Stablecoins : La BRI dénonce une zone grise réglementaire
La Banque des Règlements Internationaux (BRI) met en garde contre une zone grise inquiétante : les produits de rendement basés sur les stablecoins transforment discrètement des instruments de paiement en véhicules d’investissement. Cette mutation rapide échappe en grande partie aux régulateurs, laissant les consommateurs exposés à des risques majeurs.

En bref
- La BIS alerte sur les produits de rendement proposés par les plateformes crypto qui transforment les stablecoins de paiement en instruments d’investissement.
- Ces offres de rendement échappent souvent à la supervision prudentielle bancaire et aux garanties de dépôt, exposant les utilisateurs à des risques majeurs.
- Les régulateurs adoptent trois approches distinctes : interdiction totale (UE, Hong Kong), restrictions pour le grand public (Singapour), ou absence d’interdiction explicite (États-Unis).
La BRI alerte sur les risques liés aux stablecoins à rendement
La Banque des Règlements Internationaux (BRI) lance un avertissement sans précédent dans son rapport d’octobre 2025. L’institution met en garde contre la prolifération de produits à rendement proposés par certaines plateformes crypto, fondés sur des stablecoins de paiement — des jetons pourtant conçus pour servir de moyen d’échange, non d’investissement.
Le principe est simple : les plateformes reprêtent les fonds déposés par les utilisateurs à des traders, les placent dans des pools de liquidité ou les investissent via des protocoles de finance décentralisée (DeFi) comme Aave. Autrement dit, elles transforment un actif censé être stable et liquide en produit à risque, en quête de rendement.
Ces pratiques brouillent la frontière entre paiement et placement. Contrairement aux dépôts bancaires traditionnels, ces opérations échappent à toute supervision prudentielle, ne bénéficient d’aucune garantie de dépôt et manquent cruellement de transparence. L’utilisateur croit détenir un stablecoin sûr ; en réalité, il prend part, souvent sans le savoir, à une chaîne d’opérations spéculatives.
Le rapport de la BRI recense plusieurs pratiques : certains acteurs financent des programmes de fidélité rémunérés, d’autres prêtent les stablecoins des clients à des institutions ou les réinvestissent dans des stratégies DeFi.
Dans tous les cas, la plateforme agit comme un intermédiaire non régulé. Et si elle fait faillite ? L’affaire Celsius en a donné la leçon : les clients, considérés comme créanciers non garantis, ont perdu l’accès à leurs fonds.
Le casse-tête réglementaire américain
L’adoption de la loi GENIUS en juillet 2025 marque une étape majeure dans la régulation des actifs numériques. Ce texte établit le premier cadre fédéral complet pour les stablecoins adossés à une monnaie fiduciaire, avec pour objectif de protéger les consommateurs, renforcer la compétitivité financière américaine et préserver le rôle international du dollar.
Le Trésor américain a lancé une consultation publique pour définir les règlements d’application, ouverte jusqu’au 4 novembre 2025. Parmi les 58 questions adressées au secteur figurent les restrictions sur les paiements d’intérêts ou de rendements, un sujet sensible qui divise régulateurs et plateformes crypto.
La loi interdit formellement aux émetteurs de stablecoins de verser des intérêts, qu’ils soient en espèces, tokens ou avantages, mais elle reste muette sur les plateformes crypto qui proposent de tels produits.
Cette zone grise alimente la crainte des banques traditionnelles, inquiètes d’une possible fuite de dépôts vers des solutions non réglementées mais plus rémunératrices.
Au-delà du cadre juridique, l’enjeu devient macroéconomique. Les émetteurs Tether (USDT) et Circle (USDC) détiennent environ 150 milliards de dollars de bons du Trésor américain, figurant désormais parmi les 17 plus grands détenteurs de dette publique. Une dépendance inédite du Trésor envers ces acteurs privés, qui illustre la puissance croissante des stablecoins dans l’équilibre financier mondial.
Vers un cadre mondial harmonisé
La Banque des Règlements Internationaux (BRI) appelle à une réponse coordonnée à l’échelle mondiale face à l’essor des stablecoins. Selon elle, les cadres réglementaires doivent aller au-delà du simple contrôle des émetteurs pour couvrir également les activités des plateformes crypto qui offrent des produits à rendement.
Plusieurs pistes sont envisagées : interdire totalement la rémunération des dépôts en stablecoins, restreindre l’accès des particuliers à ces placements à risque, ou renforcer drastiquement la gouvernance et la solvabilité des intermédiaires concernés.
L’Union européenne a déjà tranché avec le règlement MiCA, qui interdit toute rémunération liée à la détention de stablecoins. Hong Kong et Singapour ont suivi avec des modèles proches, accordant toutefois une marge de manœuvre aux investisseurs professionnels.
Cette fragmentation réglementaire crée toutefois un déséquilibre mondial. En laissant subsister une zone d’ombre, les États-Unis prennent le risque de voir se multiplier des pratiques opaques susceptibles d’affaiblir la confiance dans leur système financier.
Derrière cette bataille juridique se cache un enjeu plus profond : les banques craignent de perdre leur monopole sur la gestion du rendement monétaire. Les stablecoins, à la fois liquides et potentiellement rémunérateurs, pourraient devenir l’alternative naturelle aux dépôts bancaires. Une évolution que la BRI observe avec une vigilance croissante, consciente qu’elle pourrait bouleverser l’équilibre du système financier mondial.
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