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Biométrie et CBDC : Un pas en avant pour la technologie, deux pas en arrière pour les libertés ?

ven 11 Août 2023 ▪ 8 min de lecture ▪ par Luc Jose A.
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La technologie autour des finances évolue à vitesse grand V. Cette dynamique a ouvert la voie à de nouvelles formes de paiements. Parmi celles-ci, les monnaies numériques de banque centrale (MNBC) ou (CBDC) dont l’utilisation implique le recours aux données biométriques des utilisateurs. Selon les tenanciers de ce projet, l’usage des données biométriques devrait favoriser les transactions financières plus rapides, efficaces et sécurisées. Mais selon l’avis de plusieurs experts, cette option est plus que préoccupante, notamment en raison de ses effets pervers. La promesse d’une amélioration des opérations serait une mascarade bien enrobée visant à priver les citoyens de leur liberté financière. Ce risque est au cœur des préoccupations, mais aussi des polémiques suscitées par ce programme prétendument révolutionnaire. Les arguments des détracteurs de la CBDC sont-ils raisonnablement valables ? C’est à cette question que le développement qui va suivre tentera de répondre. Il sera notamment question d’examiner le bien-fondé des préoccupations que les projets de CBDC soulèvent. Nous verrons également comment l’usage des informations biométriques pourrait potentiellement compromettre la vie privée et la sécurité des données des individus.

Image CBDC

CBDC et usage des données biométriques : un mariage plus qu’intéressé ?

Récemment, Sam Altman, le CEO de la société d’intelligence artificielle OpenAI, a lancé un projet crypto. Dénommé Wordcoin (WDC), l’initiative du concepteur de ChatGPT se présente comme révolutionnaire par rapport à l’offre crypto disponible. Ceci, parce qu’il exploite les données biométriques de ses utilisateurs.

Wordcoin a suscité un franc succès auprès des utilisateurs qui se comptent par millions à travers le monde. Pourtant, des préoccupations autour de son fonctionnement ont rapidement émergé. D’abord au Royaume-Uni, puis en France.

Les régulateurs financiers de ces deux pays européens sont inquiets au sujet des données biométriques dont la compagnie reconnaît la collecte et l’utilisation. Ceci, en échange de cryptos ou d’une carte d’identité biométrique.

Ces préoccupations réglementaires font en fait écho à celles soulevées par de nombreux experts financiers et technologiques. Selon eux, le projet Wordcoin est concrètement une CBDC déguisée. L’initiative présenterait, d’après eux, des risques accrus pour la protection des données à caractère personnel.

Ce que les détracteurs disent au fond, c’est que les avantages dont se targuent les CBDC ne sont qu’un appât vers l’asservissement financier. Est-ce vraiment le cas ? Il est intéressant de voir comment fonctionne une CBDC pour y répondre.

Une MNBC ou CBDC, qu’est-ce exactement et quels en sont les risques ?

Les monnaies numériques des banques centrales (MNBC) ne sont pas du tout des cryptos. Elles constituent des formes numériques de la monnaie traditionnelle habituellement émise par une banque centrale étatique. Cette dernière garantit sa régulation conformément à ces prérogatives qui lui sont assignées par les lois financières nationales.

Bien qu’elles constituent une évolution majeure du paysage financier global, leur lien avec une banque, fût-elle centrale, est un gros problème. Ceci parce qu’elle est sujette à un lien de dépendance, puisque émise et régulée par une institution financière. Ce, avec toutes les possibilités que cela implique en termes de contrôle. Or, c’est exactement ce contrôle qui, en général, est arbitraire, que les cryptos travaillent à contourner.

C’est ce contrôle monétaire et bancaire accru qui rend les projets de CBDC impopulaires dans l’opinion publique. Pourquoi cela ? Parce qu’en fait, l’expression de ce contrôle se trouve dans l’adossement des CBDC à la monnaie fiduciaire existante. Il est vrai que ce mécanisme fournit aux citoyens une alternative numérique à la monnaie fiat.

Les promoteurs de ces projets défendent en plus l’idée d’une meilleure efficacité monétaire. Une pertinence qui a d’ailleurs l’avantage de réduire les risques de fraude liés aux paiements. Cela grâce à une meilleure traçabilité des transactions.

En un mot, les CBDC seraient structurellement conçues comme un quitus pour les États et les institutions financières. Ceux-ci pourraient alors surveiller plus étroitement les transactions et les flux financiers. Une surveillance qui pourrait bafouer le droit des utilisateurs à une vie privée et à la liberté financière.

En fin de compte, les experts estiment que les risques des CBDC sur les individus sont tels qu’il faut en abandonner la mise en œuvre. À défaut, ces mesures strictes pour la protection de la vie privée sont nécessaires.

Faut-il jeter les projets de CBDC avec l’eau de leur bain ?

Les préoccupations autour des paiements effectués avec des CBDC peuvent être recevables sur la base des raisons évoquées précédemment. Pour autant, faut-il s’en débarrasser comme le suggèrent nombre d’analystes et d’experts ? La réponse pourrait être négative.

En effet, d’autres options peuvent être prises en compte. Cela implique alors de considérer également des contre-arguments ainsi que des mesures qui peuvent potentiellement atténuer les risques liés à la mise en œuvre des CBCD.

Concrètement, les inquiétudes concernant la vie privée et sa protection pourraient être amoindries. Ceci, en mettant en œuvre une régulation stricte et claire à cet effet. Les États ont toujours la possibilité d’imposer des protocoles de sécurité robustes. Un choix qui pourrait garantir que les informations biométriques ne soient pas exploitées à des fins malveillantes.

Dans cet ordre d’idées, des lois sur la protection des données personnelles pourraient en limiter la collecte excessive. Une option qui pourrait s’étendre au partage, non autorisé, d’informations personnelles liées aux transactions CBDC.

La concrétisation de ces possibilités devrait néanmoins être inclusive. Ainsi, une consultation des parties prenantes, particulièrement les citoyens et les experts en cybersécurité, serait particulièrement utile.

Pour se faire, les gouvernements pourraient envisager des mécanismes de consentement éclairé pour l’utilisation des données biométriques collectées. Ce qui permettrait aux individus de contrôler la manière dont leurs données sont concrètement utilisées. Si de tels choix sont opérés, un équilibre entre progrès technologique et protection des droits individuels pourrait alors être trouvé. La grande question reste de savoir si ces pistes seraient explorées. Ce qui, dans l’état actuel des choses, n’est pas vraiment certain.

Conclusion

En définitive, les paiements impliquant les CBDC et la biométrie proposent des avantages prometteurs. Ils soulèvent toutefois des questions sur la vie privée, la surveillance et les droits individuels. Avec une réglementation adaptée, un certain équilibre peut être trouvé entre innovation et protection des données individuelles. Les craintes d’un asservissement financier pourraient alors se dissiper. Surtout si une stratégie pertinente, maximisant les avantages tout en minimisant les risques, est appliquée. En attendant, des échanges sont nécessaires pour créer un avenir financier, numérique, sécurisé et respectueux des libertés individuelles.

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Luc Jose A.

Diplômé de Sciences Po Toulouse et titulaire d'une certification consultant blockchain délivrée par Alyra, j'ai rejoint l'aventure Cointribune en 2019. Convaincu du potentiel de la blockchain pour transformer de nombreux secteurs de l'économie, j'ai pris l'engagement de sensibiliser et d'informer le grand public sur cet écosystème en constante évolution. Mon objectif est de permettre à chacun de mieux comprendre la blockchain et de saisir les opportunités qu'elle offre. Je m'efforce chaque jour de fournir une analyse objective de l'actualité, de décrypter les tendances du marché, de relayer les dernières innovations technologiques et de mettre en perspective les enjeux économiques et sociétaux de cette révolution en marche.

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