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Monero (XMR) : Pourquoi Binance veut s'en débarrasser ?

sam 13 Jan 2024 ▪ 7 min de lecture ▪ par Martin
S'informer Centralized Exchange (CEX)

Monero (XMR), la crypto la plus anonyme de l’écosystème, est régulièrement menacée de delisting par plusieurs plateformes d’échange. Sans remettre en cause l’existence du projet, de plus en plus d’exchanges centralisés considère la cryptomonnaie comme un indésirable. Elle est pourtant une composante importante de la privacy des transactions, et plus largement des libertés numériques aujourd’hui attaquées de toutes parts. Son déclin pourrait marquer la fin des idées originelles des cypherpunks et du bitcoin.

Clavier d'ordinateur

Monero, une crypto qui crypte

Lancée en 2014, Monero (XMR) est souvent considérée comme la cryptomonnaie la plus anonyme du marché. Grâce à son code inspiré du bitcoin, elle fournit une solution de transactions extrêmement difficile à retracer. Accusé de nourrir les trafics sur Internet et le darkweb, le XMR a vocation à imiter les propriétés du cash, comme le bitcoin. Cependant, Monero ajoute des mécanismes complexes qui rendent sa blockchain quasiment impossible à déchiffrer, contrairement au bitcoin qui s’appuie sur un registre transparent. Ce sont ces caractéristiques uniques issues des travaux cypherpunks qui alimentent la méfiance de la part des institutions.

Sticker du logo Monero
Monero jouit de la réputation d’une monnaie numérique complètement anonyme.

Des quizz à remplir pour utiliser Monero

L’année dernière, Binance avait annoncé exclure Monero de son offre… avant de revenir sur sa décision peu de temps après. Mais récemment, la plateforme a décidé de renforcer à nouveau la surveillance de plusieurs cryptos anonymes, dont l’emblématique XMR mais aussi le Zcash, deuxième privacy coin la plus populaire derrière Monero. Concrètement, Binance a établi une liste de surveillance pour certains jetons numériques, actuellement une douzaine. Les clients de Binance détenant du Monero devront ainsi passer un test sous forme de quizz pour s’assurer qu’ils connaissent les « risques » liés cet actif.

« Pour obtenir l’accès aux jetons marqués par le Monitoring Tag ou le Seed Tag, les utilisateurs devront passer les tests correspondants tous les 90 jours. […] Gardez à l’esprit que ces jetons risquent de ne plus répondre à nos critères d’inscription et d’être retirés de la plateforme. »

Message de Binance à ses clients, le 4 janvier 2024

Le Monero, un indésirable depuis toujours

Pour autant, l’interdiction du Monero par Binance n’empêcherait pas aux utilisateurs de poursuivre leurs transactions sur d’autres places de marché, voire directement en pair-à-pair. C’est cette méthode qui garantit d’ailleurs un parfait anonymat, tel un véritable cash électronique. L’exclusion de la crypto des exchanges centralisés (aussi appelés CEX) ne devrait donc pas avoir d’influence outre mesure. Sur Reddit, certains membres de la communauté se réjouissent même de cette décision. En effet, la présence du XMR sur les CEX intéresse surtout les spéculateurs, plutôt que les véritables utilisateurs. « Monero est la seule communauté qui espère un retrait de Binance », ironise un utilisateur.

Monero, incensurable ?

A priori, Monero semble difficilement attaquable. Reposant sur le même mécanisme de proof-of-work que le bitcoin, dont il est un fork (une copie du code), il n’a jamais connu de faille majeure. Décentralisé et open-source, son protocole résiste depuis plus de 10 ans aux menaces de sécurité qui pèse sur la blockchain.

Plutôt que de s’attaquer directement au code du protocole, une exclusion progressive des places de marchés s’impose donc comme une meilleure solution pour lutter contre Monero. Certes, les connaisseurs peuvent toujours se l’échanger sans intermédiaire, mais cela demande une bonne connaissance des outils de la blockchain. On se souvient que la pénalisation du téléchargement de film avait poussé les spectateurs à se tourner vers les plateformes de streaming légales plus ergonomiques, telles que Netflix. Avec Monero c’est un peu la même chose : sans disparaître, l’accès à cet outil de transaction pourrait devenir de plus en plus complexe, et en somme, marginal.

Attaques indirectes sur le protocole

Contraints par les réglementations étatiques, de plus en plus de plateformes font ainsi le choix de ne plus proposer à l’achat des cryptos anonymes. En rendant l’accès à cette solution de paiement plus compliquée, il pourrait bien y avoir, à terme, de moins en moins d’échanges. Car avant de pouvoir utiliser du XMR, encore faut-il pouvoir s’en procurer contre des euros ou des dollars. Or, les plateformes centralisées comme Binance ou Coinbase sont aujourd’hui celles qui proposent les solutions les plus simples, voire les moins chères. Ces dernières années, le nombre de transactions en Monero reste toutefois stable, tout comme son hashrate (la puissance de calcul du réseau). Preuve que le réseau reste bien vivant et utilisé, même en dehors des géants centralisés.

Plus préoccupant, Binance et d’autres plateformes sont accusées d’avoir recours aux réserves fractionnaires : une forme de manipulation du marché qui consiste à surévaluer le nombre de jetons détenus. L’objectif ? Maintenir le cours du XMR à la baisse afin d’en accumuler à bas prix, et prendre ainsi de plus en plus de pouvoir sur le protocole. En effet, le meilleur moyen de contrôler une monnaie (numérique ou non) est soit de contrôler son émission, soit de posséder une grande partie de son stock. C’est sur ce deuxième point que les institutions peuvent agir.

Binance est accusé d’avoir recours à des manipulations de marché sur le cours du Monero (XMR)

Le dernier bastion de la vie privée on-chain

L’interdiction potentielle de Monero (XMR) intervient dans un contexte d’inquiétude lié à l’émergence des monnaies numériques de banques centrales, les CBDC (MNBC en français). L’euro numérique pourrait en effet permettre aux États (démocratiques ou non) de tracer facilement chaque transaction en euro. Paradoxalement, le projet d’euro numérique donne une certaine publicité au XMR, qui intéresse de plus en plus de personnes à travers le monde face aux potentielles menaces sur la vie privée de la part des institutions. À ce titre, Amnesty International rappelle l’importance d’avoir accès à des outils permettant de se protéger de la surveillance de masse. Reste que si Monero ne disparaît pas totalement, il pourrait devenir la simple relique d’un temps où la vie privée on-chain était encore possible.

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Martin

Fasciné par l'histoire du Bitcoin et le mouvement cypherpunk, je pense que les citoyens doivent réinvestir le champ de la monnaie. Mon but ? Démocratiser et rendre visible le potentiel de la blockchain et des cryptomonnaies.

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