L'UE cible les plateformes crypto dans son dernier paquet de sanctions contre Moscou

Tandis que le conflit en Ukraine s’enlise, l’Union européenne ouvre un nouveau front : celui des cryptos. Pour la première fois, Bruxelles prévoit de sanctionner directement les plateformes crypto, intégrant ces infrastructures décentralisées à son dispositif économique contre Moscou. Un basculement discret, mais stratégique, qui intègre les cryptos dans le champ des outils de pression internationale.

L’UE enclenche un embargo inédit sur les cryptos

Pendant que de nombreux observateurs estiment qu’une guerre est inévitable entre l’Europe et la Russie, l’Union européenne intègre formellement les plateformes de cryptos dans son dispositif de sanctions économiques, pour la première fois depuis le début du conflit russo-ukrainien.

Ce 19 septembre, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a présenté les contours du 19^ème paquet de sanctions, déclarant : « pour la première fois, nos mesures restrictives viseront les plateformes crypto et interdiront les transactions en crypto ».

L’objectif affiché est clair : fermer les portes aux transactions numériques qui pourraient servir à contourner les sanctions financières existantes. Cette nouvelle salve inclut également des restrictions à l’encontre des banques étrangères impliquées dans les systèmes alternatifs de paiement russes, ainsi que l’interdiction des transactions avec des entités opérant dans les zones économiques spéciales de Russie.

Ce dispositif marque une inflexion dans la stratégie européenne, désormais résolue à fermer les brèches dans l’écosystème numérique. Le paquet de sanctions, encore en attente d’approbation par les 27 États membres, contient plusieurs mesures structurantes :

• Le blocage total des transactions en crypto pour les résidents russes, quelle que soit la plateforme utilisée ;

• Une inclusion explicite des plateformes crypto dans le périmètre des entités visées par les mesures restrictives ;

• L’interdiction des relations financières avec les banques étrangères qui soutiennent les systèmes de paiement alternatifs russes ;

• Une restriction des opérations économiques avec les zones économiques spéciales de la Fédération de Russie.

« À mesure que les tactiques de contournement se sophistiquent, nos sanctions évolueront pour garder une longueur d’avance », a justifié von der Leyen, insistant sur l’évolution continue des sanctions européennes.

La multiplication des attaques de drones russes contre l’Ukraine, y compris des violations de l’espace aérien polonais et roumain, a également contribué à l’urgence d’un durcissement. Pour Bruxelles, l’enjeu est désormais de verrouiller les canaux numériques que Moscou pourrait encore exploiter.

La crypto : un levier d’évasion pour la Russie, un outil de résilience pour l’Ukraine

Tandis que l’UE resserre l’étau, plusieurs enquêtes récentes ont révélé le rôle croissant des cryptos dans les opérations économiques de la Russie sous sanctions.

En mars dernier, certaines compagnies pétrolières russes réalisaient chaque mois des transactions en bitcoin (BTC) et en Tether (USDT) d’un montant de plusieurs dizaines de millions de dollars pour échapper aux restrictions.

En effet, en juillet, le ministère de la justice américain a inculpé Iurii Gugnin, alias George Goognin, un ressortissant russe installé à New York, pour avoir blanchi plus de 540 millions de dollars via ses entreprises Evita Investments et Evita Pay, servant de relais à des entités russes sanctionnées. Le contournement des sanctions par les cryptos est donc une réalité tangible et documentée, qui justifie en partie la réaction de l’UE.

Face à cette instrumentalisation des cryptos par la Russie, l’Ukraine adopte une posture radicalement différente. Depuis février, Kiev travaille à l’élaboration d’une réserve nationale de bitcoin, avec un projet de loi en phase finale, comme l’a confirmé en mai le député Yaroslav Zhelezniak.

Cette initiative vise à renforcer la résilience financière du pays, en s’appuyant sur un actif perçu comme une protection contre l’inflation et les crises monétaires. « Nous soumettrons bientôt un projet de loi issu du secteur permettant la création de réserves en cryptos », avait annoncé Zhelezniak lors de la conférence Crypto 2025 à Kiev.

L’entrée des cryptos dans le champ des sanctions européennes ne fait que souligner l’évolution rapide de leur statut géopolitique. Loin d’être de simples actifs spéculatifs, elles deviennent désormais des instruments de guerre économique, susceptibles de jouer un rôle central dans les affrontements géostratégiques. À mesure que les technologies se banalisent, leur régulation s’impose comme un enjeu capital pour les États. Tandis que l’UE tente de colmater les brèches, l’Ukraine mise sur le bitcoin comme un vecteur de souveraineté.