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7 bonnes raisons d'adopter l’euro numérique

ven 01 Déc 2023 ▪ 9 min de lecture ▪ par Martin
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Parmi les partisans des cryptomonnaies, peu sont en faveur des monnaies numériques de banques centrales, aussi appelés CBDC. Leur argument ? Une philosophie aux antipodes de l’esprit originel de Bitcoin, justement conçu pour se protéger des décisions arbitraires des États et des banques. Pourtant, l’euro numérique est une question de souveraineté pour l’Europe, qui doit faire face aux géants des paiements en ligne. Explications.

Logo de l'Euro, devant le siège de la Banque Centrale Européenne

1) Décliner la gratuité des espèces en version électronique

Aujourd’hui, l’argent liquide est géré directement par la BCE : c’est un service public qui est gratuit pour l’usager. Conception, impression, transport, la Banque Centrale Européenne se charge de tout. Bien entendu, ce système n’est pas sans coût. Mais il permet d’assurer à tous un moyen gratuit d’effectuer des transactions au quotidien. Et même si en France, le paiement en espèce reste plafonné à 1000 euros, il reste ainsi l’outil transactionnel le plus inclusif. Qui aurait l’idée de confier la gestion des pièces et des billets aux banques commerciale ? Pourtant, c’est exactement ce qu’il se passe aujourd’hui avec les transactions électroniques.

2) Favoriser l’inclusion financière

L’argent liquide a été utilisé pour 59 % des transactions au point de vente en 2022, contre 72 % en 2019. C’est un fait : de plus en plus de transactions s’effectuent par carte bancaire. Or, cet argent n’est plus de la monnaie de banque centrale. Il circule sous forme « scripturale » (chiffres inscrits sur les comptes). En effet, un raccourci a été pris par les banques commerciales : les registres de comptes servent aujourd’hui directement de moyen de paiement au quotidien. Alors qu’ils étaient réservés auparavant aux seuls transferts et virements entre comptes.

C’est donc une question de souveraineté des paiements qui se présente notamment pour l’Europe. Car cette industrie des paiements pourrait atteindre les 2.900 milliards en 2030. L’euro numérique pourrait ainsi favoriser l’inclusion financière, en garantissant l’accès à un cash électronique gratuit. Une ambition que l’on retrouve dans un rapport récent de la BCE, qui indique que cette nouvelle forme d’euro sera « inclusive by design« .

3) Préserver la souveraineté européenne sur les paiements

La croissance des transactions par carte bancaire profite aux géants américains tels que Visa ou Mastercard. Ces entreprises captent une partie de la valeur échangée, et ce, jusqu’à une hauteur de 2 % : c’est le montant qui peut être prélevé aux commerçants. Dès lors, faut-il boycotter ces solutions et simplement jeter sa carte bancaire à la poubelle, comme certains le préconisent ? Une autre voie semble possible : celle d’une monnaie numérique publique, équivalente à celle des acteurs privés.

Pour l’UE, il serait trop risqué de laisser cette industrie grignoter progressivement ce qui fait son ADN : sa monnaie. D’autant que cette fuite du pouvoir monétaire vers les acteurs privés n’est par forcément en faveur de l’intérêt collectif. Ainsi, l’euro numérique permettrait à chacun d’avoir directement accès à la monnaie de banque centrale de manière numérique, tandis qu’elle est aujourd’hui uniquement disponible en format “papier”, à travers les billets et les pièces.

Une figurine de banquier devant une courbe.
L’euro numérique pourrait aider l’Europe à garantir son indépendance dans les paiements électroniques.

4) Renforcer le lien des citoyens avec leur banque centrale

Comme les billets et les pièces, l’euro numérique serait un bien public, ce qui signifie que tout le monde dans la zone euro pourrait payer en euros numériques sans frais. Cette gratuité est un argument fort et un atout essentiel dans le projet de CBDC européen.

De plus, la monnaie n’est pas seulement un simple moyen de paiement. Elle est un vecteur de lien social et de valeurs symboliques. L’Union Européenne souhaite ainsi renforcer l’appartenance des citoyens à ses valeurs, en leur fournissant des solutions innovantes. Et dans le même temps, redonner un second souffle à une monnaie encore très jeune.

5) L’euro numérique, une promesse de sécurité

L’UE promet également des garanties « plus solides ». En effet, une banque centrale, contrairement à une banque commerciale, ne peut pas faire faillite. Pourquoi les épargnants devraient être exposés aux risques pris par ces banques, exposées à des marchés qui peuvent s’effondrer, comme lors de la crise des subprimes ?

De plus, la sécurité des transactions électroniques est aujourd’hui entièrement assurée par ces prestataires bancaires. Ce sont eux qui doivent déployer des solutions complexes pour lutter contre les fraudes et les arnaques. Mais ces mesures ne sont pas sans faille, et les pertes restent considérables. On estime ainsi à 464 millions d’euros le montant des fraudes à la carte bancaire pour la seule année 2022, en France. La BCE aimerait assurer une partie de cette sécurité des paiements numérique, en développant sa propre expertise, en gagnant encore une fois en souveraineté.

En outre, l’euro numérique ne repose pour l’instant sur aucun concept de “blockchain”, comme il avait pu être présenté au départ. Mais il a néanmoins vocation à concurrencer les cryptomonnaies, vues comme la première tentative de rendre le cash “digital”. Mais ces crypto-actifs comme préfère l’appeler la Banque de France, sont jugées bien trop volatiles. Surtout, elles échappent encore largement aux tentatives de régulation par les pouvoir publics.

6) Freiner l’usure

Une grande innovation de l’euro numérique -que ne permet pas l’euro fiduciaire- c’est le concept de programmabilité de l’argent. Les CBDC pourraient ainsi introduire des mécanismes qui pénalisent ceux qui ne dépensent pas leur argent. Cela, afin d’empêcher la thésaurisation, c’est-à-dire le fait de garder l’argent et d’en tirer profit via les intérêts. Certains bitcoiners y verront sûrement une menace. Pourtant, c’est aussi un concept qui pourrait corriger les dérives du système monétaires actuels. L’ancien trader Anice Lajnef souligne en effet que le système financier actuel crée des inégalités en imposant des taux d’intérêt différents pour les riches et les pauvres. Une injustice qui renforce mécaniquement les disparités sociales.

Pièce de monnnaie en euro.

Or, si on programme l’argent de manière à ce qu’il y ait une incitation à le dépenser au lieu de le stocker, ce serait un changement majeur. C’est d’ailleurs ce qui est expérimenté via certaines monnaies locales. C’est le cas du Sol Violette qui perd 2 % de sa valeur à chaque trimestre, incitant les utilisateurs à dépenser rapidement leurs billets. L’euro numérique serait un outil intéressant, contrairement aux adeptes de la déflation, qui a ses propres problèmes. En fait, plusieurs monnaies avec plusieurs philosophies différentes peuvent très bien co-exister : les monnaies-dettes, les monnaies déflationnistes comme le bitcoin ou les monnaies programmables comme l’euro numérique.

7) L’euro numérique, un complément à l’argent liquide (et au bitcoin)

L’arrivée annoncée de l’euro numérique menace-t-elle vraiment l’existence des espèces ? En vérité, le cash est encore très solide et reste largement utilisé à travers l’Europe. En effet, l’euro numérique n’a pas vocation à remplacer tous les autres moyens de transactions actuels. Jeanne Lazarus, sociologue de l’argent, rappelle que “toutes les monnaies sont vouées à coexister, qu’elles soient matérielles ou électroniques. L’euro numérique ne signera pas la fin du cash”. Ainsi, malgré les craintes légitimes, le cash ne devrait pas disparaître. L’Histoire nous le montre : les pièces de monnaies, le billet de banque, la carte bleue, le smartphone… tous ces moyens de paiements s’additionnent sans s’annuler.

Les moyens de paiements se succèdent et se superposent : ils ne s’annulent pas.

L’idée de l’euro numérique, c’est donc d’avoir le choix. Le choix entre les espèces, la carte bancaire, voire les cryptomonnaies, avec une CBDC qui offrira de nouvelles possibilités. Aujourd’hui, la ligne est claire : “Cash or digital, your choice”, comme le martèle régulièrement Christine Lagarde.
Concernant l’anonymat, la BCE, écrit que cette monnaie digitale devra être une privacy by design. Faut-il prendre ces déclarations pour argent comptant ? Une méfiance légitime semble tout de même de mise. D’autant qu’à long terme, tout peut arriver. On peut par exemple imaginer qu’utiliser l’euro numérique donnerait droit à des avantages. Ou plutôt, que de ne pas l’utiliser désavantagerait l’usager…

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Martin

Fasciné par l'histoire du Bitcoin et le mouvement cypherpunk, je pense que les citoyens doivent réinvestir le champ de la monnaie. Mon but ? Démocratiser et rendre visible le potentiel de la blockchain et des cryptomonnaies.

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