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Pétrole et hyperinflation...

mar 18 Juil 2023 ▪ 9 min de lecture ▪ par Nicolas T.
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Le pic de pétrole sera la force inflationniste la plus importante des années à venir. La raison étant qu’il abreuve 95 % du transport mondialisé.

pétrole bitcoin

L’or noir

Le pétrole est la principale source d’énergie depuis de nombreuses décennies. Sa prééminence est allée de pair avec les progrès techniques immenses des 20e et 21e siècles. Il est en bonne partie responsable de la multiplication par 50 de la production industrielle entre 1900 et 2000.

Actuellement, le pétrole représente toujours près de 30 % du mix énergétique mondial. Cela s’explique par sa combinaison unique d’attributs : densité énergétique, polyvalence et facilité de transport.

Nous devons au pétrole tout ou partie d’absolument tout ce que nous consommons. Nourriture, High-Tech, vêtements, machines, meubles, médicaments, engrais, voitures, routes, éoliennes…

Pourquoi ? Parce que la production s’est délocalisée aux quatre coins du monde. Chaque pays joue désormais la partition pour laquelle il a un avantage. L’un va exporter des fusées et des satellites, l’autre du cacao, un autre encore du pétrole.

Et le fait est que cette mondialisation n’aurait jamais eu lieu sans la marine marchande mondiale dont les hélices ne tournent pas toutes seules. Elles sont actionnées par des turbines qui fonctionnent au pétrole. Du fioul lourd pour être précis.

Plus de 80 % du commerce international n’aurait pas lieu sans les 57 000 bateaux qui sillonnent les océans.

Malheureusement, nous avons passé le pic de pétrole conventionnel (le pétrole pas cher à sortir de terre) en 2007. Nous avons peut-être même passé le pic tous pétroles en novembre 2018. Ce qui signifie que nous aurons dorénavant de moins en moins de pétrole.

Les projections s’appuyant sur les meilleures données recensant les réserves de pétrole mondiales suggèrent que nous aurons deux fois moins de pétrole à disposition d’ici un quart de siècle.

Par conséquent, le trafic maritime diminuera. De même temps que la quantité d’une foultitude de produits importés qui coûteront plus cher.

Par quoi remplacer le pétrole pour propulser ces monstres d’acier capables de transporter chacun jusqu’à 400.000 tonnes de pétrole, de minerai, de céréales ou de conteneurs ?

Marine à voile ?…

Jean-Marc Jancovici a fait des calculs d’ordres de grandeur pour imaginer quelle énergie pourrait se substituer au pétrole pour permettre à ces géants des mers de voguer d’un continent à l’autre.

« Du gaz (sous forme GNL) ? C’est une énergie fossile, comme le pétrole […] », a-t-il écrit sur sa page Linkedin.

En effet, les réserves de gaz (en équivalent pétrole) sont de 1150 milliards de barils. Soit moins que les réserves mondiales de pétrole (1730 milliards de barils).

[Soit dit en passant, le monde consomme actuellement 100 millions de barils de pétrole par jour…]

Même fin de non-recevoir pour les biocarburants :

« Les biocarburants viennent en compétition avec la nourriture, les matériaux, la biodiversité (déforestation), le bois énergie et les carburants liquides pour avions, voitures et camions. Et dans un monde au climat de plus en plus hostile (diminution des rendements agricoles), il n’y en aura pas pour tout le monde. »

Quid de l’hydrogène ?

« 7 % du pétrole mondial, soit un peu plus de 300 millions de tonnes par an, sert aujourd’hui aux navires de la marine marchande. Le contenu énergétique de ce fioul lourd représente un peu moins de 4 000 TWh (4 000 milliards de kWh).

Or, faire de l’hydrogène par électrolyse (à partir d’électricité non carbonées) puis l’ammoniac (ou un autre carburant de synthèse) présente un rendement d’ensemble qui se promène entre 30 % et 50 %. Dit autrement, « Amoniaquer » l’ensemble de la flotte mondiale demanderait quelque chose entre 8 000 à 12 000 TWh d’électricité, soit 30 % à 40 % des électrons planétaires. Heu… »

Démondialisation = Inflation

Reste la possibilité de produire l’électricité directement sur les bateaux via un réacteur nucléaire. C’est ce que l’on fait pour les porte-avions, les sous-marins ou les brise-glaces (qui sont beaucoup plus petits que des tankers).

Mais quelle est la probabilité que nous reconstruisions des dizaines de milliers de monstres des mers fonctionnant chacun avec sa centrale nucléaire en 25 ans ? Et que nous formions dans le même temps des millions d’ingénieurs nucléaire ? Très fine.

Une forte décrue de la production de pétrole s’accompagnera donc d’une démondialisation. Il en découlera forcément des ruptures d’approvisionnement qui provoqueront in fine de l’inflation.

Certains diront que ce scénario « hypothétique » est distant. Malheureusement, les chiffres du transport de marchandises mondial révèlent que ce changement de paradigme est déjà en cours :

volume transporté par la marine marchande mondiale
Échanges commerciaux mondiaux réalisés grâce à la marine marchande (en milliards de tonnes)

Évidemment, le commerce mondial ne s’arrêtera pas dans un bang. L’effet de la hausse des coûts d’extraction et de la baisse de la production du pétrole est diffus. Il se manifeste par une inflation de plus en plus élevée.

Les dettes que nous contractons à l’échelle planétaire (305 000 milliards $) sont en bonne partie liées à l’énergie.

[Notre article : Pourquoi tant de dette]

Ce n’est pas un hasard si la croissance de la dette mondiale a fortement accéléré en même temps que le prix du baril :

Les pays qui contrôlent les monnaies internationales (l’OTAN…) impriment sans vergogne pour acheter les matières premières. Échanger du papier contre des biens tangibles est la marque de l’impérialisme occidental.

Jusqu’à quand ? Jusqu’à ce que des pays comme l’Arabie Saoudite marchent dans les pas de la Russie en demandant du yuan plutôt que du dollar. Cela se traduira par un défaut des États-Unis sur leur dette, une baisse du dollar et une inflation monstre.

En clair, il faut s’attendre à des épisodes de forte inflation de plus en plus fréquents.

Ponzi fiat + Raréfaction du pétrole = Hyperinflation

Le problème économique mondial de base est très simple à comprendre. Pour fonctionner, nous devons produire plus l’année prochaine que cette année, pour toujours.

Tel est l’écueil du système fiat. Chaque centime en circulation provient d’une dette servant des intérêts. Ce système monétaire est par définition un ponzi. Il faut constamment augmenter la dette pour que cela tienne comptablement.

De sorte que l’impossibilité physique d’augmenter et de transporter la production aussi vite que la dette se traduira par une inflation annuelle de plus en plus souvent proche des deux chiffres.

C’est ainsi, le niveau de vie dépend de la productivité (production par personne). Une productivité qui dépend elle-même de machines (production + transport) fonctionnant au pétrole. Il n’y a pas de secret.

L’augmentation de la production n’est plus suffisante pour compenser l’augmentation de la masse monétaire du ponzi fiat. L’hyperinflation plus ou moins larvée est la seule issue de notre inextricable situation énergétique.

Cela ne signifie pas la fin du monde, mais comme toujours, ceux qui auront placé leur épargne au bon endroit tireront leur épingle du jeu.

Dans un monde inflationniste en décroissance, la monnaie fiat et les actions de bourse ne semblent pas prometteuses. Sans parler des titres de dette (assurance-vie…) qu’il faut fuir comme la peste.

L’immobilier ne paraît pas non plus être une très bonne idée. La raison étant qu’un budget amputé par la hausse des prix de l’énergie et de l’alimentation réduit considérablement la capacité d’emprunt. Sans parler du télétravail qui va permettre de transformer des bureaux en habitations.

Une réserve de valeur absolue comme le bitcoin semble le pari le plus rationnel en même temps que le plus accessible aux masses qui se posent de plus en plus de questions face à leurs tickets de course.

Si vous êtes arrivé jusqu’ici, vous apprécierez surement cet article : Pourquoi tant d’inflation.

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Nicolas T.

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