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Les BRICS : c’est du flan

lun 28 Août 2023 ▪ 19 min de lecture ▪ par Satosh
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On entend de plus en plus une musique qui insinue que l’hégémon Américain serait menacé par les BRICS. Qu’en est-il vraiment ?

Chine en train de s'effondrer

BRICS : la Chine aux commandes

La Chine cherche à institutionnaliser progressivement son leadership sur le monde en créant, en élargissant et en finançant une série de groupements de pays dirigés par … la Chine.

Les objectifs de cette stratégie sont essentiellement doubles : s’assurer qu’une large partie du monde reste ouverte au commerce et aux investissements chinois et utiliser le droit de vote des pays en développement aux Nations unies et dans d’autres forums pour soutenir le pouvoir et les valeurs du Parti Communiste Chinois.

Alors même que l’économie chinoise entre dans ce qui est probablement un ralentissement économique à long terme, le pays tente plus que jamais d’accroître son influence par le biais de ces nouvelles organisations internationales qu’elle contrôle.

Goldman Sachs a créé le concept de BRIC

L’organisation la plus importante est celle des BRICS. C’est le banquier de Goldman Sachs Jim O’Neill qui a créé ce concept il y a 22 ans. Il s’agissait en fait d’un regroupement de grands pays en développement dont il pensait qu’ils connaîtraient une croissance rapide.

Les « BRIC » étaient l’acronyme de cette liste de pays : Brésil, Russie, Inde, Chine. Plus tard, les quatre pays se sont réunis et ont décidé de transformer l’acronyme de Goldman Sachs en un véritable forum économique, où ils se réuniraient périodiquement pour discuter de la manière d’accélérer le développement économique, de créer de nouvelles institutions financières et d’accroître l’influence générale des pays en développement dans le monde. En 2010, l’Afrique du Sud a rejoint le groupe, et les BRIC sont devenus les BRICS.

Des réunions, mais peu d’actions concrètes

Les BRICS n’ont jamais cessé de se réunir et de proposer des initiatives économiques, mais aucune n’a abouti.

En 2009, les BRICS ont commencé à se réunir régulièrement et à réfléchir à la manière de créer leurs propres institutions économiques : une nouvelle banque de développement pour concurrencer la Banque mondiale, un accord de réserve pour se prêter mutuellement de l’argent en cas de crise monétaire (ce que fait habituellement le FMI), un système de câbles sous-marins en fibre optique…etc.

Ces initiatives ont produits peu de résultats concrets. La Nouvelle banque de développement n’a émis presque aucun prêt, ce qui a poussé Jim O’Neill à la déclarer décevante. Lorsque la Russie a envahi l’Ukraine en 2022, la NDB a coupé les ponts avec elle. Et les “câbles BRICS” n’ont jamais vu le jour.

Pourtant, les gens continuent de croire que les BRICS sont une organisation d’importance mondiale.

De nouveaux membres en 2023

Lors du récent sommet des BRICS en Afrique du Sud, le groupe a accepté six nouveaux membres : L’Arabie saoudite, l’Iran, les Émirats arabes unis, l’Argentine, l’Égypte et l’Éthiopie.

Ces six membres ont été choisis parmi les 19 qui avaient initialement soumis des candidatures au début de l’année. On ne sait pas si l’organisation aura une composition à deux niveaux et si certains pays ne seront que des partenaires, mais étant donné que les BRICS ne font rien en termes de politique économique, cela a sans doute peu d’importance.

Une puissance surestimée

Alors pourquoi les BRICS ont-ils reçu autant d’attention de la part des médias ?

L’une des raisons est que certains pensent qu’il s’agit d’un bloc géopolitique ou même militaire naissant. Un anti-OTAN qui mettra fin à l’hégémonie américaine et occidentale.

Il s’agit actuellement d’un non-sens.

La Chine et la Russie sont en effet dans une quasi-alliance contre les démocraties développées, et l’Inde a encore des relations quelque peu amicales avec la Russie, qui remontent à leur partenariat de la guerre froide.

Mais l’Inde et la Chine sont des rivaux stratégiques, pas des alliés. Elles ont un conflit frontalier parfois sanglant, que les discours périodiques sur la « désescalade » n’ont pas réussi à désamorcer

La rivalité Inde-Chine

L’Inde interdit de nombreuses applications chinoises et s’apprête à restreindre les importations de produits chinois, alors même qu’elle approfondit son partenariat économique et stratégique avec les États-Unis.

Les tensions entre l’Inde et la Chine sont très visibles dans l’opinion publique indienne qui, comme celle de nombreux pays d’Asie et d’ailleurs, a évolué fortement contre la Chine au cours des dernières années.

De même, le Brésil est également devenu moins favorable à la Chine.

C’est la raison la plus évidente pour laquelle les BRICS ne deviendront pas une organisation anti-OTAN. L’Arabie saoudite reste un allié des États-Unis et des pays comme le Brésil, l’Afrique du Sud, l’Éthiopie, l’Égypte et l’Argentine n’ont guère envie de s’impliquer dans des affrontements entre grandes puissances.

La Russie et l’Iran peuvent vouloir s’allier à la Chine contre les démocraties développées, mais les autres ne sont tout simplement pas intéressés.

Les BRICS ne sont pas non plus d’accord sur les valeurs fondamentales. L’Inde et le Brésil accordent une grande importance à la démocratie, tandis que la Chine, la Russie et l’Iran en sont les principaux détracteurs. C’est l’une des nombreuses raisons pour lesquelles les comparaisons fréquentes entre les BRICS et le G7, qui promeut un ensemble d’idéaux démocratiques partagés, sont inappropriées.

Ces différences de valeurs se sont traduites par des tensions au sein des BRICS. C’est la Chine qui a poussé à l’élargissement du groupe, tandis que l’Inde et le Brésil ont tenté de résister.

La Chine avance ses pions face aux US

En effet, l’Inde et le Brésil s’opposent à la volonté de la Chine d’élargir rapidement le groupe des marchés émergents des BRICS. La Chine cherche de son côté à accroître son poids politique et à contrer les États-Unis. C’est pourquoi le pays a fait pression à plusieurs reprises en faveur de l’expansion au cours de ces sommets.

L’Inde a avancé l’idée que les nations des BRICS devraient se tourner vers les économies émergentes et les démocraties comme l’Argentine si elles veulent élargir le groupe, plutôt que vers l’Arabie saoudite, qui a un régime dynastique et autocratique.

Le Brésil s’efforce discrètement d’éviter une confrontation directe au sein du bloc des BRICS et de résister aux pressions exercées par la Chine pour en faire un organe antagoniste qui défie le G7.

Les BRICS ressemblent ainsi un peu à une autre organisation dirigée par la Chine, dont on a un temps pensé qu’elle deviendrait une anti-OTAN.

L’Organisation de coopération de Shanghai, comprend également la Chine, la Russie, l’Inde et l’Iran, ainsi que l’Arabie saoudite et l’Égypte. Cette organisation n’a finalement eu aucun pouvoir, et n’a été à l’origine d’aucune initiative concrète, notamment en raison des tensions entre l’Inde et la Chine.

En termes géostratégiques, les BRICS risquent donc de se retrouver exactement dans la même situation que l’OCS.

La monnaie BRICS n’aura pas lieu

Les tensions entre les pays membres sont l’une des raisons pour lesquelles les BRICS ne feront jamais ce que la Russie a proposé : établir une monnaie commune pour remplacer le dollar américain.

Si l’Inde ne laisse même pas entrer les applications chinoises dans le pays, il est tout simplement impossible d’unir la roupie et le RMB. Et compte tenu du poids économique bien plus important de la Chine par rapport aux autres membres des BRICS, la mise en place d’un système monétaire commun priverait le Brésil, l’Inde, l’Arabie saoudite, l’Argentine, l’Égypte et les autres pays de leur indépendance en matière de politique monétaire.

La Russie et l’Iran, dont les économies et les systèmes financiers sont lourdement sanctionnés, pourraient trouver un intérêt à yuaniser leurs monnaies, mais aucun des autres ne le fera. Une monnaie des BRICS, pour dire les choses n’arrivera probablement jamais.

Un FMI alternatif est-il possible ?

Qu’en est-il du remplacement de la domination financière des États-Unis de manière plus générale, même sans monnaie commune ?

Même si les BRICS parvenaient à mettre en place leur accord de réserve conditionnelle et à en faire une alternative au FMI et à la Banque mondiale, cela ne changerait pas grand-chose au système financier mondial tel qu’il est déjà.

Dans la pratique, les prêts accordés par une telle facilité seraient politiquement déterminés à Pékin, et auraient à peu près les mêmes résultats que ceux de la Chine, c’est-à-dire pas très bons.

L’Inde et le Brésil ne veulent probablement pas s’attirer les foudres d’un groupe de pays pauvres pour s’être engagés dans une « diplomatie du piège de la dette », et il est donc probable qu’ils feront pression pour limiter les prêts de type FMI ou Banque mondiale accordés par les BRICS.

Quid de SWIFT ?

Un autre élément important est l’infrastructure de paiement mondiale et notamment le système SWIFT. Les États-Unis et l’Europe ont montré qu’ils pouvaient peser de tout leur poids en limitant l’accès à cette infrastructure lorsqu’ils ont imposé des sanctions financières à la Russie à la suite de l’invasion de l’Ukraine.

Mais l’effet de ces sanctions financières n’a duré qu’un an environ, car la Russie a fini par trouver d’autres moyens de payer et d’être payée. Il s’agissait là de l’arme financière la plus redoutable de l’arsenal financier occidental.

Le rôle prépondérant que jouent les États-Unis dans le système SWIFT existe principalement pour des raisons de commodité, et non d’hégémonie. Pour s’en convaincre, il suffit de voir comment la Nouvelle banque de développement des BRICS effectue la plupart de ses emprunts en dollars. Ce n’est pas parce que les États-Unis les obligent à le faire, c’est tout simplement plus facile, plus pratique.

La Chine prête à s’emparer des pays en développement ?

La stratégie chinoise consistant à renforcer son influence dans les pays du Sud est stratégique. Il s’agit en effet de la partie du monde qui connaît la croissance la plus rapide.

“La Chine sera toujours un membre de la famille des pays en développement », déclarait Xi Jinping en 2021. « Nous continuerons à faire tout ce qui est en notre pouvoir pour accroître la représentation et la voix des nations en développement dans le système de gouvernance mondiale.”, ajoutait-il.

Il est clair que la Chine pense que, compte tenu de la détérioration de son image et de la stagnation de ses exportations dans les pays développés, elle peut devenir le chef de file d’un bloc économique du monde en développement.

Mais si vous regardez les pays BRICS, y compris les nouveaux venus, vous verrez que très peu d’entre eux se développent rapidement. Il s’agit essentiellement d’exportateurs de ressources naturelles, dont les économies ont plafonné à des niveaux de revenus variables. Outre la Chine elle-même, seules l’Inde et l’Éthiopie ont connu une croissance significative au cours de la dernière décennie.

Les pays les plus prometteurs sont hors des BRICS

L’essentiel du potentiel de croissance du monde se trouve actuellement dans les pays d’Asie du Sud et du Sud-Est : Inde, Bangladesh, Indonésie, Philippines, Viêt Nam, etc. Mais à l’exception de l’Inde, ces pays ne font pas partie des BRICS.

Et les opinions de la plupart de ces pays à l’égard de la Chine vont d’une attitude légèrement hostile à une franche hostilité. À mesure que les ambitions territoriales et hégémoniques de la Chine en Asie se développent, ces pays se rapprochent de l’Inde, du Japon, des États-Unis et de l’Europe.

Certains accueilleront toujours les investissements et les marchandises chinoises, mais ils essaieront de les contrebalancer par des investissements et des relations commerciales avec les rivaux démocratiques de la Chine. Et le ralentissement économique de la Chine est susceptible de réduire une grande partie de sa part de marché dans les pays en développement, comme c’est déjà le cas au Brésil.

BRICS : une bataille d’idées autour de la monnaie

Le sommet des BRICS, qui s’est tenu à Johannesburg, en Afrique du Sud, devrait déboucher sur un accord concernant une première étape vers l’établissement d’un système alternatif de règlement du commerce international basé sur les matières premières, qui inclurait certainement l’or.

Des dizaines de pays non occidentaux et même certains pays affiliés à l’Occident assistent à la conférence et l’observent avec beaucoup d’intérêt.

Bien que le changement à venir puisse être qualifié de conflit entre les démocraties occidentales et les nations du BRICS, la véritable bataille est une bataille d’idées.

Contrairement aux affabulations des banques centrales, il n’a jamais été prouvé que l’or était inférieur à la monnaie fiat. L’étalon-or n’a pas été remplacé par un meilleur système monétaire. Il a été supprimé étape par étape pour satisfaire le besoin insatiable d’argent de l’État, d’abord pour faire la guerre, puis pour distribuer des aides sociales après 1945.

Le résultat, bien sûr, a été des guerres sans fin, une expansion rampante de l’État-providence, des déficits publics insoutenables et une dépréciation accélérée de la monnaie.

La remise en cause du dollar a commencé par sa dépréciation, qui a réduit son pouvoir d’achat par rapport à l’or de 98 % depuis 1971, et cette remise en cause s’est accélérée avec l’introduction de ce que l’on appelle les sanctions russes, qui ont gelé les actifs russes en Occident et refusé à la Russie l’accès au système international de messagerie pour le règlement des transactions en dollars, connu sous le nom de SWIFT.

Une remise en cause de l’économie keynésienne ?

L’introduction de l’or dans le système commercial mettra en évidence la principale erreur de l’économie keynésienne : l’importance accordée à la demande globale dans l’économie d’un pays plutôt qu’à la production, qui est le seul moyen de satisfaire la demande en premier lieu. Jean-Baptiste Say a pourtant montré que l’offre était nécessaire pour profiter des avantages de la consommation.

A priori, il est difficile de croire que l’on puisse penser que la production n’est pas nécessaire à la consommation ou qu’elle apparaît comme par magie. Pourtant, cette théorie à l’envers a séduit les hommes politiques pour des raisons évidentes : elle leur donnait carte blanche pour dépenser, le tout avec de l’argent créé de toutes pièces par la banque centrale.

Plutôt que d’économiser et de donner la priorité aux dépenses absolument nécessaires pour le bien de l’ensemble de la nation, les politiciens se sont vus dire par Keynes qu’il était de leur devoir de dépenser, ne serait-ce que pour payer des gens à creuser des trous et d’autres à les reboucher.

Principes du futur système de règlement international

Un nouveau système de règlement des échanges internationaux nécessitera un règlement en or ou en BTC pour être réellement stable.

Les avantages du nouveau système deviendraient évidents pour tous les pays, et pas seulement pour les membres actuels des BRICS. L’avantage politique est qu’aucune nation ne peut contrôler ou manipuler le système pour en tirer un avantage indu. L’avantage économique réside dans le fait que les dépenses publiques seront réduites au minimum, de sorte que les ressources pourront être allouées à la production plutôt qu’à la croissance de l’État.

Un membre ne peut augmenter ses importations qu’en augmentant ses exportations. Les gouvernements des pays membres sont donc soumis à la pression du marché pour réformer leurs économies internes afin d’augmenter la production.

Augmenter artificiellement la demande, conformément à l’orthodoxie keynésienne, serait contre-productif car le stock d’or ou de BTC se viderait et les importations seraient suspendues.

Par conséquent, un tel système encouragerait les pratiques économiques saines au sein des économies individuelles de ses membres. L’impression monétaire, les réglementations excessives et inutiles, la fiscalité excessive et les dépenses publiques n’aidant en rien la capacité d’un membre à s’engager dans le commerce.

Du système BTC à la fin du fiat

Un point important est qu’avec le temps, le système de règlement en or ou en BTC pour le commerce international s’étendra aux systèmes monétaires internes des membres. En d’autres termes, les monnaies fiat, qui peuvent être manipulées ou dévaluées par les gouvernements, seront jetées sur le tas de cendres de l’histoire.

Bref, il semblerait que les BRICS soient davantage un colosse aux pieds d’argiles, qu’un véritable concurrent à l’hégémonie occidentale. Même si la propagande russo-chinoise a tendance à nous faire croire qu’une alternative au système américain est sur le point de naître, nous en sommes en réalité très loin. Le plus probable est que cette organisation, finisse comme les autres : un acronyme de plus. Toutefois, même si cette organisation ne représentera sans doute pas un OTAN-bis, il n’en reste pas moins que l’évocation des sujets monétaires et du retour de l’or dans les débats ne peut qu’être positive pour le monde entier.

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Satosh

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