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Entre dictatures et guerre civile, quel rôle politique jouera Bitcoin (BTC) ?

lun 25 Juil 2022 ▪ 17 min de lecture ▪ par Satosh

Russie, Chine, Etats-Unis. Les trois plus grandes puissances de la planète connaissent toutes les trois des difficultés de nature différente. Bitcoin pourrait bien jouer un rôle déterminant dans chacun de ses pays sous certaines hypothèses. Spéculations et uchronies sur l’avenir du monde !

Trois puissances en difficulté

A ce jour, les trois pays les puissants du globe sont tous en difficulté pour des raisons bien différentes. Les Etats-Unis souffrent essentiellement d’une division interne, avec un pays qui se fragmente tellement qu’on pourrait au moins parler de pays binational. La Chine doit affronter des problèmes économiques et la Russie s’enlise dans ses affaires militaires avec l’Ukraine.

Nul besoin de préciser que l’Europe n’est plus une grande puissance militaire et que si les armées du tsar ne sont toujours pas à Berlin, c’est uniquement grâce à la précieuse protection des États-Unis.

La désillusion chinoise

La Chine n’est pas en capacité de supplanter la puissance Américaine, et ce même si le rattrapage économique de la Chine a été très impressionnant ces dernières décennies. Il y a quelques années, beaucoup de journalistes écrivaient sur l’ascension inéluctable de l’Empire du Milieu. L’Amérique n’était plus qu’une vieille puissance déclinante, embourbée au Moyen-Orient et par une crise financière d’origine immobilière. À l’inverse, la Chine devait être à la pointe de la technologie, tout en s’appuyant sur une démographie impressionnante.

D’une croissance à deux chiffres proche des 10 % dans les années 2000, nous passions déjà à une croissance réduite de moitié à la veille de la pandémie. La tendance semblait claire : les effets positifs du rattrapage avaient tendance à ralentir. La Chine devait maintenant innover et cesser de copier les gadgets imaginés dans des laboratoires Américains. Ce ralentissement économique se produisait alors même que la Chine déplaçait sa politique industrielle fondée sur des initiatives régionales vers une coordination nationale.

Nous avons atteint le climax de ce récit lorsque la Chine semblait lors de l’été 2020 s’être rétablie plus rapidement que les occidentaux. Beaucoup ne tarissaient pas d’éloge au sujet du miracle chinois.

« Nous en Occident, nous n’avons pas de masque. En Chine, ils construisent des hôpitaux en 14 jours. Vraiment, nous ne faisons plus le poids ». (Si vous étiez vous aussi tombé dans le piège de la propagande du Parti Communiste Chinois, je suis navré de vous apprendre que les hôpitaux chinois n’étaient pas fonctionnels et baignaient dans la boue).

La Chine n’éclipsera pas l’Amérique

À partir de 2021, le PCC s’est aventuré dans des expérimentations économiques autoritaires particulièrement ratées. Xi Jinping a du mal avec l’idée que la liberté est le meilleur instrument pour innover et prospérer. Après avoir asphyxié le secteur technologique à coup de réglementation, le gouvernement s’est attaqué au secteur immobilier (30 % du PIB), ce qui a abouti à un krach considérable. La vague de défauts de paiement fait aujourd’hui peser un risque considérable sur le secteur bancaire chinois.

A l’origine, les communistes chinois pensaient extraire les ressources des industries technologiques comme le jeu vidéo (jugé immoral et dévirilisant par le gouvernement) pour les déplacer dans des secteurs comme les semi-conducteurs ou l’aéronautique. Les communistes et les fascistes ont toujours eu cette mentalité planificatrice, tournée vers les industries lourdes.

Par ailleurs, l’incapacité à admettre la victoire de l’Amérique dans la course vaccinale a conduit la Chine nationaliste à être privée de vaccins à ARN messager efficaces pour endiguer le covid. À la place, le PCC a continué d’appliquer jusqu’à aujourd’hui une politique zéro covid avec des confinements répétés. Le variant BA.5 ne risque pas d’arranger la situation et de nouveaux confinements sont à prévoir.

D’après les statistiques officielles, la Chine aurait enregistré une croissance de 0,4 % sur l’année. Le PCC dit également que les camps Ouïghours sont des clubs de vacances… On passera donc sur la fiabilité de ces chiffres, sans doute bien inférieures au zéro pointé. Avec un taux de chômage record chez les jeunes de 19,3 %.

La Chine est probablement déjà en récession. Bien sûr, s’il n’est pas raisonnable de dire que la Chine est la nouvelle puissance incontestable, il ne conviendrait pas d’aller dans l’autre sens et de passer hâtivement à l’épilogue. Ni omnipotente, ni agonisante. Vacillante.

Bitcoin et Mao

Quel rôle pourrait donc jouer bitcoin dans une Chine totalitaire et incapable de supplanter l’Amérique ?

Et bien, tant que Xi Jinping concentrera autant de pouvoir entre ses mains et cherchera à contrôler sa population, bitcoin n’y aura aucun droit de cité.

Toutefois, si Xi Jinping venait à faire un AVC ou infarctus (maladies courantes à 70 ans) et qu’il venait à être remplacé par une personnalité plus pragmatique comme Deng Xiaoping ou Hu Jintao à leur époque, le BTC pourrait alors jouer un rôle.

Que ce soit en tant que source de revenus grâce au minage (le PCC n’a que faire des objectifs ESG) ou tout simplement pour susciter une alternative au dollar.

Cette dernière décennie Xi a surtout cherché à renforcer le pouvoir du PCC sur la vie des gens, plutôt que de choisir des stratégies pour renforcer la Chine à l’international. Pourquoi voulez-vous qu’il promeuve le BTC, un objet qu’on ne contrôle pas ? Et pas n’importe quel objet, une monnaie, autrement dit la marchandise ultime.

Les élites du parti communiste chinois prendront-elles conscience que l’homme qu’elles ont doté du statut de dictateur à vie est incapable de mener une politique économique efficace pour éclipser l’Oncle Sam et demain l’outsider indien ? Ont-elles encore assez de pouvoir pour remplacer Xi par une personnalité plus pragmatique, comme le premier ministre Li Keqiang ?

Bref, le PCC néo-maoïste de Xi Jinping continuera à livrer une guerre totale au bitcoin tant qu’il sera au pouvoir. Il ne faut rien y attendre.

Poutine : plutôt bitcoin que le billet vert ?

Passons maintenant à l’usage que pourrait faire la Russie de bitcoin.

L’invasion de l’Ukraine par le tsar a poussé le rouble dans les montagnes russes là où le dollar a confirmé sa suprématie en tant que réserve internationale. Après avoir touché le fond suite aux sanctions occidentales, le rouble s’est artificiellement redressé. Ce rebond ne reflétait certainement pas un rebond de l’économie russe, de plus en plus dirigiste.

La force du rouble est artificielle

Par exemple, rapidement, les entreprises ont été contraintes de convertir en roubles une part substantielle de leurs revenus libellés en devises étrangères. L’explosion du prix des matières premières a aussi joué positivement dans la valeur du rouble.

La force du rouble est donc très relative et à nuancer. En fait, tant que les Occidentaux garderont leur honneur et continueront d’appliquer des sanctions, le rouble sera fragile. Et puis à quoi bon détenir une monnaie « forte » si ses détenteurs étrangers ne peuvent rien acheter avec ?

Même si la propagande de Poutine circule beaucoup sur Twitter et dans les sphères crypto, ne nous leurrons pas : la Russie va très mal. Les pénuries de biens intermédiaires (électronique, informatique…) importés commencent à produire des dégâts. Toute l’industrie russe pâtit de ces manques, ce qui déséquilibres les chaînes d’approvisionnement. Surtout, la machine de guerre de Poutine pourra difficilement se maintenir dans le temps sans ces composants (c’est le but des sanctions). Ses élites technologiques qui travaillaient dans des sociétés occidentales comme Apple ont également quitté la Russie.

N’oublions jamais que la Russie n’est qu’une station essence géante avec 6000 têtes nucléaires.

Dans le même temps, il semblerait que le pays soit de plus en plus favorable au BTC. Si la Chine espère que son yuan numérique deviendra une alternative au dollar, la Russie est consciente que le rouble restera un nain monétaire et ne cultive pas cette ambition chimérique.

Ni l’Oncle Sam, ni le Grand Timonier

Quel moyen a le tsar pour échapper aux sanctions, échapper au dollar tout en ne pratiquant pas la génuflexion devant le PCC ? Bitcoin.

Même si la Chine soutient la Russie, ce n’est en réalité qu’une alliance par défaut. La Chine ne peut compter que sur la Russie face à l’Amérique et à l’Inde. Et la Russie ne peut compter que la Chine comme allié de poids. Toutefois, Poutine nostalgique de la grande Russie ne fantasme pas à l’idée d’être le laquais de Xi Jinping, alors même qu’à l’époque de Mao le rapport de force était inversé.

Bitcoin dans une Russie ravagée par l’inflation ?

Poutine est en train d’euthanasier l’économie russe pour répondre à ses buts de guerre. Si les sanctions demeurent, la Russie devra tôt ou tard payer le prix de ce suicide. Une économie hyper spécialisée dans les matières premières vivant en autarcie finira pas devoir affronter une hyperinflation sur le modèle du Nigéria.

Même si Poutine quittait le pouvoir demain, il faudrait au moins un plan Marshall pour éviter cette catastrophe inflationniste à venir. Par conséquent, comme on l’a observé dans des pays pauvres ravagés par l’inflation, bitcoin peut devenir une alternative à la monnaie nationale vacillante. Surtout, les Russes sont très nationalistes et je ne les vois pas courir pour acheter de l’USDT.

Toutefois, si Poutine parvenait à trouver une issue comme en 2014 en s’appuyant sur la lâcheté de gouvernements occidentaux, alors ce drame hyperinflationniste pourrait être en partie évité.

L’Occident offrira-t-il une sortie à Poutine pour son gaz ?

Macron et Scholz sont probablement prêts à sacrifier des vies ukrainiennes en échange d’un peu de gaz de Poutine et Boris Johnson qui avait été exemplaire face au tsar vient de sauter. Ces gouvernements européens fragiles ne sont pas prêts à affronter la colère de la rue et se rueront sur la première main tendue par Poutine. Comme en 2014, l’Occident parle uniquement de négociation avec le dictateur. Or, Poutine devient toujours plus agressif en voyant la faiblesse de l’Occident.

Pour rappel, l’inflation que nous observons aujourd’hui en Europe est d’origine gouvernementale, comme souvent. Ce sont les déficits monstrueux, la planche à billets, les choix énergétiques sur le nucléaire et la soumission face à Poutine en 2014 qui en sont à l’origine.

Dire que si les Occidentaux avaient décidé de ces sanctions en 2014, Poutine n’aurait pas pu se constituer cette machine de guerre qui ensanglante l’Ukraine et nous aurions pu trouver entre temps une alternative aux hydrocarbures russes.

US, sécession et bitcoin

Même si les États-Unis doivent affronter une inflation historiquement élevée en raison des politiques dispendieuses de Trump et de Biden, le problème est plus profond. Il n’est pas tellement de nature économique, mais plutôt politique et idéologique. 

L’Amérique est une citadelle imprenable sur le plan militaire. Ni la Chine, ni la Russie ne peuvent l’attaquer sur son sol. A l’inverse, les maigres efforts réalisés par les US dans la fourniture d’armes à l’Ukraine ont révélé au monde l’état de l’armée russe. 

L’Amérique ne se fera pas assassiner. Si elle devait décliner, il s’agirait donc probablement d’un suicide. 

De Roe v. Wade au Bitcoin

Les récentes décisions prises par la Cour suprême illustrent parfaitement cette discorde interne entre Américains. Surtout, elles révèlent au grand jour que les dissensions sont tangibles et ne se cantonnent pas à des mèmes sur Twitter.

Alors que certains États républicains ont décidé d’embrasser le maximalisme réactionnaire avec des interdictions extrêmes sur le droit à l’avortement, certains démocrates répondent en souhaitant étendre ce droit jusqu’à la naissance. 

Les deux camps se radicalisent et on assiste à une polarisation extrême alors même que l’opinion américaine sur le sujet semble plus modérée.

Plus généralement, on observe une augmentation de la violence politique aux US. Émeutes du Capitole à droite, mouvements antifa à gauche. Comme un air des années de plombs en Italie dans les années 70. Une période marquée par une vague d’incidents d’extrême gauche et d’extrême droite en matière de terrorisme.

Demain, la guerre civile ?

On en arrive au plus grand risque qui pourrait déstabiliser l’Amérique : une guerre civile à grande échelle entre des campagnes rouges et des villes bleues.

Des dizaines de millions d’Américains pensent s’être fait voler une élection et que les États-Unis ne sont plus une démocratie. Et les Américains sont armés. Ils ont également une culture de la sécession particulièrement ancrée dans les esprits. Pour l’instant, les suggestions pour une sécession émanent essentiellement de la droite et notamment de lalt right ethnonationaliste.

Même si le scénario d’une guerre civile américaine sur le modèle espagnol des années 30 est improbable, il ne peut pas être complètement exclu. Et une sécession politique s’accompagnerait possiblement d’une sécession au niveau de la Fed. Dans ce cas, quel rôle pourrait jouer bitcoin ?

Bitcoin au service des populistes américains ?

Ron Paul est-il en train de prendre sa revanche avec l’essor de la crypto et en particulier de bitcoin ? 

Si en France, bitcoin n’est pas un sujet politique, la situation est bien différente en Amérique. (Les Américains valorisent la technologie et comprennent l’inflation, ce qui n’est pas le cas en France).

Des figures comme Peter Thiel ou Steve Bannon, deux soutiens de Trump en 2016 ont tous les deux évoqué la cryptographie comme d’une arme majeure contre ce qu’ils nomment « l’establishment ». Bitcoin est-il le meilleur moyen de réduire le pouvoir de l’État fédéral américain que l’alt-right juge démoniaque et responsable de la « décadence américaine » ?

Le parti Républicain : du conservatisme au nationalisme technologique ?

Le parti républicain pourrait bien un jour se transformer en plateforme populiste néo-jacksonienne, s’éloignant de la souche conservatrice. Différente des « Make America Great Again » qui sont des conservateurs nationalistes attachés au drapeau et à l’unité. Différente également des QAnon, qui sont des gens peu éduqués, complotistes et qui ne comprennent rien à la technologie et encore moins à la cryptographie. La déclaration récente d’Elon Musk, proche de Thiel qui a annoncé son ralliement aux républicains va également dans ce sens.

« Le bitcoin ne sera jamais contrôlé par le gouvernement, contrairement aux sociétés de la tech influencées par les wokes » Peter Thiel, lors de la conférence Bitcoin Miami.

Cette semaine, nous avons appris que le Parti républicain du Texas demande que la constitution de l’Etat inclue une clause autorisant les Texans à posséder et utiliser librement la crypto. 

Bref, bitcoin pourrait bien jouer un rôle politique déterminant dans les années à venir aux États-Unis. Que ce soit dans le cadre d’une guerre civile liée à la forte polarisation, d’un mouvement sécessionniste qui déboucherait sur une sécession de la Fed. Ou tout simplement d’une reconfiguration de l’ADN du parti républicain vers un mouvement « éthno-techno-libéral ». Mouvement davantage influencé par les technologues de droite comme Thiel que par les conservateurs héritiers de Reagan.

Bitcoin est un objet passionnant. On n’imagine toujours pas ce qu’une adoption massive impliquerait sur le terrain politique. Il se peut toutefois bien qu’il devienne un sujet incontournable dans les années à venir.

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Satosh

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