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Bitcoin (BTC) vs CBDC - Derrière les lignes ennemies avec Yanis Varoufakis

mar 07 Juin 2022 ▪ 18 min de lecture ▪ par Nicolas T.

Interviewé par KITCO News, Yanis Varoufakis n’a pas caché son dédain pour le bitcoin (BTC). L’ancien ministre des Finances Grec a toutefois le mérite de la franchise. Ses déclarations à propos du bitcoin, l’inflation et la CBDC permettent d’y voir plus clair quant à l’exacte stratégie des puissants.

Interview d’un adepte de la CBDC

Yanis Varoufakis se définit lui-même comme un marxiste libertaire. Bel oxymore… Assez cocasse pour être souligné, M. Varoufakis a travaillé en 2016 sur le European Green new deal avec Aurore Lalucq, une députée européenne qui cherche actuellement à torpiller le Bitcoin via la loi MiCa.

Voici la traduction de cette interview avec nos commentaires entre crochets:

Christine Lagarde a déclaré que les cryptomonnaies sont sans valeur. Partagez-vous cette opinion ?

« Cela dépend à quoi elles servent. Christine Lagarde a raison quand il s’agit d’un moyen d’échange. Très peu de gens utilisent les cryptomonnaies pour effectuer des transactions au quotidien. La plupart des gens qui les achètent le font en tant que classe d’actifs. C’est un investissement. Son intérêt pour la plupart de ses détenteurs est la spéculation. Je ne crois donc pas qu’une cryptomonnaie privée ou, devrais-je dire, oligarchique, comme le bitcoin, remplacera un jour la monnaie fiat. Ce n’est pas souhaitable. Ce serait un cauchemar. Mais d’un autre côté, je crois fermement que les banques centrales qui n’utilisent pas les avantages des technologies de type blockchain seront laissées pour compte. La banque centrale chinoise est déjà en train de déployer une cryptomonnaie dans le but de contourner les obstacles dressés par les banques commerciales. Les banques commerciales sont en vérité les principales sources d’instabilité financière. J’ai des avis très tranchés sur le rôle négatif des banques commerciales qui n’aiment pas l’idée d’une cryptomonnaie de banque centrale. Christine Lagarde voudrait imiter la banque centrale chinoise mais, si elle le dit ouvertement, elle sera virée, car la Deutsche Bank, la Société Générale et toutes les banques commerciales d’Europe ne vont pas se laisser faire si vous voyez ce que je veux dire. »

[Commentaire : Notez l’amalgame entre cryptomonnaie et CBDC (Central Bank Digital Currency). Il est absolument ridicule d’appeler une CBDC une cryptomonnaie. Par ailleurs, 66 % des BTC en circulation n’ont pas bougé depuis plus d’un an. La plupart des détenteurs ne sont donc pas des spéculateurs. Ce sont surtout des épargnants qui anticipent une inflation biblique.]

Si vous étiez encore ministre des Finances de la Grèce, accueilleriez-vous favorablement l’idée d’une monnaie numérique de Banque centrale. Quel bénéfice une nation pourrait en tirer ?

« Depuis le grand effondrement financier de 2008, les banques centrales ont créé des dollars, des yens et des livres sterling par milliers de milliards afin de renflouer la finance. […] Le problème est que les banques commerciales ont été une source majeure d’instabilité et de difficultés en raison du fonctionnement du QE. Le QE marche comme suit : La Fed accorde des facilités monétaires à la Citibank dans l’espoir qu’elle prêtera ensuite cet argent aux entreprises pour qu’elles investissent dans des emplois de qualité ou dans l’énergie verte. Dans toutes les bonnes choses dont l’humanité a besoin. Mais cela n’a pas fonctionné, car Bank of America a regardé autour d’elle et s’est dit « nous ne leur prêterons pas d’argent vu qu’ils ne seront pas capables de le rembourser ». Ils ont préféré appeler de grands conglomérats comme Apple, Google et Exxon, qui avaient déjà de l’argent plein les coffres, pour leur prêter cet argent quasiment gratuitement. Les entreprises ont répondu : ‘Bien sûr, si c’est gratuit ou presque gratuit’. Finalement, cet argent a servi pour racheter leurs propres actions, ce qui a profité aux membres du conseil d’administration dont les salaires sont liés à la performance boursière de l’action de la compagnie. Mais aucun investissement n’a eu lieu. Imaginez maintenant si nous avions une monnaie numérique de banque centrale. La Fed pourrait facilement refaire partir l’économie en donnant un revenu universel à tout le monde via leur wallet, gratuitement. Il suffirait d’appuyer sur un bouton. Et puis la Fed serait capable de lire combien de cet argent circule dans le système afin de réguler l’inflation. Donc, pour résumer, nous devons supprimer les intermédiaires. »

[Commentaire : Voyez encore l’amalgame visant à accaparer le terme wallet. Le plan serait donc de mettre en place un revenu universel en cas de crise (orchestrée de toute pièce…) et d’injecter de l’argent directement sur un compte de banque centrale lorsque nécessaire. Un genre de MMT à la sauce marxiste. Et lorsqu’il y a trop d’inflation, quel est le plan ? Taux négatif sur l’épargne de monsieur et madame tout le monde ?…]

Les détracteurs des banques centrales affirment que les gouvernements veulent se servir de la CBDC comme d’un outil pour limiter notre liberté financière. En Chine par exemple, le gouvernement peut vous empêcher d’acheter certains biens et services si votre score de crédit social est trop bas. En tant que politicien, comment répondriez-vous à ces critiques ?

« Je les comprends et les rejette. […] C’est une préoccupation sérieuse. La concentration du pouvoir n’est jamais propice à la liberté. Ainsi, j’accepte la critique, mais je la rejette en même temps parce qu’il ne peut y avoir d’argent apolitique. Les bitcoiners et les gold bugs pensent que la solution au pouvoir gouvernemental est de lier l’argent au prix de l’or, de l’argent ou autre. C’est un fantasme. L’argent sera toujours politique car, soyons francs, la seule chose qui donne de la valeur à l’argent est qu’il soit accepté pour payer l’impôt. […] À ceux qui disent que le gouvernement peut être dictatorial et limiter la liberté, je leur réponds oui, c’est vrai, et c’est pourquoi nous devons contrôler démocratiquement nos gouvernements. Je suis par exemple partisan d’utiliser la technologie blockchain dans le contexte des monnaies numériques des banques centrales afin que nous sachions tous combien d’argent existe. La banque centrale ne doit pas pouvoir créer de l’argent sans que nous le sachions. Nous devrions également pouvoir voir les transactions de chacun d’entre nous. […]

[Commentaire : Une alternative à ces idées serait de faire disparaître les banques centrales plutôt que les banques commerciales. Ces dernières maintiendront leur système de réserve fractionnaire (important pour l’élacticité monétaire en cas de crise) et s’échangeront des BTC au lieu de la monnaie de la banque centrale. A contrario, M. Varoufakis semble tenir à ce que les Etats puissent s’endetter sans limites et mutualiser le coût de cette dette via de l’inflation (en plus des impôts). Ça se tient du point de vue de l’idéologie socialiste. Sauf que nous atteignons les limites physiques de la croissance et qu’un tel raisonnement nous mènera tout droit vers l’hyperinflation. M. Varoufakis plaide en outre pour la disparition du cash. Qui a dit que le marxisme est totalitaire ? Son but serait-il de nous rationner pour éviter l’inflation ?…]

Certains pensent que l’un des avantages du bitcoin provient du fait que les gouvernements ne peuvent pas mettre la main dessus et qu’il prendra de la valeur en cas de tensions géopolitiques. Acceptez-vous ou non cette philosophie d’investissement ?

« C’est pure idiotie. Ces gens ne comprennent pas comment fonctionne le monde. Il faut contrôler l’offre de monnaie. […] Pensez à ce qui s’est passé pendant l’épidémie. Si vous aviez eu une quantité de monnaie absolument fixe […], nous n’aurions pas pu réagir. […] C’est pourquoi l’étalon-or n’a jamais survécu aux crises, aux guerres et aux récessions. […] Acceptons que la quantité de monnaie puisse être malléable, qu’elle doit être variable, qu’elle doit être contrôlée politiquement afin de lisser le cycle économique, en particulier pendant les périodes de crise grave. Mais nous ferions mieux d’être capables de contrôler cela démocratiquement et de ne pas permettre qu’il soit contrôlé par un très petit nombre d’oligarques. »

[Commentaire : Comment M. Varoufakis compte-t-il contrôler ce petit nombre d’oligarques qui parvient à nous masquer et nous enfermer chez nous des semaines entières pour un gros rhume ? Ensuite, et encore une fois, le Bitcoin pourrait être flexible en étant au centre d’un système de réserve fractionnaire. Mais il faudra rembourser… Fini le temps où les technocrates pouvaient se permettre de faire les plus grosses imbécilités comme bloquer le monde pour un rhume, en croyant que faire toujours plus de dette n’a aucune conséquence. On a vu où cela a mené les Grecs…]

L’inflation est au plus haut depuis 40 ans aux États-Unis. C’est le résultat de l’impression monétaire par la Fed et des chèques envoyés à chaque Américain au cours de ces deux dernières années. Certains disent que si nous avions une offre fixe d’argent, je ne dis pas que nous devrions, mais nous n’aurions pas d’inflation. Quel est votre avis ?

« C’est de l’analphabétisme financier. Regardez, entre 2009 et 2021, les banques centrales ont lutté pour créer de l’inflation. Les bilans des banques centrales ont été multipliés par trois, par quatre parfois cinq entre 2009 et 2012. Et il n’y avait pas d’inflation à l’époque. L’inflation que nous avons maintenant n’est pas liée aux QE [Quantitative Easing = planche à billet]. Elle est premièrement causée par l’interruption des chaînes d’approvisionnement. […] Et deuxièmement parce que la demande s’est subitement envolée à cause des lockdowns vu que nous étions tous coincés chez nous à commander des choses sur Amazon alors que la chaîne d’approvisionnement était perturbée. Mais si nous avions eu le CBDC, nous n’aurions pas eu besoin de passer par les banques commerciales. Je reviens à ce que je disais au début : la Fed aurait pu atteindre son objectif d’inflation de 2 % de manière beaucoup plus efficace si elle avait pu créditer directement les citoyens avec de l’argent gratuit. […] Si vous retirez les banques commerciales de l’équation, alors la politique monétaire fonctionne mieux. C’est mieux que de jeter le bébé avec l’eau du bain en disant que nous ne devrions pas avoir de politique monétaire et que l’offre de monnaie devrait être fixe. Ce serait la catastrophe. »

[Commentaire : Il est vrai que l’argent créé par les banques centrales ne provoque pas mécaniquement de l’inflation. Pas tout de suite en tout cas… Il faut attendre que les banques commerciales trouvent des emprunteurs et que l’État s’endette. Mais nier qu’une augmentation de la dette globale (et donc de la quantité de monnaie en circulation) n’a pas d’influence sur l’inflation (toutes choses égales par ailleurs), relève du déni. Là encore, mauvaise foi. Les problèmes de la chaîne d’approvisionnement sont une chose, mais M. Varoufakis semble oublier le plus important : le pic pétrolier qui va rendre le combat contre l’inflation beaucoup, beaucoup plus difficile. M. Varoufakis ne parle que de créer de l’inflation. Mais quel est son plan pour faire reculer les prix ?…]

Y a-t-il quelque chose que les gouvernements peuvent faire pour faire baisser l’inflation ?

« Concernant la chaîne d’approvisionnement, il suffit d’attendre. Il faut mettre fin à la guerre en Ukraine qui n’aide pas. Nous avons besoin d’un cessez-le-feu et d’un processus de paix en Ukraine […] Sans la guerre en Ukraine, les choses reviendraient dans l’ordre en 12 mois environ […] Si j’étais banquier central, […] j’augmenterais les taux d’intérêt très rapidement. En Europe, les taux d’intérêt sont toujours négatifs pour les banques. C’est pathétique, car personne n’en profite. Si vous faites un prêt immobilier, vous payez 6 %. Et la différence va dans la poche des oligarques. Donc je le porterais à 3 %. Pas à 6 %, mais à 3 %. Quelque chose dans le domaine du possible. Mais en même temps, je continuerais le QE. Mais pas le QE tel que sous sa forme actuelle. […] Non, j’utiliserais la création monétaire de la banque centrale pour financer directement et massivement les énergies vertes afin de réduire notre dépendance au gaz et au pétrole de Vladimir Poutine et ensuite aux combustibles fossiles. Le but étant de faire baisser le coût de production, par exemple, de l’hydrogène vert à partir d’éoliennes offshore, et donc réduire le coût de production de l’électricité et le coût environnemental du changement climatique. […] Je donnerais de l’argent gratuitement aux gouvernements pour qu’ils puissent financer la transition énergétique. C’est-à-dire de l’argent que les gouvernements n’auront pas à rembourser. De la création monétaire pure pour faire baisser le coût de production de l’électricité verte. Donc hausse des taux d’intérêt pour dégonfler les bulles boursières / immobilières et réduire les inégalités de revenus qui empêchent la classe moyenne de se développer. Et en même temps, investir dans l’énergie verte en créant de la monnaie [ex nihilo]. »

Cela ne créerait-il pas plus d’inflation à court terme ? Investir plus d’argent dans les infrastructures signifie que le gouvernement dépense plus d’argent. Cela ne créerait-il pas plus d’argent, plus d’inflation ?

« Non. D’abord parce que si vous augmentez les taux d’intérêt, cela limite la demande, la demande de logements, la demande de prêts pour gaspiller l’argent en biens de consommation superflus, ce qui fera baisser l’inflation. En dépensant de l’argent pour réduire le coût de production de l’énergie verte, nous créons plus de choses dont nous avons besoin et moins de choses dont nous n’avons pas besoin [biens de consommation superflus]. Et en même temps, vous réduisez le coût de l’énergie dont dépend tous les autres prix. […] Nous devons éliminer les bulles d’actifs et, en même temps, créer des emplois dans le secteur dans lequel l’humanité devrait investir.

[Commentaire : Il est amusant de voir que les prix immobiliers entrent soudainement en considération quand ils sont sur le point de baisser. Personne n’en parle le reste du temps (les prix immobiliers n’entrent pas dans le calcul de l’inflation). Notons également que l’inflation est déjà au plus haut depuis 60 ans en Allemagne, à 9 %. Ce que dit M. Varoufakis est faux à court terme, mais concédons qu’il est vrai que le long terme est plus important. Il est également vrai que le monde consomme trop de choses superflues et polluantes à l’heure où nous atteignons les limites de la croissance (pic pétrolier). Mais à court terme, l’inflation sera biblique. D’où l’intérêt pour les petites gens de pouvoir protéger leur épargne avec le BTC.]

Pensez-vous que les Américains et les Européens peuvent se permettre un taux directeur de 3 % ?

« Cela dépend pour qui. Les entreprises zombies qui tiennent grâce à l’argent gratuit de la Fed ne pourront pas se le permettre. Elles feront faillite. Laissez faire si ce n’est pas viable. Ceux qui empruntent sept ou huit fois leur salaire annuel pour acheter un appartement à Berlin, peut-être devront-ils perdre cet appartement. Ils le perdront de toute façon parce que dans le cas où vous n’augmentez pas les taux d’intérêt aujourd’hui à 3 %, vous devrez les augmenter à 6 % dans deux ans. […]

Le reste de l’interview a porté sur ce que Yanis Varoufakis anticipe pour la suite en Ukraine.

Il faut se méfier de ceux qui pensent avoir la science infuse et qui sont prêts à dépenser des océans d’argent (votre argent en définitive), tête baissée, pour construire des éoliennes et des panneaux solaires partout dans le monde. Nous voyons aujourd’hui le résultat en Allemagne qui a investi 1000 milliards et où l’on parle de réactiver 15 centrales à charbon…

D’après l’AIE, le nucléaire représentera au mieux 12 % du mix électrique mondial en 2050 (et ce serait déjà un miracle). Et nous disons bien mix « électrique », et non pas mix « énergétique ».

Les puissants parlent tous du climat ou de M. Poutine, mais n’oublions pas le pic pétrolier. Le sujet est passé sous silence, car les politiques ne veulent pas avouer qu’ils n’ont rien vu venir et que les milliers de milliards désormais nécessaires à la transition énergétique en catastrophe vont provoquer une inflation historique qui durera de nombreuses années.

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Nicolas T.

Le Bitcoin est une éruption d'énergie chiffrée incensurable se diffractant aux quatre coins d'un monde en ébullitions géopolitique et inflationniste. Je vous tiens au courant.

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