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Conférence Bitcoin Miami : Résumé de la dernière journée

sam 09 Avr 2022 ▪ 10 min de lecture ▪ par Nicolas T.

La seconde journée de la conférence Bitcoin de Miami a fait moins d’étincelles que la première (résumé ici), mais la discussion sur la fin du petrodollar ainsi que l’interview de la sénatrice américaine Cynthia Lummis méritaient le détour. Retrouvez ICI le replay de la journée entière et le programme ICI.

Du Petrodollar au Petrobitcoin

Le petrodollar est une expression qui signifie que tout le pétrole du monde (sauf celui de la Russie, de l’Iran et du Venezuela) est vendu en dollar. Le petrodollar est né en 1975, lorsque le président Nixon et Kissinger forcèrent l’Arabie Saoudite (et les autres pays de l’OPEC) à vendre son pétrole exclusivement en dollar.

Le pétrole étant de loin la matière première la plus importée dans le monde, le dollar s’est de facto imposé comme la monnaie internationale par excellence. Et ce, alors même que Nixon avait suspendu la convertibilité du dollar en or quatre ans auparavant !

Ce privilège impérial protège le taux de change du dollar malgré une balance commerciale chroniquement déficitaire. La raison étant que le monde entier est obligé de se procurer des dollars qui, en attendant d’être dépensés, sont placés dans la dette des États-Unis pour engranger des intérêts. Aujourd’hui encore, 59 % des réserves de change mondiales sont détenues en dollar (20 % en euros).

Néanmoins, le dollar est en train de perdre de sa superbe. Pour deux raisons. La première est l’endettement hors de contrôle (trop de dollars en circulation). La seconde est l’utilisation du dollar comme une arme au service de la politique étrangère de Washington.

C’est également l’avis de Fred Thiel, fondateur de Marathon (société de mining de BTC), qui répondait à la question de savoir si la perte de vitesse du dollar est davantage liée à un manque de confiance ou la simple diminution du poids économique des États-Unis relativement au reste du monde :

« Se servir du dollar comme une arme va forcer les pays à reconsidérer les actifs qu’ils détiennent et la monnaie dans laquelle ils vendent leurs matières premières. […] Le gel des réserves de change russes par les États-Unis et les puissances occidentales montre que tout est possible. […] Il est devenu risqué de détenir des dollars et de commercer en dollar. Cela ne signifie pas que le dollar va perdre sa position, mais cette position est en dilettante, car certains vont vouloir atténuer ce risque. »

Un second panéliste, Avik Roy, président de la Foundation for Research on Equal Opportunity, a lui souligné que l’Empire du Milieu n’a pas intérêt à ce que le yuan remplace le dollar :

« La Chine est en pourparlers avec l’Arabie Saoudite pour acheter son pétrole en yuan. Cela représente une partie non négligeable du commerce mondial […]. Mais concrètement, la Chine ne veut pas que le yuan devienne la monnaie de réserve mondiale. Il faudrait pour cela que le yuan devienne librement convertissable en dollar, ce qui provoquerait une appréciation du CNY face au dollar. Il en découlerait un surenchérissement des exportations chinoises et des importations moins chères. C’est ce que les États-Unis font, au prix d’une désindustrialisation domestique, ce que la Chine ne souhaite pas. Pékin ne veut pas avoir la monnaie de réserve mondiale. »

« Au bout du compte, commercer en dollar ou en euro n’a pas d’importance. Ce qui compte, c’est de savoir quelle est la réserve de valeur. Le fait que l’Arabie Saoudite vende son pétrole en yuan ne sert à rien si Riyad convertie immédiatement ses yuans en dollar pour placer son argent dans la dette US. La vraie question est : ‘Est-ce que la dette chinoise va concurrencer la dette US ?’. C’est déjà ce que l’on peut observer. Sauf que la dette chinoise devient également dangereusement élevée. En 2014, la dette publique chinoise représentait 40 % du PIB. Nous en sommes aujourd’hui à 72 %. La Chine est sur la même trajectoire que les États-Unis (123 % du PIB). »

Autrement dit, Avik Roy est d’avis que ni le dollar ni le yuan ne sont de bonnes réserves de valeur, contrairement au bitcoin et sa masse monétaire absolument fixe.

Pour Lyn Alden, la taille compte aussi, rappelant que « les États-Unis représentaient 40 % du PIB mondial au sortir de la seconde guerre mondiale, contre seulement 20 % aujourd’hui ». « Nous ne sommes plus le premier importateur mondial, mais le second derrière la Chine. »

Cela, combiné à la « weaponization des réseaux de paiement (déconnexion du réseau SWIFT) et des réserves de change », fait que certains pays ne veulent plus « mettre tous leurs œufs dans le même panier » et que l’hégémonie du pétrodollar n’est plus tenable. « Les nouvelles alliances et les nouvelles technologies (bitcoin) rendent inévitable la fragmentation du système ». « L’inflation et la fuite en avant de l’endettement nous poussent aussi vers une réserve de valeur neutre et une multiplication des canaux de paiement. »

Le bitcoin est bien évidemment cette réserve de valeur neutre. Pour P. Thiel, « il est possible de régler les balances commerciales en bitcoin sans qu’aucun pays ne puisse s’interposer » :

« Oui, le bitcoin peut être interdit par certains pays, mais personne ne peut le détruire, ni le dévaluer. Le bitcoin est une monnaie idéale dans laquelle libeller les matières premières et garder sa richesse. Nous verrons bientôt des pays utiliser le bitcoin comme une monnaie de réserve. »

La chute du pétrodollar ne se fera pas sans heurts et les panélistes étaient d’accord pour dire que le remplacement du dollar par le bitcoin dans les réserves de change globales forcera les États-Unis à résorber leur déficit commercial. Dit autrement, les Américains devront se serrer la ceinture.

En parlant de régime, P. Thiel a prévenu que nous entrons dans une ère extrêmement inflationniste :

« L’inflation va exploser en cas de crise alimentaire, parce que les coûts des engrais augmentent considérablement et qu’un quart des exportations mondiales de blé proviennent de deux pays actuellement en guerre. Sans parler du coût de l’énergie. Nous n’avons encore rien vu et nous verrons malheureusement beaucoup de misère sociale. Les gens doivent réaliser que les prix des marchandises et les matières premières vont fortement augmenter, et que les salaires ne suivront pas. »

Une sénatrice Maxi au Congrès US

L’autre temps fort de cette dernière journée fut la conversation entre Cynthia Lummis et Marco Santori, le directeur juridique de Kraken.

La sénatrice américaine a révélé quelques détails de son projet de loi sur le bitcoin (The Responsible Financial Innovation Act) qu’elle s’est dépêchée d’écrire en réaction au projet de loi assassin (la fameuse ‘Infrastruce bill’) présenté au Sénat l’année dernière.

À ce titre, notons que le parlement européen a récemment essayé d’interdire le Proof of Work (et donc le bitcoin)… Et nous ne sommes pas sortis du bois puisque les députés européens se prononceront bientôt sur une autre loi scélérate visant à interdire de facto aux gens de détenir eux-mêmes leurs BTC.

« Il s’agit véritablement d’un cadre législatif visant à ce que l’innovation ne soit pas entravée », a-t-elle déclarée avant de rappeler que le BTC est une « commodity » qui sera régulée par la CFTC, contrairement à l’écrasante majorité des cryptomonnaies (sinon toutes…) qui sont des « securities ».

La sénatrice s’est enthousiasmée du fait que de nouveaux membres du Congrès se sont joints à ses efforts en faveur d’une législation favorable au bitcoin. « Il y a environ un mois, la sénatrice Kristen Gilibrand de New York a décidé de s’intéresser à ce projet de loi et elle s’est jetée dessus », a-t-elle précisé. « C’est fabuleux. »

Il semblerait bien que le bitcoin a de beaux devant lui aux États-Unis, contrairement à l’Europe où les firmes font déjà leurs valises pour aller en Suisse à cause de députés comme Aurore Lalucq qui tiennent apparemment à ce les petites gens ne puissent pas utiliser la technologie bitcoin pour se protéger de l’inflation…

M. Santori a ensuite demandé quels étaient les derniers développements concernant une la CBDC (Central Bank Digital Currency) :

« Peu de sénateurs y réfléchissent », a répondu M. Lummis. « Mais l’une des choses qui contribue à définir le débat est la CBDC chinoise, le yuan numérique… Elle est utilisée comme un outil de surveillance, et le Sénat américain en est conscient. La Fed, aussi. »

Mme Lummis a apaisé les inquiétudes d’une grande partie de la foule en expliquant que nous aurons des stablecoins privés et non pas des CBDC. Michael Saylor, a enfoncé le clou en déclarant par la suite « qu’il n’y aura pas de CBCD en Amérique, la FED ne sait pas comment le construire et le Congrès n’en veut pas ».

A ce propos, ne manquez pas notre dernier article : Bitcoin vs CBDC

La prochaine grande conférence Bitcoin aura lieu en France, à Biarritz, les 25, 26 et 27 août. La billetterie est ouverte sur surfinbitcoin.com.

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Nicolas T.

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