Saison Capital : De No-coiner à Degen - Cartographie des parcours des curieux de la crypto et implications pour les développeurs

Dans cette rubrique pour CMC, Saison Capital analyse les utilisateurs à différents stades de l’adoption de la crypto, en examinant comment les utilisateurs se lancent dans la crypto, et partage des informations précieuses pour les créateurs. Par Qin En Looi (@webthreedad), directeur chez @SaisonCapital

Le développement du Web3 doit se faire en gardant à l’esprit le parcours des curieux de la cryptographie. Si la crypto est entrée dans le débat général, sa présence est encore faible : 20 millions d’utilisateurs actifs mensuels sur Ethereum, l’une des blockchains les plus populaires, contre 5 milliards d’utilisateurs d’Internet. Comprendre comment quelqu’un passe du statut de curieux à celui de converti n’est pas seulement une conversation à avoir, mais a d’importantes implications pour les créateurs et les développeurs crypto afin de convaincre la majorité.

Le mois dernier, nous avons rédigé la première rubrique pour CoinMarketCap sur le paysage de la cryptosphère en Asie du Sud-Est, présentant des résultats détaillés sur les taux d’adoption, les obstacles à surmonter pour une adoption générale et plus encore. Au fur et à mesure des conversations autour de ces résultats, une autre question s’est posée : « qu’est-ce qui pousse les particuliers à plonger dans la crypto ? ».

Le parcours, tel que nous l’avons décrit dans le premier article, commence par les « No-Coiners », c’est-à-dire les personnes qui découvrent la cryptomonnaie pour la première fois. Au fur et à mesure que la curiosité grandit, peut-être juste assez pour ouvrir un wallet crypto, chaque personne se retrouve à la croisée des chemins : « Dois-je acheter de la crypto ? ». Si la réponse est positive, la question suivante se pose alors : « Avec quelle crypto dois-je commencer ? ».

Désireux de découvrir les réponses à cette question et les implications pour les développeurs, nous avons lancé une deuxième série d’enquêtes ciblant plus de 700 personnes pour répondre à deux questions :

1. Qui les a encouragés à acheter des cryptomonnaies pour la première fois ?
2. Quel a été leur premier achat crypto ?

Voilà ce que nous avons appris :

• Plus de la moitié des personnes interrogées achètent pour la première fois des cryptomonnaies à faible capitalisation.
• Les stablecoins sont la voie d’accès la moins populaire, mais cela pourrait changer très bientôt.
• Les médias et les sites d’information restent les piliers de la confiance pour le premier achat de cryptomonnaies.
• La famille et les amis jouent également un rôle important pour faire entrer quelqu’un dans la crypto.
• Bien que la promotion de la crypto au travail reste faible, la génération crypto-native est déjà sensibilisée à la crypto par les conversations sur le lieu de travail.

Quel a été votre premier achat crytpo ?

Plus de la moitié des personnes interrogées ont effectué leur premier achat crypto en cryptomonnaies à faible capitalisation

Bien que la définition stricte des altcoins soit toute crypto qui n’est pas Bitcoin, nous avons séparé Ethereum et les stablecoins des autres altcoins pour mieux comprendre la dynamique des consommateurs. Notre enquête nous a appris que plus d’une personne sur deux commence son voyage cryptographique par ces cryptomonnaies à faible capitalisation. Grâce à des conversations de suivi avec certaines de ces personnes, nous avons appris que les motivations d’achat sont doubles : investissements spéculatifs et moyen de parvenir à un objectif.

En ce qui concerne les investissements spéculatifs, la perception est que les cryptomonnaies à faible capitalisation ont une plus grande volatilité, et donc un potentiel de hausse plus élevé que les cryptomonnaies à forte capitalisation comme Bitcoin et Ethereum. Certains appellent même familièrement le bitcoin « la crypto pour les boomers ».

En outre, les cryptomonnaies à faible capitalisation ont été achetées comme un moyen d’atteindre un objectif, qu’il s’agisse d’acheter un token non fongible (NFT) ou de participer à un jeu.

« Comme première crypto, j’ai acheté AXS parce que des amis m’ont dit qu’ils jouaient à Axie Infinity, et l’une des conditions pour jouer au jeu était d’avoir quelques jetons AXS pour payer des activités dans le jeu, comme la reproduction » – Étudiant à l’université.

Les stablecoins sont la voie d’accès la moins populaire, mais cela pourrait changer très bientôt.

On remarque que les stablecoins sont la voie d’accès la moins populaire. La raison la plus souvent évoquée est le manque d’utilité. Les stablecoins sont le plus souvent utilisés comme une réserve de valeur temporaire pour les traders de cryptoactifs, plutôt que comme un moyen de transactions liées à des produits et services. « J’utilise les stablecoins comme l’USDC comme valeur refuge lorsque je pense que les prix vont baisser. Une fois qu’ils chutent, j’utilise l’USDC pour racheter des cryptos », explique un architecte qui est un utilisateur actif de plusieurs protocoles DeFi.

Il s’agit pourtant d’une tendance qui pourrait s’inverser rapidement, car l’utilisation des stablecoins pour les transactions augmente progressivement. Plus récemment, l’autorité monétaire de Singapour a annoncé le soutien d’un dollar singapourien numérique lié à un objectif, en soulignant les cas d’utilisation tels que les paiements du gouvernement et les demandes de développement des compétences. Compte tenu de la crédibilité de la source et de l’approche descendante (c’est-à-dire que les citoyens doivent utiliser le SGD numérique, sinon ils ne pourront pas prétendre aux avantages), il ne serait pas surprenant de voir les stablecoins devenir la voie d’accès de facto aux cryptomonnaies dans un avenir proche.

Qui vous a encouragé à faire votre premier achat crypto ?

Après avoir compris ce que les gens achetaient comme première cryptomonnaie, nous nous sommes demandés qui les avait conduits dans le terrier du lapin.

Les médias et les sites d’information restent les rois lorsqu’il s’agit de créer un climat de confiance pour le premier achat crypto.

Nous avons appris que les médias et les sites d’information restent les principaux acteurs de la mise en confiance pour le premier achat de cryptomonnaie, 27 % de la population interrogée leur attribuant leur premier achat. En tant que sources d’autorité et de crédibilité pour une grande partie de la population, les médias et les sites d’information jouent un rôle important en éliminant la désinformation et en apportant une voix plus objective dans un environnement bruyant. À ce titre, la lecture, l’écoute et le visionnage de contenus médiatiques deviennent un facteur clé pour influencer l’intérêt pour la cryptomonnaie, et à terme la conversion. « J’ai acheté des bitcoins pour la première fois lorsque j’en ai entendu parler aux informations. Après avoir creusé davantage, j’ai mieux compris ce qu’est la blockchain et comment un grand livre distribué empêche la corruption des dossiers financiers », raconte un enseignant du secondaire.

La famille et les amis jouent également un rôle important pour inciter quelqu’un à adhérer à la crypto

Si les médias restent influents, la famille et les amis jouent un rôle essentiel en renforçant les discours et en guidant les particuliers vers la crypto. Avec 25 % des répondants à l’enquête attribuant leur premier achat de crypto à l’influence de la famille et 21 % à leurs amis, l’importance de la sensibilisation des utilisateurs crypto existants est soulignée. Ce phénomène est parfaitement illustré par un pilote qui a déclaré : « J’ai été sceptique pendant de nombreuses années, même si j’avais des amis autour de moi qui achetaient des cryptomonnaies à l’époque. J’ai toujours pensé que ce n’était qu’une grosse arnaque. Cependant, en novembre 2021, j’ai décidé d’entrer en contact avec un ami qui donne des cours d’introduction à la crypto. Un an plus tard, je suis au cœur du secteur et j’apprends de plus en plus sur ce que le web3 a à offrir, ce qui me permet d’élargir mes horizons tant sur le plan technologique que financier. »

Un autre particulier qui travaille actuellement en tant que responsable de la confidentialité des données s’en fait l’écho : « J’ai plongé dans l’espace crypto en 2013 après en avoir entendu parler par un bon ami à l’école. J’étais intrigué par le concept de minage de bitcoin et je n’ai jamais cessé depuis. »

Si la promotion de la crypto au travail reste faible, la génération crypto-native est déjà sensibilisée à la crypto par les conversations sur le lieu de travail.

D’après notre enquête, les conversations sur le lieu de travail sont celles qui ont le moins d’influence sur le parcours de conversion à la cryptomonnaie. Cependant, un clivage commence à apparaître entre la génération des crypto-natifs (ceux qui sont nés à partir de 2000 et qui sont récemment entrés dans la vie active) et les crypto-immigrants (ceux qui sont nés avant 2000).

9 % des crypto-immigrants attribuent leur premier achat de crypto aux interactions sur le lieu de travail, contre 17 % des crypto-natifs. Cela pourrait potentiellement indiquer un intérêt croissant pour la crypto parmi les collègues, ou même la discussion de la crypto entrant dans le cadre du « travail » alors qu’un nombre croissant d’entreprises examinent les implications du web3, de la crypto et d’autres technologies de registres distribués. Un ingénieur logiciel qui appartient à la catégorie des crypto-natifs a déclaré : « J’ai commencé à m’intéresser aux cryptomonnaies lorsqu’il était encore possible de miner de l’Ethereum, à la suite d’une discussion hors sujet dans mon équipe d’ingénierie logicielle. Mes collègues et moi voulions évaluer la faisabilité de la mise en place de plateformes de minage avec du matériel off-the-shelf et des logiciels disponibles. »

Implications pour les développeurs – Autorité, preuve sociale, rareté

Ces résultats ont des implications importantes pour les concepteurs et les développeurs crypto qui cherchent à faire entrer davantage de non-détenteurs de crypto dans le système, et peuvent être résumés en trois points :

1. Autorité – Demandez à n’importe quel fondateur Web3 ce qu’il pense de la distribution et la réponse la plus fréquente sera probablement « les médias sociaux ». Pourtant, comme l’a montré notre enquête, si les médias sociaux ont un rôle à jouer (souvent en façonnant la perception du public), le passage de « curieux de la crypto » à « converti à la crypto » repose souvent sur des sources d’autorité et de confiance comme les médias et les sites d’information. Les créateurs ne doivent pas négliger l’importance de renforcer leur autorité et leur crédibilité, ainsi que celles de leur entreprise, y compris auprès des médias et des sites d’information. La recherche a montré que le fait d’établir sa crédibilité et son autorité avant de tenter d’influencer quelqu’un a conduit à une efficacité accrue. Dans un cadre médical, l’adhésion des patients aux conseils de leurs médecins et thérapeutes a augmenté de 34 % lorsque les professionnels ont affiché leurs diplômes, leurs prix et leurs certifications sur le mur.
2. Preuve sociale – Dans tous les clichés se cache un grain de vérité, y compris le cliché « on reproduit ce que l’on voit ». Le rôle que jouent la famille, les proches et les amis pour inciter les particuliers à acheter des cryptomonnaies est incontestable. Ensemble, ils représentent près de la moitié de la population interrogée. Les créateurs peuvent réfléchir à des moyens d’organiser la « sécurité par le nombre », un concept qui a fait ses preuves depuis les années 1980, lorsque des chercheurs ont sollicité davantage de dons en porte-à-porte après avoir montré aux habitants une liste d’autres habitants du quartier qui avaient déjà fait des dons. L’essentiel est de trouver le bon ensemble d’« influenceurs » en qui l’individu a confiance et avec qui il a déjà des liens.
3. La rareté – « Tout ce qui est rare, peu commun ou dont la disponibilité diminue confère de la valeur aux objets, voire aux relations », affirme Robert Cialdini, le père de la recherche moderne sur la persuasion. Bien que ce concept ne soit pas étranger à l’espace crypto (airdrops exclusifs, collections NFT limitées et défis limités dans le temps), la rareté doit être combinée à la valeur. Si la rareté peut être créée par une multitude de techniques, la valeur doit d’abord être établie, sinon elle ne sera pas désirable. Le crayon que j’ai sur ma table est peut-être unique au monde, mais si sa valeur n’est pas comprise et reconnue, il n’a pas de valeur.

En conclusion, le chemin parcouru par les utilisateurs pour adopter les cryptomonnaies donne des indications intéressantes sur leurs motivations et leur comportement et les sources d’influence. Par exemple, les cryptomonnaies à faible capitalisation sont utilisées à des fins de spéculation ou comme un moyen d’arriver à ses fins. En les comprenant, les créateurs peuvent établir de manière réfléchie leur autorité, élaborer une preuve sociale et engendrer la rareté lorsqu’ils mettent leur cryptomonnaie à la portée de la majorité.