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Actions, or, bitcoin : les marchés en repli

dim 21 Août 2022 ▪ 13 min de lecture ▪ par Thomas A.

Après les minutes de la FED cette semaine, et un certain rebond des marchés, ces derniers jours ont marqué une rechute assez brutale des cryptomonnaies, de l’or, et en partie des indices. Le bitcoin (BTC) a cédé plus de 10 %. Aussi, le CAC 40 a enregistré sa première semaine en baisse après 6 périodes hebdomadaires consécutives dans le vert. Désormais, l’heure est à la stabilisation. Malgré tout, les positions vendeuses atteignent de nouveaux records. Lors du FOMC, le comité de politique monétaire a précisé qu’il deviendrait approprié de réduire progressivement le rythme de hausse des taux. Cette perspective rejoint non seulement notre précédente analyse du taux neutre (Recul de l’inflation : Les marchés saluent ! – Cointribune). Mais elle conforte aussi l’idée d’un certain retour progressif de la visibilité économique d’ici le courant de l’année 2023… On s’attachera ici à décrypter les perspectives macroéconomiques récentes ainsi que les phénomènes de marché sur l’or, les actions et le bitcoin.

Politique monétaire : la FED entrevoit la sortie du tunnel

Dans son rapport du Federal Open Market Committee (FOMC), la FED a rappelé cette semaine le recul effectif de l’inflation. Pour rappel, l’inflation a reculé sur un mois de 0,6 points aux Etats-Unis en juillet. Ce recul, certes modéré, a pourtant été porté par la diminution notable du prix des énergies et des transports. De toutes évidences, la politique monétaire reste aujourd’hui encadrée par plusieurs éléments.

  • Tout d’abord, la FED cherche à maintenir une hausse du taux d’intérêt suffisamment restrictive à court terme… « Malgré cela, l’inflation étant élevée et devant le rester à court terme, certains participants ont souligné que le taux réel des fonds fédéraux serait probablement encore inférieur aux niveaux neutres à court terme après la hausse du taux directeur de cette réunion. »
  • Ensuite, la FED cherche à préserver la stabilité de l’emploi et un objectif de réduction de l’inflation. Dans un contexte de récession technique (Les cryptomonnaies face à la récession… – Cointribune), il devient évident que le marché de l’emploi est menacé par un ralentissement d’activité. Dès lors, avec le maintien de l’emploi, et la réduction possible de l’inflation, la hausse des taux pourrait ralentir. « Les participants ont estimé qu’à mesure que l’orientation de la politique monétaire se resserrerait, il deviendrait probablement approprié à un moment donné de ralentir le rythme des hausses des taux directeurs tout en évaluant les effets des ajustements cumulatifs de la politique monétaire sur l’activité économique et l’inflation. »

Dans ce scénario optimiste, nous devons pourtant souligner le temps nécessaire pour retrouver une stabilité de l’inflation. En ce sens, les perspectives énoncées par la FED ne sont pas à l’abri d’une nouvelle crise économique ou politique soudaine.

Stabilisation ou rechute des marchés ?

Malgré le rebond récent des marchés, les positions baissières des fonds d’investissement sont record. D’après CNBC, les positions vendeuses des fonds atteignent l’équivalent de 107 milliards de dollars pour le S&P 500. En d’autres termes, la prudence est maximale chez les acteurs de la finance mondiale. Le fait qu’il n’y ait pas de crise de liquidité majeure, ou de signe de reprise économique avec une moindre inflation, laisse ouvert tous les scénarios.

Traditionnellement, on remarque qu’il y a une excellente symétrie entre la variation récente des marchés d’une part, et la variation passée de certaines périodes d’autre part. Cependant, les indications du passé ne sont pas suffisantes pour nous donner une idée des variations à venir. En juin 2022, on pouvait mettre en avant un indice cyclique qui faisait la moyenne de toutes ces phases passées. Le graphique ci-dessous illustre cet indice des cours passés du CAC 40. Nous sommes actuellement proche de 24 % du graphique.

Indice cyclique du CAC 40. C’est la moyenne de l’ensemble des périodes de 3,5 ans depuis 1990. Source : Cyclicité du CAC 40 (boursedirect.fr).

Dans un scénario « normal », on assisterait à des risques baissiers jusqu’en septembre, avant une potentielle reprise du mouvement observé ces dernières semaines. Cependant, il n’y aurait pas de reprise haussière marquée avant 8 mois à 9 mois toujours dans ce même scénario. Néanmoins, la force de la pression vendeuse, et l’importance des chiffres économiques à venir, justifie la prudence des fonds. La rentrée devrait ainsi nous donner un meilleur éclaircissement des tendances à venir. En outre, le risque d’un bear market durable et puissant, voire d’un krach, n’est pas exclu par certains analystes.

Les cryptomonaies et bitcoin (BTC) en baisse

En dépit d’un rebond de plus de 30 % entre mi-juin et mi-août, le bitcoin (BTC) semble désormais retester des zones de support. Sur l’espace d’une semaine, le Bitcoin a chuté de plus de 12 %. En effet, dès le début du mois de juin, nous avions identifié un objectif baissier majeur sur la zone des 20 000$ à 22 000$ (Bitcoin (BTC) : la méthodologie de Hurst en analyse technique (2) – Cointribune). De ce fait, il est probable que le puissant rebond de l’été ait validé une première pause dans la tendance baissière. En outre, le contexte économique semble également renforcer cette hypothèse.

La véritable question qui advient chez les investisseurs est donc de savoir si le bitcoin (BTC) est en phase d’accumulation ? En effet, la faiblesse des volumes de bitcoins échangés depuis juin ne renforçait pas l’hypothèse d’un rebond durable. Mais dans le même temps, des indicateurs majeurs confirment la validité technique de ce mouvement. (Lire plus Bitcoin : 8 indicateurs à connaître qui précèdent un plus bas (cafedelabourse.com)).

Désormais, le bitcoin (BTC) a effacé en quelques jours l’équivalent de plus de 50 % du rebond déclenché en juin. Ainsi, trois scénarios se détachent :

  • Premièrement, le retour sur le support des 20 000$ par exemple marquerait la formation d’un potentiel double bottom d’ampleur mensuel. Cela projetterait le bitcoin (BTC) au-delà des 28 000$ par la suite par objectif technique. Mais cette perspective de forte reprise haussière mettrait de nombreux mois pour se former.
  • Deuxièmement, la cassure des supports autour et sous 20 000$. Dans ce cas, nous aurions à faire à une configuration de poursuite du mouvement correctif. Ce scénario interviendrait cependant à l’encontre de la cyclicité de court terme.
  • Enfin, un scénario de stagnation du cours du bitcoin (BTC) entre 20 000$ et 24 000$ globalement. Cette zone neutre pourrait confirmer la sortie progressive de la tendance baissière à moyen terme. Cependant, l’impulsion pourrait être insuffisante dans ce scénario (désintérêt des acteurs du marché).

L’or suit la correction des marchés

Tout comme le bitcoin, l’or a été emporté dans une rapide correction. Sur les deux premières semaines de juillet, l’or a chuté de plus de 5 %. Malgré un timide rebond ensuite, l’or a suivi le même mouvement que le bitcoin cette semaine. On sait que l’or et le bitcoin ont des comportements assez différents, mais leur synchronisation en période d’inflation mérite d’être soulignée. Comment expliquer ce mouvement, alors que l’inflation est au plus haut ?

Tout d’abord, il y a une explication structurelle. La demande d’or a chuté de plus de 8 % sur un an. En particulier, le World Gold Council (WGC) rapporte un fort déclin de la demande d’investissement. De l’autre côté, l’offre minière d’or progresse de plus de 4 % sur un an. Il en résulte, inévitablement, une contraction du cours de l’or. Le fait que l’or soit en baisse malgré la récession technique démontre aussi l’importance des liquidités disponibles pour les acheteurs d’or.

Enfin, nous devons souligner une remarque importante. Comme pour la zone des 20 000$ sur le bitcoin, l’or suit un support majeur autour des 1 700$ (1 680$). Dans certains rapports internes à plusieurs banques, certaines compagnies minières auraient, à l’heure actuelle, des difficultés à vendre avec rentabilité un or dont le prix est inférieur à 1 700$ (Compagnies minières : quels comportements face à l’or ? | Or.fr). Et effectivement, il ressort que la zone des 1 700$ agit comme un support depuis près de 18 mois.

En euros, l’or est resté stable sur le mois et progresse même légèrement depuis début août (+0,8 %). En effet, les marchés s’inquiètent aussi de la situation en zone euro. L’euro s’est affaibli significativement cette semaine et demeure proche de nouveaux plus bas historiques.

L’inquiétant affaiblissement de l’euro (EUR)

8,9 % d’inflation en zone euro en juillet (contre 8,6 % en juin). Malgré la hausse très prononcée des prix, la BCE ne montre pas la même rigueur que la banque centrale américaine. Le taux directeur de la BCE s’établit à +0,5 % en juillet, contre 2,5 % pour la FED. Un écart de 200 points de bas base scinde les deux premières économies mondiales. Qu’est-ce qui explique un tel écart ? Pourquoi, malgré une inflation aussi forte, la BCE ne réagit pas plus fortement ? En outre, il est important de préciser que la BCE n’a pas dans les prérogatives de son mandat la stabilité de l’emploi.

En conséquence, l’euro a cédé sur la semaine un peu plus de 2 %, ce qui projette l’euro vers un potentiel nouveau plus bas historique. Cependant, certains signaux de rebond de court terme pourraient apparaître. En effet, la balance commerciale allemande est apparue revenir en positif en juin à 6,4 Mds€. A l’inverse, la France a enregistré un nouveau record de déficit commercial à -13,1 Mds€ pour le seul mois de juin 2022. La tendance pour l’euro demeure cependant très négative à long terme. En effet, comme nous le soulignions, l’euro est en proie aux déficits commerciaux à la défaillance du système bancaire. « Réunion d’urgence » de la BCE : existe-t-il un risque pour l’euro ? – Cointribune.

Balance commerciale française. Source.

Comme le souligne l’économiste Patrick Artus dans une note récente, « la BCE aura beaucoup de mal à réduire l’inflation tant que la demande de la zone euro est soutenue par la politique budgétaire ». Le poids des dettes publiques et des dépenses publiques en zone euro est trop grand pour supporter une politique monétaire restrictive.

En conclusion

En définitive, cette semaine a renforcé une prudence soutenue sur les marchés. Le rapport de la FED a confirmé notre scénario de rapprochement du taux neutre. Dès lors, la FED entrevoit désormais la perspective de hausses de taux plus faibles. Mais l’incertitude sur les marchés reste très grande. Les positions vendeuses des fonds ont atteint un niveau record. Ces positions confirment une première semaine de baisse après plus d’un mois et demi de hausse des marchés.

Ainsi, le bitcoin (BTC) a cédé plus de 10 % en l’espace de quelques jours. Ce mouvement confirme un repli puissant, mais insuffisant, pour remettre en question la stabilisation à moyen terme des cours. Ainsi, ce repli du cours du bitcoin confirme une tendance neutre, alternant entre rebonds sans volumes, et corrections. Les cryptomonnaies pourraient ainsi jouer un rôle précurseur dans la tendance probable que nous observerons à la rentrée.

Mais la contagion baissière touche également l’or. La prudence des investisseurs et le manque de liquidités marque effectivement le repli de la demande d’investissement. Dans le même temps, la force de l’offre renforce l’importance du seuil des 1 700$ l’once. En euros, l’or poursuit néanmoins sa performance. En effet, l’affaiblissement de l’euro se poursuit. La présence de politiques budgétaires irréversibles, et d’absence de lutte forte contre l’inflation de la part de la BCE, et les mauvais chiffres économiques, propulsent l’euro proche de plus bas historiques. Dans tous les cas, la prudence sur les marchés atteint un maximum et un signal de tendance devrait logiquement naître dans les prochaines semaines. L’ampleur des mécaniques économiques et financières actuelles pourrait avoir des conséquences majeures et brutales sur les marchés.

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Thomas A.

Auteur de plusieurs livres, rédacteur économique et financier sur plusieurs sites, je noue depuis de nombreuses années une véritable passion pour l'analyse et l'étude des marchés et de l'économie.

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Les propos et opinions exprimés dans cet article n'engagent que leur auteur, et ne doivent pas être considérés comme des conseils en investissement. Effectuez vos propres recherches avant toute décision d'investissement.