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Les VTubers, les influenceurs virtuels à la conquête du metaverse et du web 3.0

mer 15 Fév 2023 ▪ 11 min de lecture ▪ par Martin
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Les YouTubers traditionnels sont-ils déjà dépassés ? Avec l’apparition des influenceurs virtuels, les « VTubers », c’est une autre page du web et des réseaux sociaux qui va peut-être se tourner. Désormais, les influenceurs-avatars engendrent des millions et semblent capter un public toujours plus important. Un pas vers l’adoption massive de la réalité virtuelle et du metaverse ?

Qu’est-ce qu’un VTuber ?

Un VTuber est un influenceur qui utilise un avatar virtuel généré à l’aide d’un logiciel ou d’une technologie de modélisation 3D et de capture de mouvement. Souvent, il s’agit d’un streamer, une personne qui commente et joue en direct sur des plateformes comme Twitch ou YouTube.

Si le phénomène reste pour l’instant marginal en Europe, les influenceurs virtuels sont très populaires au Japon : un pays qui a toujours été à l’avant-garde des pratiques numériques. Pour autant, les VTubers ne sont-ils que des vulgaires variantes virtuelles des Youtubeurs ? Pas si sûr. Car même si la pratique suscite la perplexité, voire la moquerie, les influenceurs virtuels pourraient bien être l’avenir. Une puissante incitation à l’adoption massive du metaverse et du web 3.
Rappelez-vous : il n’y a pas si longtemps, une personne qui postait des vidéos en ligne depuis sa chambre n’était pas très bien considérée. Du moins, au début. Aujourd’hui, les Youtubeurs sont reconnus, certains travaillent même pour des chaînes de télévision, deviennent chroniqueur pour des médias ! En 2005, année de création de YouTube, il était complètement fou de penser que des internautes postant des vidéos allaient devenir des experts reconnus. Encore moins des superstars.

Quelques indices nous révèle l’incroyable potentiel autour de cette pratique relativement récente. Sur Twitch le mot “Vtuber » est en top tendance de l’année 2022. Certains Vtubers font même des interviews de personnes bien réelles. Robert Pattinson and Zoe Kravitz se sont prêté au jeu pour la promotion du dernier film Batman, en répondant aux questions du Vtuber Laplus Darkness.

Les Youtubeurs virtuels, un phénomène récent venu du Japon

La pop culture japonaise est célèbre pour beaucoup de choses. Entre autres, les mangas, le karaoké, la cuisine ou le design font que le soft power japonais s’est toujours très bien exporté. À travers le succès des figurines ou de la pratique du cosplay, ces univers fictifs investissent nos imaginaires. Bien loin de rester cantonnée dans un espace virtuel, la culture nippone imprègne le monde réel, au point de créer une véritable sous-culture à l’échelle mondiale.

À travers les époques, de nombreuses tentatives ont été faites pour appliquer la capture de mouvement à la production vidéo domestique. Toutefois, ce n’est qu’à la fin de 2016 que la conception actuelle du Vtuber est née. Cette année-là, Kizuna AI est devenu le premier Youtubeur virtuel à utiliser un avatar en temps réel pour sa chaîne. Rapidement, l’influenceur connaît un important succès.

Un VTubers, un influenceur virtuel se filme devant un fond vert.
Les récentes avancées en matière de motion capture ouvrent la voie aux VTubers. Photo by Ryan Garry on Unplash.

La motion capture, la technologie-clé à l’origine des Vtubers

Systèmes 3D, capteurs de mouvements, modificateurs de voix… La technologie progresse à grands pas. Jusqu’à présent, la motion capture était une prérogative coûteuse réservée aux productions hollywoodiennes. Au début imparfaits, ces systèmes sont maintenant capables de réduire considérablement le sentiment de « Vallée de l’étrange », une théorie du roboticien japonais Masahiro Mori. Selon lui, plus un robot androïde est similaire à un être humain, plus ses imperfections nous paraissent monstrueuses.
Aujourd’hui, la motion capture peut être utilisée par quiconque dispose du matériel adéquat. Et c’est grâce à la diffusion de cet outil que le V-Tubing se propage. Il devient plus accessible, et surtout, moins chers. Animaze propose ainsi un éditeur d’avatar destiné au grand public. Cette démocratisation inédite pourrait propulser le metaverse dont rêve Mark Zuckerberg.

Influenceurs et anonymes

A priori, les influenceurs ne semblent pas compatibles avec l’anonymat. En effet, c’est justement parce qu’une personne est identifiable qu’elle suscite de la sympathie. C’est ainsi que les influenceurs développent une communauté de followers autour d’eux. Or, les VTubers changent la donne. Grâce à leurs avatars expressifs, ils peuvent choisir de ne jamais révéler leur identité, tout en conservant l’empathie de leur public. D’ailleurs, comment savoir qui se cache vraiment derrière ces personnages de manga (très souvent féminins) ?

À ce propos, l’histoire de la VTbeuse Nora Cat est savoureuse. Cette adorable influenceuse aux airs angéliques dispose d’une importante communauté de fans. Son avatar rappelle l’esthétique du manga nippon, ce qui plaît beaucoup. Problème : l’influenceuse aux oreilles de chat était en réalité… un homme de 40 ans. Pendant qu’il streamait, ses capteurs de mouvements ont malheureusement cessé de fonctionner, dévoilant l’embarrassant secret.

Si la technologie comporte encore des failles, les VTubeurs entreprennent une gigantesque exploration de ce qui pourrait être le metaverse de demain. Une sorte d’expérience à grande échelle, avant un éventuel déploiement massif de cette technologie. En outre, les avatars de ces nouveaux influenceurs sont très variés et ne se limitent pas à des formes humaines. Ainsi, beaucoup choisissent de se grimer en animal, en alien, en androïde ou même en créature démoniaque. À l’image d’Arvi Le Renard, mystérieux vidéaste français qui prend la forme d’un renard bleu, version 3D. Plus de 400 000 abonnés le suivent sur YouTube.

L’influenceuse virtuelle Miko révèle son visage.

Des influenceurs virtuels aux profits bien réels

L’influence digitale est en train de décoller. Un nouveau marché que les agences de marketing et de communication se disputent. Déjà présentes sur TikTok, Twitch et Instagram, plusieurs entreprises tentent d’exploiter le potentiel des influenceurs virtuels.

C’est le cas d’Hololive Production, une agence de repérage de talents spécialisée dans le V-tubing. À elle seule, elle marque le début d’une nouvelle ère pour le monde du divertissement virtuel en faisant la promotion de ces nouvelles stars numérisées. Les profits que génèrent ces agences ne cessent d’augmenter. Parmi les 20 utilisateurs qui tirent le plus de revenus grâce aux superchats (un service de dons pour mettre en avant des messages lors de live sur Youtube), pas moins de 14 sont des VTubers.

Toutefois, Ces nouvelles idoles virtuelles créent toujours un certain malaise auprès du public occidental. Moins habitué à la culture du cosplay, les Vtubers sont pourtant extrêmement populaires en Asie. Certes, l’industrie du divertissement reste le premier vecteur d’adoption de ces nouvelles technologies. Mais les avatars virtuels pourraient progressivement glisser dans le monde du travail ou des réseaux sociaux.

Les VTubers, des avatars expressifs pour le metaverse

Actuellement, le grand public et les médias ne comprennent pas bien le metaverse. Beaucoup se demandent encore quel est l’intérêt d’un tel gadget. Cependant, le succès des VTubers nous montre à quel point les avatars restent populaires et attractifs. Ainsi, il est certain que les influenceurs auront un rôle à jouer dans le développement de cette nouvelle infrastructure numérique.

Plus généralement, c’est aussi la manière dont on consomme le web qui est en passe de se transformer. Le phénomène des influenceurs virtuels pourrait accélérer le passage au web 3.0 annoncé depuis tant d’années. Tandis que le web 2.0 est en lecture-écriture, le web 3.0 propose des interactions en « lecture-écriture-propriété ». C’est-à-dire que les internautes deviennent propriétaires des données et des interactions qu’ils produisent sur le web. Avec des avatars aussi séduisants et réalistes, on peut facilement imaginer que le public souhaitera en être propriétaire. Un autre cas d’usage des NFT ?

Aujourd’hui, nous utilisons encore de simples émojis (une invention japonaise) pour exprimer des émotions. Sur Instagram, les filtres deviennent de plus en plus sophistiqués et permettent déjà de se changer (momentanément) en alien ou en dragon. Demain, passerons-nous par des systèmes de motion capture et d’avatar, pour imiter nos influenceurs préférés ? À partir de là, il n’y a plus qu’un pas à faire pour plonger dans le metaverse. Parfois, ce sont des détails techniques qui déterminent du succès d’une technologie.

La cryptomonnaie, le nouveau carburant des VTubers ?

NFT et cryptomonnaies ne sont jamais bien loin. En effet, de nombreux influenceurs existent dans l’écosystème des cryptomonnaies (surtout en période de hausse du marché). Il semble logique qu’un monde virtuel aille de pair avec une monnaie numérique. Que ce soit les kamas dans le jeu en ligne Dofus ou bien la monnaie du metaverse du film Ready Player One, il y a toujours un lien entre le gaming et les transactions numériques. Ce n’est pas pour rien si les plateformes crypto s’intéressent aux VTubers. Autre intérêt des cryptos au regard des avatars virtuels : elles permettent de mettre une distance entre sa réelle identité et son avatar. Une caractéristique qui pourrait bien séduire, pour peu que l’interopérabilité des metaverses soit au point.

Sorti en 2013, le film Le Congrès prophétise un monde dans lequel les acteurs se font scanner et numériser. Ils sont ensuite utilisés en guise d’avatars corvéables à souhait pour l’industrie hollywoodienne. Un scénario de science-fiction qui résonne étrangement avec le phénomène des VTubers.

Le film Le Congrès imagine un monde dans lequel les acteurs sont numérisés pour être recyclés à l’infini.

Les VTubers nous promettent une potentielle rupture anthropologique majeure : la disparition du corps au sens traditionnel du terme. La figure de l’influenceur virtuel est annonciatrice d’un changement profond de notre rapport aux mondes immersifs numériques. Un premier pas vers la démocratisation du metaverse ?

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Martin

Fasciné par l'histoire du Bitcoin et le mouvement cypherpunk, je pense que les citoyens doivent réinvestir le champ de la monnaie. Mon but ? Démocratiser et rendre visible le potentiel de la blockchain et des cryptomonnaies.

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