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Restructuration : Le traitement juridique des cryptomonnaies

lun 11 Avr 2022 ▪ 7 min de lecture ▪ par Thomas P.

Si une société devient insolvable et si elle possède des actifs numériques, la question se pose de savoir si un créancier peut déposer sa créance, par exemple en bitcoins (BTC). Cette problématique intervient à différent niveau au cours de la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.

Concept law judge image for cryptocurrency

Au sujet de la période dite de « claw back »

La période de claw back a pour objet d’empêcher une société débitrice de dilapider ses actifs pour organiser son insolvabilité ou pour favoriser indûment certains créanciers.
Elle intervient entre la date de l’insolvabilité de trésorerie et la date de délivrance de l’ordonnance d’ouverture de la procédure d’insolvabilité.
Les organes judiciaires chargés des procédures de redressement ou de liquidation judiciaire peuvent demander l’annulation de certains actes suspects intervenus au cours de cette période. 

Dès lors, la question qui se pose est celle de savoir si les transactions qui ont été effectuées en cryptomonnaies au cours du claw back peuvent être remises en cause.

En vertu de l’article L.632-1 du Code de commerce, sont considérés comme nuls et non avenus les paiements de dettes exigibles, par tout moyen autre que les espèces, les effets de commerce, les virements bancaires, les bordereaux de cession ou tout autre moyen de paiement communément admis dans les relations d’affaires lorsqu’ils sont intervenus pendant la période de récupération. Dès lors que les cryptomonnaies ne sont pas des « moyens de paiement communément acceptés dans les relations d’affaires », les paiements effectués en crypto-monnaies pendant cette période de claw back seraient contestés.

Au sujet de la période dite « d’observation »

Dès lors qu’une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire est ouverte, l’activité de la société débitrice se poursuit au cours de la période dite « d’observation ». Celle-ci est utile afin de permettre la réalisation d’une évaluation détaillée de la situation financière et des mesures de restructuration nécessaires.

Lorsque l’entreprise fait l’objet de cette procédure, deux hypothèses sont possibles : La cession globale ou partielle de l’entreprise et/ou la cession isolée des différents actifs détenus par la société, dont ses cryptomonnaies.

Dans l’hypothèse d’une cession globale ou partielle, les acquéreurs devront proposer un prix d’achat à la juridiction compétente en tenant compte de la valeur des actifs numériques détenus.

Pour finir, dans l’hypothèse d’une cession isolée des actifs de la société débitrice, le juge de l’insolvabilité peut autoriser la vente des crypto-actifs aux enchères publiques, ou organiser des ventes privées au prix et aux conditions qu’il détermine en amont.

Au sujet de la période dite de récupération des actifs numériques

Entre le paiement effectué et le moment où les actifs numériques sont restitués au vendeur suite à l’annulation de la transaction contestée, la valeur de ces actifs peut avoir fait l’objet d’une fluctuation significative. 
Selon l’état actuel du droit français, les conversions de cryptomonnaies en argent ne peuvent pas être contestées pendant la période de récupération. Néanmoins, le dirigeant engage sa responsabilité juridique dans l’hypothèse où il vendrait les cryptomonnaies à un prix particulièrement bas. Dès lors que le dirigeant augmente le passif de la société, déjà confrontée à une situation financière complexe, une faute de gestion peut lui être reprochée, ce qui entraînerait le paiement de dommages et intérêts (article 1240 du Code civil).

L’enjeu de la détermination de la juridiction compétente

Malgré la nature décentralisée des cryptomonnaies, il est nécessaire de déterminer l’emplacement physique d’une cryptomonnaie. Cette évaluation est une condition sine qua non pour pouvoir établir quel est le tribunal chargé de l’opération de restructuration.

Plusieurs options sont possibles, à savoir l’emplacement de l’exchange utilisé par le débiteur, l’emplacement du portefeuille numérique ou encore l’emplacement de la blockchain elle-même.

Il peut arriver que la majorité des actifs détenus par une société est constituée de cryptomonnaies, ce qui affecterait davantage la détermination de la juridiction du praticien de l’insolvabilité. La notion de centre des intérêts principaux, qui permet d’établir le lieu de la juridiction compétente, pourrait ne pas pouvoir être appliquée en raison du caractère transnational des actifs, plateformes, portefeuilles et logiciels.

L’exemple de MtGox

L’entreprise japonaise MtGox illustre bien la difficulté à intégrer les cryptomonnaies et leur fluctuation aux procédures de restructuration.

MtGox était l’une des premières bourses d’échange de bitcoins (BTC) et a opéré de 2009 jusqu’à sa faillite en 2014. La procédure de faillite a été ouverte après une cyberattaque dont le vol de bitcoins (BTC) a concerné autour de 750 000 clients et la quasi-totalité des bitcoins (BTC) appartenant à la société. La perte fut évaluée à environ 7 % de l’ensemble des bitcoins (BTC) disponibles à cette date. Or, le cours du Bitcoin (BTC) a largement augmenté et, du fait de la nouvelle valeur du Bitcoin (BTC), MtGox est finalement devenue solvable pendant le processus de faillite. Le syndic a toutefois décidé d’évaluer les bitcoins (BTC) à leur prix de marché de 2014, en accord avec la réglementation japonaise.

Au cours de l’année 2018, dans le but de convertir les actifs de MtGox en monnaie fiduciaire pour ensuite les redistribuer aux créanciers, le syndic les bitcoins (BTC) volés pour une somme totale d’environ 360 millions de dollars. Une nouvelle difficulté est alors apparue : Cette vente massive a entraîné une chute du prix des bitcoins (BTC). Le mardi 16 novembre 2021, une lettre adressée aux anciens utilisateurs de MtGox a annoncé le plan de réhabilitation.

L’incertitude au sujet de cette classe d’actifs constitue donc une insécurité juridique pour les entreprises qui ont à connaître d’une restructuration, dès lors que l’état actuel de l’arsenal législatif ne traite pas spécifiquement des cryptomonnaies. Pour faire face à cette difficulté, les régulateurs sont confrontés à deux options : contrôler voire centraliser les actifs numériques, notamment par la création d’une monnaie numérique directement liée à une banque centrale, ou adopter un cadre juridique et réglementaire plus ouvert qui reconnaît les stablecoins car indexés à une devise.

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Thomas P.

Je suis sûr que la blockchain et les cryptomonnaies représentent le futur, et je veux faire passer cette idée à tout le monde car plus il y aura de monde à croire aux cryptomonnaies, plus vite le futur arrivera.

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