Russie : 20 millions de citoyens détiennent de la crypto

La Russie connaît une ruée discrète vers les cryptos. Portés par les sanctions occidentales, la dédollarisation et un climat économique incertain, près de 20 millions de Russes détiennent désormais ces actifs. Ainsi, la crypto devient une échappatoire financière de masse. Face à cette adoption massive, le gouvernement ne peut plus détourner le regard. Une nouvelle ère monétaire s’impose désormais en Russie.

Une adoption crypto massive en Russie

Tandis que la Banque centrale de Russie admet que le bitcoin est l’actif le plus performant, Ivan Chebeskov, vice-ministre des Finances de la Fédération, a déclaré : « nous reconnaissons que la crypto existe, cela ne fait plus de doute ». Il a ajouté : « il a fallu du temps pour parvenir à cette compréhension. Nous avons des millions de citoyens, selon certaines estimations 20 millions, qui utilisent les cryptos à des fins diverses ».

Ces propos marquent un tournant majeur dans la posture du gouvernement russe vis-à-vis de ces actifs, longtemps perçus avec méfiance. L’usage des cryptos est aujourd’hui profondément ancré dans la société russe, au point d’imposer une réponse institutionnelle.

Les données officielles publiées par la Banque centrale de Russie viennent confirmer cette tendance. Elles montrent une progression nette de l’adoption et un intérêt marqué pour certains actifs spécifiques :

• 20 millions de citoyens russes utiliseraient des cryptos, selon les estimations officielles ;

• À la fin du premier trimestre de cette année, les Russes détenaient un total de 827 milliards de roubles en cryptos, soit environ 10,15 milliards de dollars ;

• Cette somme représente une hausse de 27 % par rapport à la même période l’année précédente ;

• La répartition des portefeuilles révèle une nette préférence pour les actifs établis : le bitcoin (BTC) domine, représentant 62,1 % des fonds stockés sur les plateformes d’échange, Ethereum (ETH) suit avec 22 %, et les stablecoins USDT et USDC représentent ensemble 15,9 %.

Ce paysage dessine une dynamique d’adoption centrée sur des actifs perçus comme plus sûrs ou plus liquides. Malgré la prolifération des altcoins, le public russe reste attaché à des cryptos à forte capitalisation, ce qui suggère une approche relativement prudente et stratégique dans la gestion de ces actifs.

Une souveraineté numérique en chantier

Si l’adoption de masse des cryptos est désormais actée, elle inquiète les autorités russes. Ivan Chebeskov s’est exprimé sur les risques liés à la détention de ces actifs sur des plateformes étrangères, notamment celles situées en dehors du cadre réglementaire russe ou soumises à des sanctions internationales.

« Puisque les citoyens les utilisent déjà, nous devons construire notre propre infrastructure afin de les protéger et d’en retirer des bénéfices économiques et technologiques », a-t-il affirmé. Il insiste : la Russie doit développer une infrastructure souveraine, incluant des outils pour le mining, les échanges et le stockage sécurisé des cryptos.

Ces déclarations signalent un changement de paradigme. Alors que la Russie se montrait jusqu’ici prudente, voire méfiante, à l’égard des cryptos, elle envisage désormais la création d’un écosystème national, en collaboration avec la Banque centrale.

L’objectif est de réduire la dépendance aux plateformes étrangères, sécuriser les avoirs des citoyens grâce à la création d’une banque crypto et maintenir un contrôle étatique sur une partie croissante de la masse monétaire hors des circuits bancaires traditionnels. Cette orientation stratégique est d’autant plus significative qu’elle s’insère dans un contexte de défiance vis-à-vis du système financier occidental, accentuée par les sanctions et le découplage économique en cours.