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Poutine aura-t-il bientôt plus de bitcoins (BTC) que Satoshi ?

lun 28 Nov 2022 ▪ 16 min de lecture ▪ par Satosh

Alors que nous assistons à la fin de l’ordre Américain hérité de l’après-guerre et que nous entrons dans un monde multipolaire, il se pourrait bien que le système financier international fondé sur la suprématie des Etats-Unis soit impacté par ce virage. Des puissances comme la Chine, la Russie, l’Iran, le Venezuela ou l’Inde pourraient bien commencer à intégrer du bitcoin dans le bilan de leurs banques centrales pour réduire le risque de sanctions. Les confiscations extraordinaires actionnées contre la Russie de Poutine pourraient amener certains Etats à s’intéresser à la propriété fondamentale du BTC : la résistance exceptionnelle à la censure. C’est ce qu’explique Matthew Ferranti, un économiste à Harvard dans un document de recherche.

Poutine btc

La fin de la Pax Americana

Depuis le début des années 2000, nous assistons non pas à l’effondrement de l’Empire Américain, mais plutôt à la fin de son hégémonie. Les Etats-Unis ne s’effondrent pas, mais ils sont désormais soumis à la concurrence d’autres Etats-Nation, notamment dans le Pacifique.

Naissance d’un monde multipolaire et fin de l’hégémonie dollar

Nous entrons dans un monde multipolaire. Ce nouveau monde comprendra de nouvelles puissances comme la Chine, une Europe nouvellement unie et une Inde qui pourrait bien supplanter l’Empire du Milieu à terme. Concernant la Russie, il s’agit surtout d’un Etat voyou ruiné doté d’armes nucléaires mais nous sommes bien loin de la capacité de nuisance soviétique.

Poutine, le paria nucléarisé

Déjà ces dernières années, la Russie de Poutine a été un facteur considérable d’instabilité. En plus d’envahir sauvagement ses voisins, Poutine a tenté à plusieurs reprises d’influencer des élections dans d’autres pays. Il a aussi envoyé des mercenaires en Afrique et a soutenu le régime d’Assad en Syrie. Poutine semble considérer que le chaos mondial est nécessaire pour précipiter la chute de l’ordre « Américano-Otanesque » et favoriser une restauration de l’Empire Russe.

L’Inde : un futur géant proche de la Russie

L’Inde est le seul pays à pouvoir égaler la taille et la démographie de la Chine. C’est aussi la troisième plus grande économie en termes de parité de pouvoir d’achat. Même si les Etats-Unis n’ont cessé de se rapprocher de l’Inde ces dernières années, notamment avec un approfondissement du commerce militaire, le pays n’est toutefois pas acquis aux Américains. Certaines élites indiennes se rappellent amèrement que les Américains ont activement soutenu le Pakistan durant la guerre froide et ont pris du temps avant de se positionner en faveur du déploiement d’armes nucléaires par l’Inde alors même que le Pakistan en possédait grâce à la Chine.

L’Inde demeure très proche de la Russie de Poutine. Lors du vote d’une résolution condamnant l’annexion par la Russie de régions ukrainiennes, 5 pays ont voté contre et près de 35 se sont abstenus. En plus de la Chine, un autre pays s’est abstenu : l’Inde. Le pays a en effet des liens historiques avec la Russie puisque les Soviétiques étaient les garants de la sécurité de l’Inde durant la guerre froide, face au rival chinois. D’ailleurs, l’armée indienne a encore recours à de nombreuses armes russes.

La Chine : guerre technologique et économique

Depuis quelques années, on perçoit bien l’apparition de tensions croissantes entre les Etats-Unis et la Chine. L’arrivée au pouvoir de Donald Trump qui a imposé des droits de douane et renforcé les contrôles sur les investissements a scellé le virage de la politique étrangère américaine. Désormais, les Etats-Unis devaient se détourner partiellement de la Russie pour se concentrer sur la véritable menace à leur hauteur : la Chine.

La posture de plus en plus belliqueuse envers Taïwan a amené l’administration de Joe Biden à hausser le ton et à prendre des mesures extraordinaires, à l’instar du contrôle à l’exportation des semi-conducteurs. Des sociétés comme Apple qui produisaient une part significative de leurs technologies en Chine ont déjà commencé à s’intéresser à d’autres pays comme l’Inde ou le Vietnam.

Mais si l’élite américaine (démocrates et républicains) est aujourd’hui convaincue du danger chinois, ce sentiment est également partagé par l’autre camp. Après avoir accepté de s’ouvrir au commerce international pour se développer, le Parti Communiste Chinois semble désirer revenir sur une politique protectionniste, centrée sur la demande intérieure.

La politique zéro covid de Xi Jinping et son virage autoritaire depuis 10 ans vont également dans ce sens. D’ailleurs, lors du 20e Congrès du PCC, Xi Jinping a clairement annoncé la couleur : l’ère de la réforme et de l’ouverture entamée sous Deng Xiaoping était terminée. Il s’agit d’un virage dans la politique chinoise : de la croissance (« enrichissez-vous » sous Deng) à la sécurité. Comme dans tous les régimes fascistes, la finalité est toujours l’autarcie économique et la recherche de l’autosuffisance.

Vers une 2e guerre froide ou une 3e guerre mondiale

Bref, l’ordre international n’a jamais été aussi fragile depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Lorsque l’hégémon chargé de promouvoir le libre-échange, et les droits de l’homme est concurrencé, cela réveille les rêves impérialistes d’antan. La multipolarité ne concerne pas que le domaine militaire. Elle conduira très probablement à la formation de systèmes financiers parallèles pour concurrencer le dollar/SWIFT.

Les sanctions contre la Russie changent la donne

Les sanctions financières appliquées par les Etats-Unis, l’Europe, et le Japon au lendemain de l’invasion de l’Ukraine par l’armée de Poutine sont historiques. Jamais une économie aussi grande n’avait été soumise à des sanctions aussi importantes. En effet, le gel des actifs financiers russes a concerné près de 300 milliards de dollars d’actifs, soit 50 % des réserves internationales du pays. Les effets secondaires d’une telle politique ont conduit à remettre en question la nature « refuge » des monnaies fiat.

Alors que nous sommes dans une 2e guerre froide (voire aux prémices d’une 3e guerre mondiale), on peut raisonnablement penser que les sanctions financières vont se multiplier dans les années à venir. Logique. Dans une économie de guerre, tous les moyens sont bons pour affaiblir et neutraliser votre adversaire.

De plus en plus de sanctions

Ces dernières années, avec l’essor du numérique qui permet de geler instantanément des services bancaires et la forte centralisation de l’architecture financière internationale, centrée sur le dollar et le système SWIFT, on a vu les sanctions se multiplier. D’abord dans le cadre de la lutte contre le terrorisme après le 11 septembre, puis sur le sujet du nucléaire iranien et enfin de la guerre économique avec la Chine.

Or la multiplication de ces sanctions financières pourrait bien conduire à un changement profond dans la composition des réserves des banques centrales et favoriser une adoption de bitcoin par les rivaux de l’Occident.

Comment l’Amérique peut euthanasier un pays avec les sanctions ?

Aux Etats-Unis, les sanctions peuvent être le fruit d’une décision présidentielle ou législative. Demain, Joe Biden pourrait publier un décret pour sanctionner un pays menaçant les intérêts de la Nation. À partir de là l’OFAC (la même organisation qui a déclaré la guerre à Tornado Cash cet été) pourrait imposer des sanctions. Tous les ressortissants américains devraient alors se conformer aux sanctions de l’OFAC, y compris les sociétés américaines et leurs filiales étrangères. En théorie, si un américain identifie un actif ou un bien appartenant à une entité sanctionnée par l’OFAC, il lui est interdit de transférer ce bien.

Actuellement, l’OFAC sanctionne près de 8755 entités, soit près de 4 fois plus que l’Union Européenne et près de 8 fois plus que l’ONU. Les Etats-Unis ont en effet une capacité assez grande pour sanctionner une économie étrangère. À ce jour, la majorité des sanctions sont liées à des menaces au sujet des droits de l’homme et à la protection de la démocratie.

Les sanctions financières peuvent ravager une économie. La Russie en sait quelque chose. Si les faibles sanctions de 2014 ont entraîné une perte conséquente de revenus pour le pays, celles de 2022 sont en train de ruiner le pays. D’autres pays sont victimes du bazooka des sanctions : Iran, Syrie, Venezuela, Afghanistan ou encore Corée du Nord.

Dans une logique de guerre froide et d’intensification des tensions géopolitiques, aucune banque centrale dans une dictature rivale des Etats-Unis ne peut être assurée qu’elle ne subira pas de sanctions tôt ou tard. Elles ont donc une incitation à protéger leurs actifs du couperet américain. D’autant plus que les sanctions peuvent durer très longtemps. Par exemple, certaines sanctions à l’encontre de l’Iran sont en vigueur depuis 1979.

L’or, un actif archaïque pour se protéger des sanctions ?

Encore aujourd’hui, le principal actif de réserve en dehors du fiat est l’or. Les réserves d’or d’une banque centrale échappent aux sanctions et ne peuvent généralement pas faire l’objet d’une confiscation. Par exemple, le Venezuela a pu contourner les sanctions américaines en exploitant l’aviation russe afin de vendre son or en Afrique.

Preuve que la crainte des sanctions est un véritable sujet pour certains pays, la part de l’or dans les réserves des banques centrales n’a cessé de croître depuis 2008, avec un niveau record depuis plus de 20 ans (15 %). On remarque également que les pays qui importent du matériel militaire en provenance de pays rivaux des Etats-Unis, sont souvent soumis à un risque de sanctions plus important et ont tendance à accumuler plus d’or. D’autant plus que sous l’administration Trump, plusieurs lois ont été votées pour renforcer les sanctions à l’encontre des pays qui importent des équipements militaires de Chine ou de Russie.

Toutefois, si l’or permet d’échapper au système des sanctions américaines, il n’en reste pas moins que ses coûts de transport et ses besoins de sécurisation sont peu adaptés à l’ère du numérique. Dans ce cadre, on peut légitimement penser que bitcoin, un actif plus liquide, peut présenter un intérêt particulier pour les pays ayant des désaccords politiques ou économiques avec les émetteurs de réserves fiat comme l’Europe ou les Etats-Unis. Plus une banque centrale est averse au risque de sanctions, plus elle peut avoir tendance à se couvrir contre ce risque en transformant ses bons du Trésor en or et en BTC.

Bitcoin : résistance à la censure et aux sanctions

Pour la énième fois, bitcoin n’est pas résistant à l’inflation : son prix chute lorsque l’activité ralentit et que l’inflation s’aggrave. Sa valeur provient surtout d’une seule chose : sa résistance exceptionnelle à la censure.

Dans les années à venir, il se peut bien que certains Etats décident d’acquérir du BTC pour résister à la censure émanant du système de sanctions financières occidental. Bitcoin pourrait devenir un refuge contre les risques géopolitiques mondiaux. D’ailleurs, son prix s’est fortement apprécié immédiatement après les sanctions du Trésor américain contre la Banque centrale de Russie.

De plus en plus d’Etats parias vont subir des sanctions financières et ces derniers pourraient bien vouloir sécuriser une partie de leurs actifs en convertissant leurs dollars en BTC. Certes, ils subiront la volatilité, mais auront la garantie que personne ne pourra confisquer leurs actifs. Si durant la Première Guerre Froide, il y avait deux blocs puissants clairement définis, la deuxième Guerre Froide dans laquelle nous sommes entrés en février 2022 n’est pas bicéphale. Il n’y a pas de monnaie fiat suffisamment attrayante pour être une alternative au système fiat occidental (euro/dollar/livre).

Ne reste donc pour ces Etats que le BTC, incontrôlable.

Ni stablecoins, ni Ethereum contre les sanctions

Précisons que seul bitcoin peut assumer ce rôle.

Des émetteurs comme Tether, Paxos ou Circle peuvent limiter la circulation de leurs stablecoins. Il serait relativement simple pour ces acteurs de geler certaines adresses, car le smart contract le permet. Les stablecoins algorithmiques ont une construction encore trop précaire pour intéresser des banques centrales.

Il n’existe donc actuellement aucun stablecoin résistant aux sanctions, adossé à des garanties suffisantes pour écarter le risque de perdre son ancrage, et suffisamment liquide pour permettre les transactions d’une banque centrale.

Salvador, Centrafrique, Iran : des précurseurs ?

Des pays ont déjà commencé à embrasser bitcoin. En 2018, l’Iran a délivré des licences aux mineurs qui devaient vendre leurs BTC à la banque centrale pour faciliter le contournement des sanctions. Le gouvernement du Salvador a également commencé à acquérir des bitcoins en septembre 2021. A ce jour, le gouvernement de Nayib Bukele détient plus de 2400 BTC.

Dans le sillage du Salvador, la République centrafricaine a adopté BTC en tant que monnaie légale, au même titre que le franc CFA. Ces choix ne sont pas anodins. Le Salvador, comme la Centrafrique sont des Etats très proches de la Russie de Poutine et très méfiants de Washington.

Des banques centrales pourraient aussi préférer ne pas révéler la totalité de leurs actifs et commencer à accumuler des BTC en secret (aussi pour ne pas subir la colère populaire en cas de chute du prix).

Un nouvel indicateur à suivre : le risque géopolitique

Comme nous venons de le voir, bitcoin pourrait devenir un refuge contre le risque géopolitique compte tenu de l’état du monde et du système financier extrêmement centralisé. Par conséquent, il peut être pertinent d’intégrer l’indice GPR dans sa boîte à outils d’investisseur.

Cet indicateur construit il y a quelques années permet de comprendre les conséquences des conflits et tensions internationales sur les rendements du BTC. Sa construction s’appuie sur le nombre d’articles liés au risque géopolitique publié dans chaque journal, tous les mois.

Si la thèse est juste et si des banques centrales commencent à acquérir du bitcoin pour se protéger des sanctions, alors à mesure que les risques géopolitiques vont s’intensifier, le prix du BTC pourrait avoir tendance à s’apprécier.

Tant qu’une majorité de la puissance de calcul sera contrôlée par des nœuds honnêtes, la chaîne PoW de Bitcoin continuera à permettre à n’importe quel individu ou Etat de transférer de la valeur sans tiers de confiance. Cette résistance à la censure pourrait bien séduire de nombreux Etats rivaux des Etats-Unis dans l’ère multipolaire dans laquelle nous entrons.

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Satosh

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