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Bitcoin & Géopolitique - Semaine 6

mar 07 Fév 2023 ▪ 7 min de lecture ▪ par Nicolas T.

Les signes de défiance vis-à-vis du dollar s’amoncèlent. Notamment en Inde, où l’on s’arrache le pétrole russe, quitte à se mettre l’Empire à dos.

Un réveil bitcoin sur des billets de dollars

Des dirhams plutôt que des roupies

Les raffineurs de pétrole indiens paient désormais la majorité de leur pétrole russe en dirham. La banque dubaïote Mashreq Bank et la State Bank of India sont à la baguette.

Il s’agit pour les banques indiennes de parer à d’éventuelles sanctions américaines si le cours du baril de brut russe venait à repasser au-dessus du plafond de 60 dollars décrété par le G7.

En effet, l’Inde refuse de se couper du précieux pétrole russe. Le ministre de l’Énergie indien Hardeep Singh Puri s’est d’ailleurs voulu clair à l’occasion de la semaine de l’énergie en Inde :

« Nous sommes confiants dans le fait que nous serons en mesure d’utiliser notre marché pour nous approvisionner partout où nous le devons, partout où nous obtenons des conditions avantageuses ».

New Delhi n’est pas non plus sans savoir qu’une disparition des exportations de pétrole russe aurait tôt fait de faire exploser le prix du baril.

« Imaginez une situation dans laquelle le pétrole iranien est sanctionné, la Russie a des problèmes et le Venezuela ne peut pas fournir son pétrole. Le prix du baril ne montera pas à 200 dollars, mais 480 dollars », a déclaré le ministre indien, martelant par là que peu importe la provenance du pétrole, y compris de Sibérie.

Selon Reuters, 70 % des cargaisons de pétrole russe du mois de janvier ont été destinées au géant asiatique devenu le principal acheteur de pétrole russe depuis plusieurs mois.

Prudent, New Delhi n’utilise pas les compagnies de transport maritime occidentales. Le brut russe circule via une « flotte fantôme » de 600 pétroliers achetés par Moscou.

Environ 400 navires de transport de pétrole brut, soit 20 % de la flotte mondiale, sont passés du commerce traditionnel au commerce russe, peut-on lire sur Bloomberg.

« La Russie a supplanté l’Irak et les Saoudiens comme principal fournisseur de pétrole brut de l’Inde. »

Pourquoi le Dirham plutôt que la roupie indienne ?

Le fait est que les exportations russes vers l’Inde sont beaucoup plus importantes ses importations depuis le même pays. La persistance de ce déséquilibre se traduirait par l’accumulation de roupies dans le bilan de la banque centrale russe. Or, la roupie est une monnaie qui ne cesse de se déprécier en raison de la balance commerciale indienne chroniquement déficitaire.

Le Dirham est plus attrayant puisqu’il est arrimé (« pegged ») au dollar. Par ailleurs, les EAU maintiennent une position neutre à l’égard de la Russie, n’imposant aucune sanction. En outre, la bourse de Moscou s’apprête à accepter le dirham, offrant par là des opportunités d’investissement au fonds souverain émirati.

Tout cela étant dit, les Russes sont en réalité prêts à détenir des roupies dans une certaine mesure. Ce sont plutôt les banques indiennes qui sont frileuses. Passer par Dubaï leur permet de brouiller les pistes afin d’éviter les sanctions américaines.

Soit dit en passant, ces sanctions s’appliqueraient si les Émirats arabe unis n’acceptaient que des dollars de la part de l’Inde. Mais ce n’est pas le cas.

« Les Émirats arabes unis sont le troisième partenaire commercial de l’Inde, et la valeur actuelle de nos échanges commerciaux s’élève à 88 milliards de dollars. Autant le faire en monnaie locale [et non en dollar] », a déclaré l’ambassadeur de l’Inde aux EAU le 24 janvier. « Il est très important de dérisquer le commerce de la géopolitique ».

Même son de cloche du côté du ministre du Commerce extérieur des Émirats arabes unis Thani Al Zeyoudi qui révélait une semaine plus tôt à Davos vouloir stimuler les échanges non pétroliers dans les monnaies locales des deux pays.

Le ministre avait précisé que le commerce du pétrole dans la monnaie indienne n’était « pas à l’étude ». Cela dit, les derniers développements rapportés par Reuters suggèrent que ce mécanisme de commerce roupie-dirham ne permettra pas que d’acheter de la main d’oeuvre indienne, mais aussi de l’or noir…

Et pourquoi ne pas enfin utiliser le bitcoin ?

« La Russie est devenue le premier fournisseur de pétrole de l’Inde et a contribué de manière significative à la sécurité énergétique du pays », a déclaré l’ambassadeur russe en Inde Denis Alipov devant le Conseil indien des affaires mondiales le 2 février.

Denis Alipov s’est félicité du lancement d’un mécanisme pour le commerce en roupies et en roubles, mais s’est lamenté du fait que les banques indiennes soient « trop prudentes » à l’utiliser.

« C’est la peur. Les banques indiennes voudraient être à l’abri [de sanctions américaines]. Il faudra plus de temps pour qu’elles prennent conscience que cela ne nuira pas au système bancaire indien », a-t-il déclaré.

Les banques indiennes préfèrent passer par Dubaï afin de pouvoir nier plausiblement si Washington leur demande des comptes. Leur grande crainte est d’être privées du dollar, ce qui revient à signer son arrêt de mort pour une banque internationale.

Les banques restent pétrifiées à l’idée d’être coupées du dollar et du système SWIFT. Néanmoins, cette débauche d’énergie visant à contourner le billet vert est de très bon augure pour le bitcoin qui ronge son frein.

Ces arrangements fastidieux pour jouer au chat et à la souris sont symptomatiques de l’absence d’alternative crédible au dollar dans son rôle de monnaie internationale.

Associé au Lignthing Network, le bitcoin pourrait remplacer le réseau SWIFT et le dollar du jour au lendemain. Le système de rechange est déjà là, prêt à l’emploi depuis 14 ans.

Il est probable que la volatilité du bitcoin soit rédhibitoire pour toutes les nations (à part le Salvador). Trop risqué.

Et pourtant, il faut bien comprendre que cette volatilité n’est que le reflet de sa petite taille (~400 milliards de dollars). L’or a la préférence des banques centrales en raison de sa prétendue stabilité. Mais elle n’est due qu’à une chose : le stock d’or mondial pèse 10 000 milliards de dollars.

Le bitcoin ne sera pas moins stable lorsqu’il remplacera les 11 600 milliards de dollars de réserves de change détenues par les banques centrales des pays exportateurs. Dans un tel scénario, un seul bitcoin vaudrait 600 000 dollars.

Vu le prix actuel d’un bitcoin et les tensions géopolitiques qui ne s’estomperont pas de si tôt, est-ce que le Salvador prend un si grand risque ?

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Nicolas T.

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