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Bitcoin & Géopolitique - Semaine 20

mar 16 Mai 2023 ▪ 7 min de lecture ▪ par Nicolas T.
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Les États-Unis vont-ils faire défaut sur leur dette ? Plus tôt qu’on ne le croit. Mais vis-à-vis de qui ?…

Bitcoin et géopolitique, dette

D’abord le défaut bancaire

Les déposants américains de la Silicon Valley Bank (SVB) ont pu récupérer leur argent, sauf ceux des îles Caïmans…

C’est ce que rapporte le Wall Street Journal dans cet article : The Pain of Silicon Valley Bank’s Collapse Is Being Felt by These Depositors.

Pour rappel, les banques sont tenues de conserver une partie des dépôts en actifs liquides pour répondre aux demandes de retrait au jour le jour. Ce qui est toutefois loin d’être suffisant en cas de bank run.

Si bien qu’une banque dans l’incapacité de lever de fonds doit vendre rapidement des actifs (généralement des bons du Trésor US) pour obtenir des liquidités.

La faute de SVB est d’avoir préféré des bons du Trésor à long terme. Les taux sont plus juteux, mais leur valeur est plus sensible à une hausse des taux que les bons du Trésor à court terme.

Voilà pourquoi la Fed a du s’interposer comme prêteur en dernier ressort. Il a fallu offrir des liquidités en échange du portefeuille de bons du Trésor à long terme de SVB qui affichait une perte latente substantielle.

La Fed à la rescousse

Les déposants américains de la banque californienne ont été protégés par la FDIC (Federal Deposit Insurance Corp). Cette agence gouvernementale a pris les reines depuis le 10 mars en tandem avec la Fed.

Le Bank Term Funding Program (BTFP) de la Fed est un mécanisme de prêt en dernier ressort. Il a été créé pour gérer les faillites de SVB et de Signature Bank.

Ce mécanisme permet aux banques d’échanger des bons du Trésor contre des liquidités à leur valeur nominale. C’est-à-dire sans prendre en compte la perte latente. Sans lui, la SVB devrait vendre à perte. Certains clients n’auraient alors pas retrouvé leur argent.

[Soit dit en passant, les prêts d’urgence de la Fed se font généralement à la « discount window ». Les banques préfèrent ne pas avoir à y recourir pour ne pas attirer l’attention. Et contrairement au BTFP, les bons du Trésor apportés en garantie sont évalués à leur valeur de marché.]

Bref, tout cela pour dire que les clients de la succursale de SVB aux îles Caïmans n’ont pas été couverts par la FDIC. Ses déposants, parmi lesquels de nombreuses sociétés d’investissement chinoises, restent dans l’incertitude.

Le message clair de la FDIC est qu’il ne faut pas garder son argent dans une banque américaine si vous êtes étranger. Si vous le faites, préférez une banque « too big to fail ».

Une telle politique pousse à la consolidation du secteur bancaire, condition préalable à la métamorphose de l’argent en CBDC. Mais c’est une autre histoire.

Le défaut approche

Ces milliards non remboursés par la FDIC sont en définitive des réserves en dollars appartenant à la banque centrale chinoise.

Ainsi, après avoir volé autour de 150 milliards de dollars de réserves de change à la Russie, la Chine ferait bien de se méfier, elle qui possède 860 milliards de dollars.

Citant un grand fonds américain, un article du kikkei souligne que les sanctions américaines contre la Russie sont l’un des principaux facteurs ayant décidé la Chine à réduire ses avoirs en bons du Trésor.

La Chine se prépare à ce que « des mesures similaires soient prises lorsque sa confrontation avec les États-Unis s’aggravera », peut-on lire.

En dix ans, la Chine s’est déjà séparée d’un tiers de son stock de dette US. Le dollar représente désormais moins de 28 % de ses réserves :

« Évolution du stock de dette US détenu par la banque centrale chinoise »

Cela suscite des inquiétudes à Washington où l’on redoute que les avoirs de la Chine chutent à quelque chose comme 100 milliards de dollars.

Empêcher ce scénario était la principale mission de la secrétaire au Trésor Janet Yellen lorsqu’elle s’est rendue à Pékin début février. L’ex-présidente de la Fed avait même menacé à demi-mots la Chine d’un défaut.

Le sénateur Lindsey Graham avait déjà déclaré sur Fox News en 2020 : « c’est à eux de nous payer, et non à nous de payer la Chine », exprimant son soutien au sénateur Marsha Blackburn. Celui-ci suggérait de ne pas rembourser la Chine.

De telles menaces ont également été faites par le passé contre l’Arabie Saoudite. Il n’est donc pas surprenant que le royaume ait récemment décidé d’accepter le yuan en paiement pour son pétrole.

Nouvel ordre mondial

D’après les déclarations de l’OTAN, l’objectif reste une victoire complète de l’Ukraine. Voire un retour de la Crimée dans le giron de Kiev. Autant dire que la guerre pourrait encore durer.

Un diplomate chinois se rendra en Ukraine, en Pologne, en France, en Allemagne et en Russie cette semaine. Mais il y a peu de chances que cette médiation porte ses fruits.

La Chine a d’ailleurs peut-être intérêt à ce que la guerre se prolonge. Plus les États-Unis videront leurs stocks de munitions et leurs réserves stratégiques de pétrole, et moins il est probable qu’une guerre éclate dans le détroit de Taïwan.

Pour les États-Unis, l’objectif initial était de perturber l’Eurasie et de procéder à un changement de régime en Russie. De ce point de vue, et même si les choses ne se passent pas comme prévu, la stratégie n’a pas changé. Il faut se battre jusqu’au dernier ukrainien pour essayer de renverser V. Poutine.

Pour sa part, Vladimir Poutine s’accommode de mener la fronde globale contre l’Empire. La Chine est de son côté, de même que l’Inde qui est devenue le principal importateur de pétrole russe. Ce qui pose d’ailleurs problème, nous en parlions dans le Bitcoin & Géopolitique – Semaine 19.

« Les exportations de pétrole de la Russie repartent à la hausse, malgré les réductions de production. Les flux ont augmenté de 10 % depuis la première semaine d’avril et ont atteint un nouveau record depuis le début de l’année 2022.
La quasi-totalité du brut russe est destinée à la Chine et à l’Inde. Les volumes vers l’Asie ont également atteint un nouveau sommet. »

La plupart des pays émergents refusent de choisir un camp. Cela dit, certains (et non des moindres) cherchent à rejoindre les BRICS et l’Organisation de coopération de Shanghai, ce qui revient de facto à se ranger du côté des BRICS et donc du côté russe.

In fine, ce nouvel ordre mondial se soldera par le défaut des États-Unis sur les quelque 6 000 milliards de réserves en dollar détenues par les frondeurs. Se posera alors la question de la prochaine monnaie de réserve internationale. Le bitcoin ronge son frein.

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Nicolas T.

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