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Le Bitcoin peut-il remplacer la monnaie fiat ?

mar 27 Fév 2024 ▪ 10 min de lecture ▪ par Nicolas T.
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Le destin du bitcoin est-il vraiment de remplacer la monnaie fiat ? Est-ce possible, voire souhaitable ? Son utilité première ne serait-elle pas autre ?

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L’interview du bitcoiner Shinobi sur le Podcast What Bitcoin Did a récemment fait des vagues. On retiendra notamment cette pique :

« Les maxis sont des crétins. Ils se sont mis en tête que le bitcoin est magique après avoir lu le Bitcoin Standard. Ils pensent que la simple limite des 21 millions va permettre de conquérir le monde, de détruire les gouvernements et de créer une utopie parfaite. C’est absolument délirant. »

C’est en essence ce que les économistes d’obédience « autrichienne » aiment prêcher. « Bitcoin fixes this »… Comme s’il suffisait que la masse monétaire soit fixe pour que nous roulions tous en Ferrari.

La vérité est que le système monétaire n’est pas l’économie. Une économie est avant tout des moyens de production. C’est-à-dire des machines, et donc de l’énergie. Aucun pays riche consomme peu d’énergie. Cela n’existe pas.

On entend souvent dire « Abundance through scarcity », (abondance par la rareté). Face à cet oxymore, il faut répondre :

« Si seulement une monnaie en quantité fixe pouvait créer ex nihilo du pétrole, des matières premières, etc. »

Certains répondent : « C’est littéralement possible. Il n’y a que le temps et les sats qui sont rares. Avec les bonnes incitations économiques, tout peut être produit en plus grande quantité. Y compris le pétrole. »

D’autres citeront directement le Bitcoin Standard en rappelant que « si le volume de la Terre était le même que celui d’une piscine olympique, le volume de minerai extrait jusqu’à présent équivaudrait à la moitié d’un verre ».

Ce sont des histoires que les économistes « autrichiens » aiment se raconter pour ne pas avoir à détruire leurs illusions.

Encore un Malthusien…

Nous avons de tout temps eu des gens pour prédire les limites de la croissance. Le révérend Malthus fut l’un d’eux au XIXe siècle. Il soutenait que la population croissait plus vite que la production de blé et que ce n’était pas soutenable sur le long-terme.

Il n’avait pas totalement tort. Mais c’était sans compter le génie humain d’un certain Fritz Haber qui inventa un procédé de synthèse de l’ammoniaque permettant de fabriquer des engrais à l’échelle industrielle. Il en résulta une explosion des rendements agricoles et une multiplication par dix de la population mondiale. C’est un cas d’école.

On doit le retour du « Malthusianisme » à Dennis Meadows qui publia en 1972 « les limites de la croissance ». Sans oublier le géophysicien Marion King Hubbert qui prédit dès 1956 le pic de production pétrolier américain pour 1970. Il eut effectivement lieu en 1971.

Au niveau global, le pic de pétrole conventionnel (celui qui est facile à sortir de terre) est déjà derrière nous. Nous l’avons franchi en 2007. Le pétrole de Schiste US a depuis repris le flambeau, mais il est plus cher à sortir de terre.

Pour le dire autrement, nous avons cueilli les fruits des branches basses. Et il semblerait même que nous ayons atteint le pic de tous les types de pétrole en novembre 2018…

Or le pétrole est la pierre angulaire de notre civilisation globalisée. Il abreuve 95 % du transport en raison de ses propriétés naturelles irremplaçables que sont sa densité énergétique ainsi que son aisance de stockage/transport.

Malheureusement, cela fait maintenant plus de cinquante ans que nous en consommons largement plus que nous en découvrons.

Le pétrole est un stock que nous prenons pour un flux

Le pétrole a besoin de millions d’années pour se former à partir de micro-organismes qui, à leur mort, tombent sur les fonds marins avant d’être recouverts par des couches de sédiments. Une fois en profondeur, la chaleur et la pression entrainent des modifications chimiques et physiques qui transforment l’énergie autrefois photosynthétique du soleil en énergie stockée sous forme de pétrole.

Certes, il reste beaucoup de pétrole. Mais à quelle vitesse et à quel prix pouvons-nous l’extraire ? On parle d’EROEI (Energy Returned on Energy Invested) dans le jargon. Ou bien taux de retour énergétique en bon français.

En clair, pour obtenir une unité d’énergie (le Joule, le kWh, peu importe), combien ai-je dû dépenser d’énergie au préalable ? Dit autrement, les barils de pétrole ne s’obtiennent pas en claquant des doigts.

Il faut construire des puits, et donc amener (entre autres) du béton et de l’acier par camion qui lui-même consomme du pétrole. Le béton et les poutres ont, eux aussi, demandé du pétrole pour extraire leurs matières premières. Même le chauffeur de camion a besoin de calories alimentaires qui demandent encore une fois du pétrole pour arriver jusque dans son assiette.

Le raisonnement autour de l’EROEI est simple à comprendre. On puise d’abord le pétrole « facile » à extraire, avec un taux de retour énergétique élevé. Mais plus le temps passe et plus ce qui reste coute cher à extraire.

Qu’importe les variations du prix du pétrole, les taux d’intérêts, les troubles géopolitiques. Ce qui compte, c’est la rentabilité intrinsèque, énergétique, de l’extraction de pétrole et la quantité pouvant être physiquement obtenue (quand y a plus, y a plus…).

C’est là qu’il faut chercher pour trouver les véritables origines de l’inflation.

Le Ponzi fiat et l’énergie

Le système monétaire est un ponzi. La monnaie est créée à partir de dettes servant des intérêts. Pour que le système fonctionne sans heurts, les banquiers doivent prêter chaque année un peu plus que l’année précédente.

Ce système est ni bon ni mauvais. Il est surtout celui qui permet de croitre le plus vite. L’humain tend naturellement vers ce qui est le plus efficace. Néanmoins, un ponzi reste un ponzi. Tout va bien lorsque la production peut augmenter aussi vite que la dette. Mais pour ça, il faut de l’énergie.

Richesse = Productivité (production par personne) = Machines = Énergie.

Il faut bien comprendre que le travail fourni par notre consommation d’énergie fossile (pétrole, gaz, charbon, soit 80 % de notre énergie) est équivalent à celui de 450 milliards d’humains…

Le problème est que plus cette énergie coute de plus en plus cher à produire. Si la production ne peut pas suivre à cause des limites physiques, il en résultera de l’inflation.

« La dette mondiale double tous les 9 ans. Mais le PIB mondial ne double que tous les 25 ans. Ce graphique explique pourquoi il vaudrait mieux avoir des bitcoins… / Nous créons de la dette beaucoup plus rapidement que nous ne créons du PIB ou de l’énergie, ce qui nous éloigne de la réalité biophysique. » [En noir la dette, en rouge la production de pétrole]

Mais arrêter de s’endetter n’offre pas plus d’énergie. Comme l’a dit Michael Saylor à la conférence Bitcoin 2023 de Prague :

« Aucun pays ne peut arrêter l’inflation. Personne ne peut arrêter l’inflation. Je peux faire de toi le maitre du monde, tu n’arrêteras pas l’inflation ».

Notre planète exsangue nous condamne à plus d’inflation. Seule une percée technologique dans le domaine de l’énergie pourrait permettre d’augmenter les salaires (la productivité) plus vite que l’inflation.

La monnaie fiat ne disparaitra pas. Une civilisation complexe a besoin de l’outil de la dette. Les nations ayant les plus grandes banques et les plus grandes dettes sont aussi les plus riches.

Tout dépend in fine de la qualité des investissements. Ces derniers dépendent directement du niveau d’éducation d’une nation. En gardant en tête qu’il existe un facteur limitant : l’énergie.

L’utilité première du bitcoin

Le monde est à la croisée des chemins énergétiques. L’endettement galopant (et donc l’inflation) en est le symptôme. Second problème : l’inflation profite aux actifs désirables. C’est-à-dire l’immobilier de prestige, les toiles de grands maitres, les actions d’Apple, Microsoft, Google, etc. Or ces choses ne sont accessibles qu’à ceux qui sont déjà riches.

Le bitcoin est révolutionnaire en ça qu’il est :

1) Accessible à toutes les bourses. On peut acheter du bitcoin pour n’importe quelle somme.

2) Une percée technologique créant pour la première fois quelque chose en quantité absolument fixe.

3) Liquide. Il peut instantanément s’échanger en monnaie fiat si besoin.

Le bitcoin met l’épargne du riche et du pauvre sur un pied d’égalité. Il remédie à l’accroissement des inégalités que provoque l’inéluctable inflation.

Telle est l’utilité première du Bitcoin. Protéger son épargne, et non pas tant remplacer la monnaie fiat.

« L’utilité première du bitcoin est la préservation et l’appréciation du capital »

Rappelons en passant cette déclaration de Michael Saylor en fin d’année dernière :

« Croire que le bitcoin remplacera la monnaie fiat est une distraction qui provoque des impasses mentales chez beaucoup de monde. […] Le bitcoin n’a pas besoin de remplacer la monnaie fiat pour réussir. […] La richesse mondiale est d’environ 850 000 milliards de dollars sous forme d’immobilier, de titres de dette, d’actions, d’art… Bitcoin est un meilleur actif. Les gens vont cesser d’acheter de l’immobilier pour 25 ou 30 fois la valeur du loyer annuel. Ils vendront tout jusqu’à ce que le ratio retombe à 10. Pareil pour les actions de multinationales valant 25 fois leurs profits annuels. »

Tout cela étant dit, bien entendu que le bitcoin peut aussi servir de moyen de paiement anonyme. Qu’il permet de s’enfuir facilement d’un pays en guerre et qu’il pourrait remplacer le pétrodollar dans les échanges internationaux.

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Nicolas T.

Reporting on Bitcoin, "the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy".

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