet, la Réserve fédérale américaine a confirmé le maintien de son taux directeur dans la fourchette de 4,25 % à 4,5 %, prolongeant pour la cinquième fois consécutive sa posture de pause monétaire.

Cette décision a été justifiée par un environnement économique jugé encore incertain. « L’économie est dans une position solide malgré les incertitudes persistantes », a déclaré Jerome Powell, président de la Fed, lors de sa conférence de presse. Il a également souligné que « le marché du travail est globalement en équilibre et cohérent avec le plein emploi », tout en reconnaissant que l’inflation reste « élevée par rapport à l’objectif de long terme de 2 % ».

Les arguments avancés par la Fed reposent sur une série de constats économiques que l’institution juge préoccupants à court terme :

• Une croissance économique atone : si le PIB du deuxième trimestre a progressé de +3 % en rythme annualisé, Powell a précisé que, compte tenu de la contraction de -0,5 % au premier trimestre, la croissance cumulée du premier semestre s’élève à peine à +1,2 % ;

• L’inflation toujours au-dessus de la cible : malgré un recul depuis les sommets de 2022, l’inflation demeure au-dessus des 2 % fixés par la Fed comme objectif ;

• Les effets incertains des tarifs douaniers : l’impact des nouveaux droits de douane commence à se faire sentir dans certains prix à la consommation, mais Powell juge encore prématuré d’en tirer des conclusions définitives ;

• Les tensions au sein du FOMC : deux gouverneurs, Michelle Bowman et Christopher Waller, ont exprimé leur désaccord, votant pour une baisse de 25 points de base. C’est une première depuis 1993 qu’un tel double dissensus apparaît au sein du comité.

La Fed reste donc vigilante, en attente de deux nouvelles séries de données on-chain sur l’emploi et l’inflation avant sa prochaine réunion, prévue les 16 et 17 septembre.

En réaction, les marchés ont immédiatement ajusté leurs anticipations. Selon le CME FedWatch Tool, la probabilité d’une baisse en septembre est tombée de 63,3 % à 47,3 %, traduisant un climat de prudence renforcé.

Trump appelle à des taux « sous les 1 % » et s’en prend personnellement à Jerome Powell

Quelques heures seulement après la décision de la Fed, Donald Trump a intensifié ses critiques. « Jerome Trop Tard Powell a encore frappé ! Il est TROP EN RETARD, et en réalité, TROP ÉNERVÉ, TROP STUPIDE et TROP POLITISÉ pour occuper le poste de président de la Fed », a écrit Trump dans un message publié sur Truth Social.

« Les taux devraient déjà être bien en dessous de 1 % », a déclaré le président américain. Selon lui, le maintien des taux actuels nuit à la croissance américaine, qu’il revendique comme solide grâce à ses réformes économiques.

Trump, qui avait lui-même nommé Powell à la tête de la Fed en 2017, critique désormais ouvertement son action, estimant que la banque centrale agit « contre l’intérêt du peuple américain ». Cette campagne publique met une pression politique inédite sur une institution historiquement indépendante.

Toutefois, les critiques de Trump vont au-delà des attaques verbales. Sa proximité avec certains membres du FOMC, notamment ceux ayant voté pour une baisse des taux, interpelle sur l’avenir de l’indépendance de la Fed.

Jerome Powell a répondu avec fermeté : « avoir une banque centrale indépendante est un arrangement institutionnel qui a bien servi le public, et tant que cela reste le cas, il doit être respecté ».

Il a ajouté que la Fed prend ses décisions « sur la base des données, de l’évolution des risques, et non de considérations politiques ». Pourtant, en coulisses, plusieurs analystes redoutent que cette confrontation croissante mine la crédibilité de la Fed. Une telle pression pourrait « remettre en cause l’indépendance monétaire des États-Unis sur le long terme ».

Ce bras de fer entre la Fed et Donald Trump pourrait avoir des conséquences systémiques. Une Fed affaiblie ou perçue comme instrumentalisée politiquement risque de perdre la confiance des marchés. Dans un contexte de normalisation monétaire encore fragile et de guerre commerciale larvée, cela pourrait accentuer la volatilité, y compris sur le marché crypto. Si la Fed cède aux injonctions politiques, cela pourrait temporairement soutenir les actifs risqués, mais fragiliserait l’ancrage des anticipations d’inflation.