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Bitcoin & géopolitique - Semaine 13

mer 29 Mar 2023 ▪ 11 min de lecture ▪ par Nicolas T.
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Les États-Unis commencent à s’affoler de voir le reste du monde s’écarter du dollar. La guerre proxy en Ukraine et les tensions avec la Chine se muent en fronde globale contre le billet vert.

dollar

Petroyuan

Le premier grand coup de semonce est venu de Riyad en fin d’année dernière. Le président chinois s’était rendu dans la capitale saoudienne pour un sommet avec les 21 pays de la ligue arabe.

Xi Jinping y avait invité l’OPEP à ne plus vendre son pétrole exclusivement en dollar, mais aussi en yuan. Requête acceptée. Le ministre de l’Énergie saoudien annoncera dans la foulée à Davos que son pays accepterait désormais le yuan et l’euro.

Même le Kenya vient d’annoncer avoir obtenu l’autorisation d’acheter le pétrole saoudien et émirati dans sa propre monnaie. D’autres pays devraient faire une telle annonce incessamment sous peu.

Sergei Lavrov n’est pas étranger à cette révolte monétaire. Le ministre des Affaires étrangères russes avait en effet déclaré le 24 juillet 2022 au Caire devant la ligue arabe :

« De plus en plus de pays envisagent de régler leurs échanges commerciaux dans d’autres monnaies que le dollar. […] Le commerce entre la Russie et les pays de la ligue arabe ont augmenté considérablement, atteignant plus de 20 milliards de dollars. Peut-être que la prochaine fois, nous compterons dans une autre monnaie, et non plus en dollars. »

Sergei Lavrov avait dit en essence exactement la même chose devant les 55 États de l’Union africaine quatre jours plus tard. Ces déclarations ont, semble-t-il, obtenu un écho favorable puisque les chefs d’État de quarante pays africains se sont déplacés à Moscou la semaine passée.

De manière plus cruciale, Xi Jinping était aussi de la partie pour apporter son soutien à Vladimir. Le président russe lui a renvoyé l’ascenseur en se disant être « en faveur d’échanges payés en yuan entre la Russie, les pays d’Asie, d’Afrique et d’Amérique Latine ».

Le tsar en a rajouté une couche ce dimanche 26 mars :

« Ils [les États-Unis] scient la branche sur laquelle ils sont assis – je le répète – en limitant l’utilisation du dollar sur la base de considérations momentanées et de nature politique. Ils se nuisent à eux-mêmes, et nous pourrions même ajouter qu’ils se tirent une balle dans le pied.

Nous voudrions utiliser le dollar, mais ils ne nous le permettent pas. Comment pouvons-nous effectuer des paiements ? Dans une monnaie acceptable pour nos partenaires. Le yuan est l’une de ces monnaies, d’autant plus qu’il est utilisé par le Fonds monétaire international.

Savez-vous que les pays du Moyen-Orient ont annoncé vouloir vendre leur pétrole en yuan ? Nous allons progressivement étendre cette pratique et élargir l’utilisation des monnaies fiables. »

En janvier, la banque centrale chinoise a réduit ses détentions de dette américaine pour le sixième mois consécutif. La Chine ne possède plus que 859 milliards de dollars. Au plus bas depuis mai 2010.

La Chine reste le deuxième plus grand détenteur de bons du Trésor après le Japon (1 104 milliards de dollars). Mais probablement plus pour longtemps. Bloomberg rapporte par ailleurs que les banques centrales liquident leurs avoirs en titres du Trésor au rythme le plus rapide depuis neuf ans.

Ce grand débarras s’observe clairement dans les chiffres du FMI. Les réserves de change en dollars ne cessent de décliner depuis le début de la guerre en Ukraine. Elles sont passées de 7 092 milliards de dollars à 6 441 milliards à la fin du troisième trimestre 2022. Soit une baisse de 10 %.

Si bien que les Américains commencent vraiment à s’inquiéter. La tension est palpable sur CNN.

« Une situation sans précédent »

Traduction :

« Le résultat le plus intéressant de la rencontre de trois jours entre Xi Jinping et Vladimir Poutine n’a reçu qu’une attention limitée de la part des médias. Mais M. Poutine a déclaré : « Nous sommes favorables à l’utilisation du yuan chinois pour les règlements entre la Russie et les pays d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine ».

Ainsi, la deuxième économie mondiale et le plus grand exportateur d’énergie au monde tentent activement d’affaiblir la domination du dollar qui est l’amarre du système financier international. Y parviendront-ils ?

Le dollar est le dernier super-pouvoir de l’Amérique. Il confère à Washington une puissance économique et politique inégalée. Il permet d’imposer unilatéralement des sanctions contre certains pays et de les exclure de la majeure partie de l’économie mondiale. En outre, les États-Unis peuvent dépenser librement, certains que leur dette sera rachetée par le reste du monde.

La guerre en Ukraine, combinée à l’approche de plus en plus conflictuelle de Washington à l’égard de la Chine, a créé une tempête parfaite dans laquelle la Russie et la Chine accélèrent leur diversification pour s’éloigner du dollar. Leurs banques centrales conservent une part moins importante de leurs réserves en dollars et la plupart des échanges entre les deux pays sont réglés en yuans. Les deux pays s’efforcent également de convaincre d’autres pays de suivre leur exemple. […]

Si Xi Jinping voulait causer du tort à l’Amérique, il libéraliserait son secteur financier et ferait du yuan un véritable concurrent du dollar, mais cela l’obligerait à ouvrir ses marchés, ce qui est à l’opposé de ses objectifs nationaux actuels.

Cela dit, l’utilisation du dollar comme un arme par Washington au cours de la dernière décennie a conduit de nombreux pays importants à chercher des moyens de s’assurer qu’ils ne subiront pas le même sort que la Russie.

Les chiffres sont révélateurs. La part du dollar dans les réserves mondiales des banques centrales est passée d’environ 70 % il y a 20 ans à moins de 60 % aujourd’hui. Et elle ne cesse de diminuer.
Les Européens et les Chinois tentent de mettre en place des systèmes de paiement internationaux en dehors de la zone dominée par le dollar. L’Arabie saoudite a envisagé de fixer le prix de son pétrole en yuans. L’Inde règle la plupart de ses achats de pétrole à la Russie dans des devises autres que le dollar.

Les CBDC pourraient constituer une autre solution, et la banque centrale chinoise en a d’ailleurs créé une. Ces dernières années devraient nous faire comprendre que de plus en plus de nations sont prêtes à payer un prix pour que leurs objectifs politiques l’emportent. […]

L’auteur et investisseur Ruchir Sharma souligne que « pour la première fois de mémoire d’homme, nous sommes confrontés à une crise financière internationale au cours de laquelle le dollar s’est affaibli au lieu de se renforcer. Je me demande si c’est un signe avant-coureur ». […]

Les hommes politiques américains ont pris l’habitude de dépenser sans se soucier des déficits. La dette publique américaine a presque quintuplé, passant d’environ 6500 milliards de dollars il y a vingt ans à 31500 milliards de dollars aujourd’hui.

La Fed a résolu une série de crises financières en augmentant massivement son bilan, qui a été multiplié par près de 12. Il est passée d’environ 730 milliards de dollars à 8700 milliards aujourd’hui. Tout cela tient debout grâce au statut unique du dollar. Si ce statut venait à disparaître, l’Amérique serait confrontée à une situation sans précédent. »

Hyperinflation en vue sur Fox News

Le ton est encore plus alarmiste sur Fox News où l’on prédit une inflation monstre si les économies émergentes cessent d’utiliser le dollar :

Traduction :

« L’abandon du dollar américain en tant que monnaie de réserve mondiale serait catastrophique. Le dollar est une valeur sûre depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Pour plusieurs raisons. À l’origine, le dollar était garanti par l’or. Mais le président Nixon nous a retirés de l’étalon-or, de sorte que le dollar n’est plus couvert depuis 50 ans.

Le dollar a ensuite été soutenu par la puissance économique des États-Unis et le fait que le pétrole ait toujours été vendu en dollars. Si cela devait cesser, cela signifierait la fin du dollar. Avoir la monnaie de réserve mondiale est un privilège dont nous avons abusé par des politiques monétaires et fiscales imprudentes […].

Nous sommes à un moment charnière. Si l’Arabie Saoudite cesse de vendre son pétrole en dollars, […] nous serons confrontés à une inflation galopante, à l’image de la République de Weimar. Si vous croyez que l’inflation d’aujourd’hui est grave, attendez un peu. […] Cela signifierait une inflation galopante, bien pire que tout ce que nous avons connu.

Ils viendront alors à la rescousse en introduisant les CBDC. Les États-Unis ont déjà mis en place un programme pilote. S’ils le lancent, cela signifie la fin de notre liberté économique individuelle. Le gouvernement aura un accès et un contrôle total sur tout ce que vous achetez et vendez. Il pourra vous désactiver d’un claquement de doigt. »

Votre serviteur ne saurait mieux dire. La fin du « privilège exorbitant » forcera les États-Unis à résorber leur déficit commercial chronique sous peine d’un effondrement du taux de change du dollar. La baisse des importations se traduira par de l’inflation et une diminution drastique du niveau de vie des Américains.

Concernant la CBDC, oui, cette monnaie dystopique a certainement pour intention inavouée de rationner la population afin de garder l’inflation sous contrôle.

Terminons avec les derniers mots de Xi Jinping adressés à Vladimir Poutine  : « Le changement qui s’annonce n’a pas eu lieu depuis plus de 100 ans et nous sommes les moteurs de ce changement ».

Désormais, la grande question concerne la monnaie dans laquelle chinois et américains vont finir par commercer ? Les États-Unis n’accepteront jamais le yuan. Une nouvelle monnaie de réserve devra émerger. L’or ? Non, le Bitcoin.

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Nicolas T.

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