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Israël attaqué, le pire reste à venir

lun 09 Oct 2023 ▪ 17 min de lecture ▪ par Satosh
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Samedi, le Hamas a lancé une attaque surprise contre Israël, traversant la frontière depuis Gaza et s’emparant des villes voisines. Des scènes terribles où des soldats du Hamas emmenant des civils israéliens à Gaza ont proliféré sur Internet. Israël a réagi en déclarant l’état de guerre. Les combats entre les deux camps promettent d’être plus destructeurs et sanguinaires que tout ce que l’on a connu récemment.

Paysage au Moyen Orient

Pourquoi le Hamas a-t-il attaqué Israël ?

Certains politologues ont analysé cette attaque comme une tentative de perturber la possibilité d’un accord de paix israélo-saoudien, que les États-Unis ont tenté de faciliter. Un tel accord, qui serait une continuation du processus des « Accords d’Abraham » initié sous Trump, rendrait plus difficile pour le Hamas d’obtenir de l’argent des bienfaiteurs saoudiens.

Pour rappel, ces les accords d’Abraham signés entre Israël et les Émirats arabes unis, ainsi que le Bahreïn sont une tentative de normaliser les relations diplomatiques au Moyen Orient.

Le rapprochement entre Israël et l’Arabie saoudite signifierait également que toutes les grandes puissances arabes sunnites reconnaissent l’État d’Israël.

Le Hamas ne serait alors plus qu’une antenne locale de l’Iran chiite.

Si le Hamas parvient à faire échouer un accord israélo-saoudien, cela portera un coup au prestige des États-Unis et à leur prétention à exercer une influence pacificatrice. Mais même si l’accord israélo-saoudien finit par être conclu, cette attaque démontre que les États-Unis sont de moins en moins capables de dissuader les conflits dans le monde entier.

Le facteur psychologique

Au-delà de ces facteurs conjoncturels, il y a bien entendu des causes structurelles, de nature psychologique : la frustration d’un présent médiocre (en raison des blocages économiques), et pourtant la sensation de détenir la Vérité et donc d’être supérieurs moralement.

Lorsqu’un peuple est animé par la puissance d’une vérité religieuse, mais que son présent est détestable, il ne reste plus qu’une chose à faire : s’affranchir de ce présent honteux. À n’importe quel prix. Y compris celui du sacrifice.

La foi, mêlée au nationalisme et à la frustration est un cocktail explosif. Et le Hamas est le réceptacle de cette frustration palestinienne.

Le Hamas est avant tout un refuge aux anxiétés des palestiniens.

Bande de Gaza

Le ramollissement des Etats-Unis

Ce n’est le seul conflit interétatique qui ait éclaté récemment. Ces dernières semaines, l’Azerbaïdjan a pris des mesures pour récupérer entièrement le territoire du Haut-Karabakh, ce qui a poussé 120 000 Arméniens à fuir pour sauver leur vie.

L’Azerbaïdjan a vaincu l’Arménie lors d’une guerre en 2020 et a pris le contrôle officiel du Haut-Karabakh, mais la Russie est intervenue et a empêché toute nouvelle violence. Avec l’affaiblissement de la puissance russe, l’Arménie a tenté de se tourner rapidement vers les États-Unis, mais cela n’a pas suffi à empêcher le nettoyage ethnique de l’Azerbaïdjan.

Pendant ce temps, la Serbie renforce ses troupes à sa frontière avec le Kosovo, dont l’indépendance est contestée depuis que les États-Unis sont intervenus contre la Serbie dans les années 1990. Les États-Unis et certains de leurs alliés reconnaissent le Kosovo comme indépendant de la Serbie, mais la Serbie, la Russie, la Chine et quelques autres pays européens ne le reconnaissent pas.

Ce ne sont là que quelques signes de l’effritement de l’ordre mondial.

Autrefois, les Etats-Unis était le gendarme du monde, capable d’intervenir n’importe où sur la planète pour maintenir un certain ordre. Mais c’est de moins en moins le cas, car le monde devient multipolaire. D’où la multiplication des conflits depuis quelques années : la multipolarité va avec le chaos.

Les Américains ne sont plus capables de maintenir l’ordre

Après la fin de la guerre froide, le nombre de décès dus à des conflits interétatiques (guerres entre pays, conquêtes impériales, interventions de pays dans des guerres civiles) a diminué de façon spectaculaire.

Les guerres civiles sans intervention étrangère substantielle sont très courantes, elles n’ont pas tendance à tuer beaucoup de monde. C’est lorsque les pays envoient leurs armées se battre au-delà de leurs frontières que les grandes vagues de destruction se produisent habituellement.

Et pendant près de 70 ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, cela s’est produit de moins en moins souvent. C’est ce que les historiens appellent la Longue Paix. Le niveau le plus bas de conflits interétatiques a été atteint en 1989, après l’effondrement de l’URSS, lorsque les États-Unis sont devenus la seule superpuissance mondiale.

Les historiens ont de nombreuses théories sur les raisons de cette longue période de paix. La théorie de la paix démocratique affirme que les pays se sont moins battus parce que leurs populations ont soumis leurs dirigeants à un contrôle plus strict.

La théorie de la paix capitaliste affirme que l’expansion du commerce mondial et des liens financiers a rendu la guerre moins attrayante sur le plan économique. Il est aussi possible que les pays riches soient plus comblés sur le plan matériel et donc moins enclins à se battre. Les Nations unies et d’autres organisations internationales peuvent également avoir atténué les conflits.

Multipolarité et chaos

Toutefois l’explication la plus simple de cette longue période de paix est que la puissance américaine a maintenu la paix. Si des pays envoyaient leurs armées dans d’autres pays, il y avait toujours la possibilité que l’Amérique et ses alliés interviennent pour les arrêter.

Les Etats-Unis sont en effet intervenus en Corée en 1950, durant la guerre du Golfe en 1991, de la Bosnie en 1992, du Kosovo en 1999. La puissance soviétique a également aidé occasionnellement, comme lorsque l’URSS a aidé l’Inde à intervenir pour mettre fin au génocide bangladais en 1971.

L’éclatement des conflits interétatiques à la fin des années 60 et au début des années 70 correspond assez bien à la théorie du gendarme Américain. Les États-Unis étaient absorbés par la guerre du Viêt Nam au cours de ces années et disposaient donc de beaucoup moins de ressources et d’attention pour intervenir dans d’autres conflits.

Quand le chat n’est pas là, les souris dansent.

Les États-Unis ont donc joué le rôle de gendarme du monde. Tant que les États-Unis et leurs alliances étaient prêts à intervenir dans un conflit interétatique, toute intervention extraterritoriale comportait un risque inhérent.

Israël riposte

Une décomposition Américaine ?

La suprématie Américaine est en phase de déliquescence depuis deux décennies et plusieurs facteurs sont entrés en jeu. Tout d’abord, il y a eu la guerre d’Irak, qui était un cas flagrant de déclenchement par les États-Unis d’un conflit international majeur au lieu d’une intervention pour l’arrêter.

Saddam Hussein était brutal, mais après sa défaite de 1991, il ne l’était plus qu’à l’intérieur de ses frontières. Les États-Unis se sont comportés comme une puissance aggressive à un moment où ils auraient dû préserver le statu quo.

Joe Biden

Si la menace d’intervention des États-Unis ne dépend pas du fait que vous envoyiez ou non votre armée à l’extérieur de vos frontières, l’incitation à éviter les conflits interétatiques est réduite. L’Irak a également affaibli l’appétit d’intervention des États-Unis.

Dans le même temps, les États-Unis s’affaiblissaient sur le plan militaire. En 1995, les États-Unis pouvaient produire environ 30 fois plus d’obus d’artillerie qu’aujourd’hui, et la Chine peut produire environ 200 fois plus de navires que les États-Unis. Il s’agit d’une perte catastrophique de puissance militaire, et cela signifie que même un modeste détournement des ressources militaires américaines (comme la guerre en Ukraine) peut largement éliminer la menace d’une intervention des États-Unis ailleurs.

Comparaison des dépenses militaires US/Chine

Enfin, une nouvelle coalition de grandes puissances a vu le jour, capable d’égaler ou de dépasser la puissance américaine. La croissance massive de la Chine lui a donné une capacité de production aussi importante que celle de tout l’Occident réuni. Ceci signifie que même si les Etats-Unis pouvaient résoudre leurs problèmes de base industrielle de défense, ils seraient dépassés dans un combat prolongé en tête-à-tête. En incluant les dépenses hors budget, la Chine dépense presque le même montant que les États-Unis.

La menace chinoise est de plus en plus pesante

Les conflits réels ou potentiels avec ce nouvel axe, absorbent désormais toute l’attention militaire des États-Unis et de leurs alliés. La guerre d’Ukraine immobilise la quasi-totalité du potentiel militaire européen et détourne également certaines ressources américaines.

La menace d’une invasion chinoise de Taïwan est tellement énorme et catastrophique qu’elle absorbera toute l’attention et les ressources militaires américaines qui ne vont pas à l’Ukraine et même cela pourrait ne pas suffire pour gagner.

Il n’est donc pas surprenant que la menace d’un conflit interétatique commence à réapparaître en Europe et dans les régions avoisinantes. Le monde est plus anarchique qu’il ne l’était il y a 20 ou même 10 ans.

Le monde devient une jungle

Comme des tigres qui guettent leur proie. Le monde commence à se transformer en jungle, où les forts s’attaquent aux faibles, et où il est nécessaire que chaque pays développe sa propre force.

Si votre voisin est un tigre, vous devriez probablement commencer à réfléchir à un arsenal de défense. Les vieux comptes qui ont dû attendre peuvent maintenant être réglés. Les territoires contestés peuvent être repris. Les ressources naturelles peuvent être saisies. Les pays ont de nombreuses raisons de se battre entre eux, et l’une des plus grandes raisons de ne pas se battre a été supprimée.

Et puisque nous allons de plus en plus nous diriger probablement vers une contraction des ressources naturelles et énergétiques, les tensions risquent d’être d’autant plus fortes.

Hors du jardin d’Eden où le pétrole est abondant et où Dieu veille à garantir l’ordre, le monde se transforme en chaos.

Cela ne signifie pas que nous allons assister au même degré de violence que les conflits interétatiques qui prévalaient avant 1945. Les systèmes démocratiques, le commerce international, le vieillissement démographique pourront atténuer la violence des affrontements.

Théâtres de guerre everywhere

À l’heure actuelle, l’Europe, le Moyen-Orient et la périphérie russe sont le théâtre de conflits. Mais le plus grand danger se trouve peut-être en Asie, qui s’engage dans une course aux armements sans précédent.

Malgré l’agression de Poutine, c’est en Asie que la montée en puissance de la Chine a le plus gravement perturbé l’équilibre des pouvoirs. Quiconque a l’illusion que l’Asie est intrinsèquement plus pacifique que l’Europe ou le Moyen-Orient devrait lire un peu d’histoire d’avant 1980.

Quoi qu’il en soit, la période de paix garantie par l’hégémon Américain a toujours eu une date d’expiration. Si les États-Unis avaient évité la guerre en Irak et maintenu leur base industrielle de défense, ils auraient pu prolonger leur hégémonie d’une dizaine d’années. Mais en fin de compte, la montée en puissance de la Chine aurait assuré le retour de la multipolarité qui existait avant la Seconde Guerre mondiale.

Quoi qu’il en soit, c’est fini maintenant, et jusqu’à ce qu’une nouvelle coalition mondiale dominante d’États-nations puisse être forgée : soit un ordre mondial dirigé par la Chine, soit une sorte d’hégémonie démocratique élargie incluant l’Inde et de nombreux autres pays en développement, nous allons devoir réapprendre à vivre dans la jungle.

Qu’en pensent les Russes ?

Alexander Dugin, l’idéologue de Poutine a décrypté dans un tweet cette attaque du Hamas et les raisons pour lesquelles elle pourrait entraîner une réaction en chaîne.

“Une escalade en Israël pourrait déclencher une réaction en chaîne. Les Palestiniens n’ont aucune chance dans une telle guerre, car ils ne peuvent pas détruire Israël ou lui infliger une défaite militaire significative, mais Israël n’a pas non plus de raison de se battre. La Palestine est techniquement un territoire israélien, qu’il ne contrôle pas et ne peut contrôler en aucune circonstance. Il est également impossible de détruire physiquement tous les Palestiniens.

Si la situation internationale était différente, les Palestiniens pourraient compter sur la compassion de la gauche internationale, mais les États-Unis sont dirigés par des néocons et des mondialistes. Ils ne se soucient certainement pas des Palestiniens, bien qu’ils ne soient pas non plus très proches des politiques nationalistes d’Israël.

Mais c’est la réaction en chaîne – et en particulier le comportement des États islamiques (principalement l’Iran, la Turquie, l’Arabie saoudite, les autres États du Golfe et l’Égypte) – qui pourrait en être la suite logique. C’est en tout cas ce que les stratèges du Hamas avaient peut-être à l’esprit lorsqu’ils ont décidé de déclencher le conflit.

Le multipolarisme se renforce, l’intensité de l’hégémonie occidentale sur la collectivité non occidentale s’affaiblit. Les alliés de l’Occident dans le monde islamique – en particulier la Turquie et les Saoudiens – ne suivent pas automatiquement tous les ordres de Washington. C’est dans cette situation que le pôle islamique, qui a récemment rejoint les BRICS de manière provocante, sera mis à l’épreuve.

Une extension du conflit ?

Bien entendu, le conflit pourrait s’étendre à d’autres territoires. L’implication de l’Iran et du Hezbollah n’est pas à exclure, ce qui signifie le transfert potentiel des hostilités vers les territoires du Liban et de la Syrie. En Israël même, il y a suffisamment de Palestiniens qui haïssent farouchement les Juifs. Tout cela pourrait avoir des conséquences imprévisibles.

À mon avis, les États-Unis et les mondialistes essaieront de tout arrêter maintenant, car ils ne peuvent rien obtenir de bon en poursuivant l’escalade.

Une dernière chose : les analogies entre le séparatisme, l’irrédentisme, etc. dans différentes régions du monde ne sont plus valables. L’Occident reconnaît à la fois l’unité territoriale et le droit des peuples à faire sécession lorsque cela leur est bénéfique et ne les reconnaît pas lorsque cela ne l’est pas. Il n’y a pas de règles. En fait, nous devrions traiter la question de la même manière (et c’est d’ailleurs ce que nous faisons). Ce qui nous est favorable est juste.

Quelle est la position de Poutine ?

Dans le conflit israélo-palestinien, il est difficile – du moins pour l’instant – pour la Russie de choisir un camp. Il y a des avantages et des inconvénients dans chaque configuration. Les liens avec les Palestiniens sont anciens et, bien sûr, mais le flanc droit d’Israël tente également de mener une politique neutre et amicale à l’égard de la Russie et, ce faisant, s’écarte de la russo-phobie sauvage de l’Occident.

Beaucoup dépendra maintenant de l’évolution des événements à l’avenir.

Oui, et bien sûr, nous ne devons pas perdre de vue la dimension eschatologique des événements. Les Palestiniens ont appelé leur opération la « tempête Al-Aqsa », c’est-à-dire que la tension autour de Jérusalem et l’horizon messianique (pour Israël) de la construction du troisième temple sur le mont du Temple (impossible sans démolir la mosquée Al-Aqsa, un important sanctuaire musulman) s’accroît à nouveau. Les Palestiniens tentent d’enflammer la sensibilité eschatologique des musulmans, qu’ils soient chiites, de plus en plus sensibles à cette question, ou sunnites (après tout, les raisons de la fin du monde et de la bataille finale ne leur sont pas étrangères). Israël et le sionisme sont le Dajjal pour les musulmans.

Nous verrons bientôt dans quelle mesure cela est sérieux, mais en tout cas il est clair que ceux qui ignorent l’eschatologie ne comprendront rien aux grandes politiques modernes. Et pas seulement au Moyen-Orient, même si c’est plus évident là-bas”, Dugin.

Oppenheimer

Au cours des deux dernières décennies, la suprématie Américaine est entrée en phase de décomposition. Nous avons maintenant un monde multipolaire. Nous verrons s’il est préférable.

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Satosh

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