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Pourquoi et comment les USA surveillent l'adoption des cryptos au Salvador ?

sam 10 Juin 2023 ▪ 8 min de lecture ▪ par Luc Jose A.
Investissement

Depuis qu’il a fait du bitcoin une monnaie officielle sur son territoire, le Salvador se trouve aux prises avec une véritable campagne de méfiance et de surveillance de la part des États-Unis. Sans cacher son profond malaise, le pays de Joe Biden a mis en place un arsenal juridique pour se protéger des répercussions de la décision du gouvernement salvadorien sur le système financier américain. Pourquoi les USA se sentent-ils menacés et quelles mesures ont-ils prises en réponse ? Toutes les réponses dans cet article.

Le drapeau du Salvador

L’adoption du BTC au Salvador menace la suprématie du dollar américain

Nous sommes le 7 septembre 2021. Le Salvador vient de faire du bitcoin une monnaie officielle. Pour le FMI et la Banque mondiale, « les autorités [salvadoriennes] devraient renoncer à leurs plans visant à accroître l’exposition de l’État à bitcoin ». Pour mettre la pression au président salvadorien, le FMI a bloqué 1,3 milliard de dollars d’aide destinée au Salvador.

De leur côté, les USA, craignant l’impact de l’imprévisible volatilité du bitcoin sur l’économie du petit pays d’Amérique Centrale, sont rapidement passés en état d’alerte. Victoria Nuland, sous-secrétaire d’État pour les affaires politiques des États-Unis, a rencontré le président salvadorien pour le dissuader, mais en vain. Une chose est claire : la décision du Salvador dérange.

Le Salvador veut remplacer le dollar américain par le BTC dès 2040

Pour comprendre les raisons pour lesquelles les États-Unis sont inquiétés par l’adoption du bitcoin au Salvador, il faut voir le programme très ambitieux du président du pays. En adoptant le BTC comme monnaie légale, ce dernier souhaite :

  • impulser la croissance économique du pays, en permettant au marché de fixer librement le taux de change entre le BTC et le dollar américain,
  • renforcer l’intégration dans l’économie réelle de la population salvadorienne faiblement bancarisée,
  • provoquer un afflux d’investisseurs étrangers dans ce pays pauvre,
  • s’émanciper du dollar américain et par ricochet de la politique économique de la Réserve fédérale américaine à l’horizon 2040.

Lors d’un message vidéo, le président quarantenaire a également fait remarquer que les transferts de fonds des Salvadoriens de la diaspora équivalaient à près de 22% du PIB du pays.

Il en déduit donc que l’adoption du bitcoin comme monnaie légale permettrait de contourner les frais de change et les commissions, ce qui permettra aux utilisateurs d’économiser plusieurs millions de dollars.

La crainte d’une déstabilisation du système financier américain

Pour les États-Unis, il est clair que l’adoption du bitcoin au Salvador n’est pas la bienvenue. Il faut savoir que ce petit pays pauvre d’Amérique centrale est le premier pays au monde à faire du BTC une monnaie officielle.

Cette démarche pourrait inspirer d’autres États américains à envisager de s’affranchir du dollar et de la politique économique de la Réserve fédérale américaine.

Or, si on considère que près de 80% du commerce mondial est libellé en dollar américain, l’adoption du bitcoin comme monnaie officielle dans les États pourrait contribuer à la dédollarisation progressive des économies mondiales et à une fin prochaine du règne du dollar.

La décision du président Nayib Bukele représente donc une menace pour Washington qui sent planer le risque d’une déstabilisation du système financier américain.

D’ailleurs, à cet effet, la députée Norma J. Torres, a proposé, le 4 avril 2022, conjointement avec le député Rick Crawford, un projet de loi intitulé « Accountability for Cryptocurrency in El Salvador Act » entendez « loi sur la responsabilité en matière de cryptomonnaies au Salvador ».

Dans un tweet publié le 5 avril 2022, elle indique que « l’adoption du bitcoin par le Salvador n’est pas une adoption réfléchie de l’innovation, mais un pari imprudent qui déstabilise le pays ».

Tout en reconnaissant que le Salvador est une démocratie indépendante et autonome, Norma Torres affirme que « les États-Unis doivent mettre en place un plan pour protéger nos systèmes financiers des risques de cette décision ».

Adoption crypto au Salvador : quel bilan 2 ans après ?

En dépit des critiques, le président salvadorien reste inébranlable quant à son agenda Bitcoin. En ce moment, le Salvador possède plus de 2 381 bitcoins et plus de 212 distributeurs automatiques de BTC répartis sur l’ensemble de son territoire.

De même, il existe désormais au Salvador un Office National du bitcoin créé par décret et un programme d’éducation financière, tous destinés à accélérer l’adoption. Le pays a même voté une loi relative à l’émission des « Volcano Tokens » qui sont des obligations adossées à la reine des cryptos.

Cela dit, il est vrai que le scénario imaginé par le gouvernement ne se déroule pas comme prévu. En effet, à l’heure actuelle, seulement près de 20% de la population salvadorienne utilise le bitcoin puisque la crypto n’est utilisée pour les paiements que pour 2% des transactions.

Par ailleurs, contrairement aux belles prévisions, après le crash des cryptomonnaies qui a fait perdre au bitcoin près de 50% de sa valeur, l’argent public du Salvador converti en BTC a perdu la moitié de sa valeur.

Peut-être faudra-t-il se contenter des propos du ministre des Finances du pays, Alejandro Zelaya, qui affirme que « cela ne va pas nous affecter. Nous n’avons vendu aucune de nos possessions [en BTC]. (…) Vous ne pouvez pas réaliser de perte tant que vous ne vendez pas. Aucun décideur financier ne prendrait la décision de vendre quand tout va mal ».

De toute manière, il y a lieu de se demander si le pays pourrait toujours avoir le soutien des créanciers alors que sa dette publique risque d’exploser du jour au lendemain au rythme du cours du bitcoin.

Pour le moment, le Salvador n’affiche pas de signes de faiblesse. Le pays se montre d’ailleurs plus confiant que jamais en l’avenir du bitcoin.

Pour preuve, le gouvernement a annoncé, il y a quelques jours, avoir reçu des engagements d’une valeur de près de 1 milliard de dollars pour la création d’une usine de mining de bitcoin baptisée « Volcano Energy » à Santa Ana, au nord du pays.

Avec cette infrastructure, le Salvador pourra désormais miner ses propres BTC. L’adoption n’en sera qu’accélérée. Le cauchemar des USA n’est clairement pas près de prendre fin.

Pour conclure,

L’adoption du BTC au Salvador a déclenché une véritable bataille entre le pays d’Amérique centrale et les États-Unis. Les craintes de Washington quant à la menace que représente le bitcoin pour la suprématie du dollar américain sont palpables. Alors que le Salvador cherche à renforcer son économie, à favoriser l’inclusion financière et à s’affranchir du contrôle du dollar, les États-Unis prennent des mesures pour se protéger et maintenir leur domination économique. L’avenir de cette confrontation reste incertain, mais il est clair que l’adoption du bitcoin par le Salvador a déjà engendré des répercussions significatives sur le marché des cryptos et surtout le système financier international. Seule l’histoire nous dira comment cette situation évoluera et quel impact cela aura sur les relations économiques internationales.

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Luc Jose A.

Diplômé de Sciences Po Toulouse et titulaire d'une certification consultant blockchain délivrée par Alyra, j'ai rejoint l'aventure Cointribune en 2019. Convaincu du potentiel de la blockchain pour transformer de nombreux secteurs de l'économie, j'ai pris l'engagement de sensibiliser et d'informer le grand public sur cet écosystème en constante évolution. Mon objectif est de permettre à chacun de mieux comprendre la blockchain et de saisir les opportunités qu'elle offre. Je m'efforce chaque jour de fournir une analyse objective de l'actualité, de décrypter les tendances du marché, de relayer les dernières innovations technologiques et de mettre en perspective les enjeux économiques et sociétaux de cette révolution en marche.

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Les propos et opinions exprimés dans cet article n'engagent que leur auteur, et ne doivent pas être considérés comme des conseils en investissement. Effectuez vos propres recherches avant toute décision d'investissement.