Tokenisation des actifs réels (RWA) : Comment ça marche ? Principes, étapes et projets emblématiques
La tokenisation des actifs réels (RWA) n’est plus une expérimentation de laboratoire : c’est un chantier mondial qui, discrètement, réécrit la manière dont on possède un immeuble, une obligation d’État ou une créance d’entreprise. L’idée est simple : représenter un droit économique (loyer, coupon, dividende) par un jeton inscrit sur une blockchain, échangeable à tout moment et, surtout, programmable. Mais derrière la simplicité apparente se cache une mécanique juridique, technique et financière qui s’affine mois après mois.
En bref
- La tokenisation RWA rend accessibles et échangeables en continu des actifs comme l’immobilier, les Treasuries ou les créances.
- Elle repose sur quatre piliers : fractionnement, liquidité, programmabilité et transparence on-chain.
- De 2 à 10 milliards $ en deux ans, le marché se structure autour d’acteurs comme RealT, Ondo et Centrifuge.
Du monde réel à la blockchain : le cycle de la tokenisation (RWA)
Tout commence hors-chaîne, dans l’univers bien balisé du droit des sociétés ou du droit immobilier. Un véhicule (société, fiducie ou SPV) acquiert l’actif ; c’est lui qui porte le risque et reçoit les revenus.
Dans un second temps, un smart-contract émet des jetons numériques correspondant à des fractions de cet actif : 10 000 tokens pour une maison de Detroit, un seul token pour 100 000 $ d’obligations du Trésor. Ces jetons sont ensuite vendus à des investisseurs, lesquels perçoivent automatiquement loyers ou coupons, distribués en stablecoins.
Ces jetons ne sont pas magiques : ils ne font que refléter un droit économique dont l’existence, la validité et le flux reposent encore très largement sur des infrastructures hors-chaîne. D’où l’importance du « servicing« , étape cruciale de toute opération RWA : encaisser les loyers, payer les charges, actualiser l’expertise annuelle, puis pousser ces données vers un oracle on-chain. Plus la boucle d’information est courte, plus le marché secondaire sera fluide.
Étape | Ce qui se passe | Point de vigilance |
Origination | Sélection du bien : immeuble locatif, facture B2B, note de musique… | Qualité du sous-jacent, documentation, risques opérationnels |
Véhicule juridique | Création d’une SPV, d’une fiducie ou d’une société d’émission qui détient le bien | Cadre légal clair, conformité KYC/AML, gouvernance |
Tokenisation | Émission de jetons (ERC-20, ERC-1400, SPL, etc.) représentant des parts ou un droit à un flux (loyer, coupon) | Standards de sécurité, audit du smart-contract |
Distribution primaire | Vente initiale (IDO, plateforme RWA, levée privée) ; les fonds financent l’actif | Transparence des frais, communication des rapports |
Servicing & reporting | Encaissement des revenus, versement aux détenteurs, mises à jour d’évaluation | Oracles robustes, audits comptables, gestion des incidents |
Marché secondaire / DeFi | Échange des jetons sur CEX/DEX, dépôts en collatéral, pools de liquidité | Liquidité suffisante, contrôle du risque (LTV, seuils de liquidation) |
Trois projets RWA qui montrent la diversité du terrain
RealT est devenu l’exemple scolaire de l’immobilier tokenisé. Chaque propriété est logée dans une LLC américaine ; le jeton ERC-20 donne droit à la quote-part de loyer, versé une fois par semaine en USDC : une fréquence impossible dans la pierre traditionnelle. Les investisseurs peuvent conserver le flux ou le réinjecter automatiquement dans de nouveaux biens. En 2025, plus de 200 maisons et immeubles résidentiels sont ainsi “coupés” en tokens, avec une option de revente instantanée sur le YAM pour ceux qui privilégient la liquidité.
À l’autre bout du spectre, Ondo Finance transforme des bons du Trésor américain en jetons baptisés OUSG : on dépose du stablecoin, on reçoit un token rapportant l’équivalent d’un money-market fund, encaissé 24 h/24. Mi-2025, la capitalisation d’OUSG dépasse 700 millions de dollars, et Bank of America recense plus de 7 milliards de Treasuries “on-chain”, signe que la tokenisation n’est plus réservée aux start-ups.
Entre ces deux pôles se trouve Centrifuge : des factures ou des prêts PME sont regroupés dans un pool Tinlake. Les investisseurs choisissent la tranche DROP, plus sûre, mais moins rentable, ou TIN, première à encaisser les pertes, mais mieux rémunérée. Chaque actif est frappé comme NFT, puis suivi au quotidien dans un tableau de bord public qui affiche valeur, risque et impayés.
Projet | Actif(s) tokenisé(s) | Spécificité technique / proposition |
RealT | Maisons & immeubles résidentiels US | Jetons ERC-20 (xDai / Base) offrant un loyer hebdomadaire en stablecoin ; KYC strict, gestion locative traditionnelle |
Ondo Finance | Obligations US Treasury | Token ERC-20 adossé à des ETF d’État US, échangeable 24/7 ; utilisé comme stablecoin “yield bearing” dans la DeFi |
Centrifuge | Factures, prêts PME, contrats auto | Pool multi-actifs : tokens DROP (senior) & TIN (junior) pour répartir le risque ; intégration MakerDAO |
Tangible | Immobilier européen, montres de luxe, vin | Chaque bien est un NFT + “Tangible Voucher” pour la revente ; RealUSD stablecoin sur les revenus |
Maple Finance | Billets de trésorerie, obligations à court terme | Comptes USDC rapportant les intérêts d’un pool d’actifs “réels” investi par un gestionnaire réglementé |
Où naît la valeur ?
La valeur ajoutée des RWA repose sur quatre piliers fondamentaux.
- Le fractionnement abaisse radicalement le ticket d’entrée. Posséder 200 € d’un appartement à Chicago ou 1 000 € d’un lot de Treasuries devient aussi simple que d’acheter une action en ligne. L’investissement dans des actifs longtemps réservés aux institutionnels ou aux ultra-riches devient ainsi accessible à tous.
- La liquidité permanente transforme la donne : les jetons représentant ces actifs peuvent s’échanger à tout moment, sans attendre la signature d’un notaire ni la prochaine date de valorisation d’un fonds. C’est une finance sans friction, où l’entrée et la sortie sont fluides par design.
- La programmabilité, propre aux smart-contracts, ouvre de nouvelles perspectives. Un prêt immobilier peut s’autoliquider, un dividende peut être redirigé vers un pool DeFi, un token peut servir automatiquement de collatéral : la logique financière devient codable, automatisée, optimisée.
- Enfin, la transparence est native. Chaque transaction, chaque paiement est enregistré sur la blockchain, consultable en temps réel. L’audit ne repose plus sur un cabinet, mais sur l’explorateur de blocs.
Les risques et limites du modèle
La principale fragilité reste hors-chaîne : défaut du locataire, vacance, variation des prix, litiges fonciers. C’est pourquoi les plateformes imposent souvent un LTV conservateur (60 % pour l’immobilier, 80 % pour les Treasuries) et des assurances sur le défaut. L’autre enjeu est réglementaire : en Europe, le règlement MiCA vient d’instaurer un statut pour les “crypto-actifs liés à des actifs” un sésame qui devrait accélérer l’offre tout en exigeant transparence et agrément.
Le RWA change d’échelle
Les chiffres donnent le tempo : de 2 milliards en 2023, la valeur des RWA tokenisés a dépassé 10 milliards à l’été 2025, portée par l’immobilier locatif, les bons du Trésor et plus récemment les créances d’entreprise. Bank of America, dans un rapport début août, parle d’un “cycle pluri-annuel” où les investisseurs institutionnels voudront passer “tout ce qui rapporte” sur des rails blockchain.
La prochaine étape ? L’interopérabilité. Les jetons RWA, comme ceux de RealT ou d’OUSG, commencent à circuler sur des réseaux de seconde couche à faibles frais. À Singapour, des actions asiatiques sont tokenisées pour être utilisées comme collatéral sur Ethereum. Et dans la DeFi, des stablecoins garantis par des Treasuries américains ou européens servent désormais de monnaie de règlement.
Ces signaux convergent vers une même ambition : connecter la finance traditionnelle et décentralisée au sein d’un système fluide, automatisé, et globalement interopérable.
La tokenisation, le monde de demain ?
La tokenisation des actifs réels n’est plus une simple promesse ; elle s’inscrit dans des processus industriels, avec des acteurs spécialisés : RealT pour la pierre, Ondo pour le Trésor US, Centrifuge pour la créance PME.
Le défi n’est plus de prouver la technologie, mais de standardiser l’émission, fiabiliser l’oracle et organiser la liquidité. Si ces trois conditions convergent, et la trajectoire 2025 semble l’indiquer, la frontière entre finance traditionnelle et DeFi pourrait devenir, très littéralement, une ligne de code.
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L’investissement dans des actifs financiers numériques comporte des risques.
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