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Jack Dorsey se trompe : Le dollar est encore le Roi, pas le bitcoin (BTC)

mar 07 Juin 2022 ▪ 10 min de lecture ▪ par Satosh

Jack Dorsey a récemment déclaré que le dollar avait perdu son hégémonie. Même si le bitcoin a des qualités intrinsèques indéniables et un potentiel immense, l’honnêteté nous oblige à reconnaître que le dollar reste le Roi.

Jack Dorsey est dans la bulle

Le 30 mai, l’ancien CEO de Twitter et bitcoiner invétéré a tweeté le post suivant :

Pourtant, il est clair que le dollar n’a pas perdu son statut de monnaie de réserve. Les monnaies de réserve sont celles largement détenues par les gouvernements, les banques centrales et les institutionnels pour effectuer des transactions commerciales et financières internationales. Le dollar ne partage cette distinction qu’avec quelques autres grandes devises : l’euro, le yen, le franc suisse, le renminbi ou encore la livre sterling.

Le statut du dollar en tant que monnaie de réserve mondiale dominante est plus fort que jamais. Le billet vert a en effet renforcé sa suprématie dans le sillage du covid, en dépit des injections massives de liquidités par la Fed.

Au cours des derniers mois, le dollar s’est apprécié par rapport aux principales devises, y compris des pays exportateurs de matières premières. Dans une période de grande incertitude géopolitique, sanitaire et économique, les flux se dirigent encore vers le dollar.

Trop optimiste ?

Beaucoup de bitcoiners qui tombent dans le terrier du lapin souffrent d’un excès d’optimisme alimenté par les algorithmes des réseaux sociaux. En effet, le récit apocalyptique que l’on entend souvent est celui-ci : l’Amérique est en train de s’effondrer, emportant avec elle le dollar, qui vaudra bientôt zéro en raison d’une hyperinflation comparable à celle de Weimar. 

Bullshit.

Ces derniers mois, plusieurs évènements ont apporté de la matière aux prophètes de l’apocalypse. Impressions monétaires inédites, exclusion de la Russie du système Swift ou encore adoption par certains pays en développement de monnaies alternatives comme le bitcoin. Et pourtant, le dollar est toujours là, solide comme un roc. 

Jack Dorsey semble lui aussi être victime de ce biais et pense que la fin du rôle du dollar en tant que monnaie de réserve mondiale n’est qu’une question de temps

Le dollar est toujours la monnaie de réserve internationale

En 2019, près de 62 % des réserves officielles de change et de la banque centrale étaient en dollars. Vient ensuite l’euro en seconde position avec 20 %, le yen avec 5 % et enfin la livre sterling à 4,5 %.

Le dollar domine dans plusieurs dimensions. Tout d’abord, près de la moitié des prêts bancaires transfrontaliers sont libellés en dollars alors que seulement un tiers est libellé en euros. Les prêts dans d’autres devises ne représentent que moins de 20 %. Le billet vert domine également dans d’autres segments clefs de l’économie mondiale tels que les titres de créance, la facturation commerciale ou encore les paiements utilisant le système de messagerie SWIFT. Près de 90 % des opérations de devises impliquent le dollar d’un côté de la transaction.

La planète tourne autour du dollar

L’économie mondiale a fondamentalement besoin de dollars pour fonctionner. Ceci est le cas depuis 1945 et n’a jamais cessé de l’être. Et pourtant les prédictions liées à la fin de la Pax Americana sont légion. C’était déjà le cas en 1971, lorsque Nixon suspendait les Accords de Bretton Woods afférents à la convertibilité du dollar en or. Concernant la pandémie, il semblerait qu’elle ait au contraire participé à renforcer la centralité du dollar au lieu de l’affaiblir. L’isolement financier rapide de la Russie par le bloc occidental a démontré la domination du dollar en tant que réserve internationale. 

Le dollar reste le Roi non seulement en raison de la taille et du dynamisme de l’économie américaine, de l’inertie, des effets de réseaux, mais aussi du respect du droit de propriété. Certes, celui-ci a été fragilisé ces dernières années, mais quelles sont les alternatives ? La Russie de Poutine qui bombarde des enfants ukrainiens ? Le Parti communiste chinois et ses camps d’internement dans le Xinjiang ? Le Droit Américain reste l’un des plus empreints de libéralisme politique. 

Les États-Unis sont également plus disposés que l’Union européenne ou la Chine à agir en tant que prêteur de dernier ressort dans les crises financières mondiales. 

Euro ou yuan ?

Aujourd’hui, deux thèses existent concernant le remplacement du dollar : celle de l’euro et celle du yuan chinois. La Chine ne bénéficie certainement pas de tous les avantages susmentionnés : régime autoritaire qui se replie sur lui-même depuis une dizaine d’années, contrôle des capitaux, marchés financiers peu liquides. Récemment, la banque centrale chinoise a autorisé une dévaluation agressive du yuan afin de « relancer l’économie » et de diluer une partie de la dette libellée en yuan. Toutefois, une telle politique conduit aussi à réduire l’attrait du yuan en tant qu’alternative au dollar, car les investisseurs étrangers craignent de pâtir de cette fixation arbitraire du taux de change. 

Dollar Index vs Yuan-USD

La zone euro n’est pas une union politique ou fiscale, ce qui n’incite pas les pays à compter sur l’euro dans les moments de crise. Il n’y a donc toujours pas de marché obligataire capable de fournir en actifs sûrs à une échelle comparable aux bons du Trésor américains.

Un déclin relatif

Jack Dorsey a en partie raison : le dollar est en déclin, mais un déclin relatif. Cette trajectoire est parfaitement logique : en 1945 la production américaine représentait l’écrasante majorité de la production mondiale. Il était donc sain d’utiliser la principale unité dans laquelle les exportateurs et les importateurs facturaient leurs échanges et dans laquelle les prêts internationaux étaient accordés. Aujourd’hui, les États-Unis représentent moins d’un quart du PIB mondial. Le privilège exorbitant est donc plus fragile en 2022 qu’il ne l’était il y a quelques années.

Historiquement, la plupart des changements de système monétaire international ont eu lieu dans un contexte de troubles politiques majeurs impliquant des conflits militaires dévastateurs comme au XVe siècle à Venise, Amsterdam à la fin des années 1 700 ou au Royaume-Uni dans les années 40.

On pourrait alors considérer que les largesses du gouvernement américain et de la Fed pourraient constituer ce point de bascule. Mais là aussi, on voit que la Fed est la seule Banque centrale à avoir la capacité de rapidement changer de cap. La Réserve fédérale ne compte pas perdre sa crédibilité anti-inflationniste obtenue à un coût si élevé et qui pourrait faire craindre aux investisseurs étrangers que les États-Unis ne gonflent plus la valeur de leurs bons du Trésor. 

Toutefois, si l’Amérique ne guérit pas de son addiction à la planche à billets, ces actifs deviennent moins sûrs. La plus grande menace pour le dollar est donc l’inflation qui réduit la valeur réelle du capital des investissements à intérêt fixe. 

Finalement, la meilleure assurance vie du dollar face au bitcoin, c’est l’orthodoxie monétaire.

Et le bitcoin (BTC) ?

N’oublions jamais que si le dollar a conservé sa suprématie, c’est parce que le statut de monnaie de réserve internationale est plutôt une question d’avantages relatifs et non absolus. Non pas que la Réserve fédérale mène une politique monétaire orthodoxe, mais que les autres monnaies fiduciaires sont encore plus mal gérées.

Dans le cas de bitcoin, la cryptomonnaie n’a pas encore apporté la démonstration qu’elle pouvait être une monnaie de transaction, hors du marché noir. Aujourd’hui, le BTC se comporte plutôt comme une action technologique, à la différence qu’elle ne distribue pas de dividendes. Pourtant, sur le papier, la décentralisation du BTC semble idéale dans un monde qui devient multipolaire

Ne pariez jamais contre l’Amérique et le dollar

Ceux qui ont annoncé l’effondrement de l’Amérique se sont tous cassé les dents. Comme l’exprimait Warren Buffet dans sa dernière lettre annuelle :

« Au cours de sa brève existence, 232 ans, il n’y a eu aucun incubateur capable de libérer le potentiel humain comme l’Amérique… Notre conclusion inébranlable : ne pariez jamais contre l’Amérique. »

Un jour viendra où le dollar perdra peut-être sa centralité. Mais cela n’arrivera sans doute pas au cours de cette décennie, ou de la prochaine. Le billet vert a survécu à au moins quatre décennies de prédictions de sa disparition. Le bitcoin pourrait bien être une alternative extrêmement séduisante. Encore faut-il transformer l’essai, car pour faire tomber un tel colosse, il faudra bien plus que le Salvador ou la Centrafrique.

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Satosh

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