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L'Arabie saoudite et la Chine signent la fin du pétrodollar

mer 22 Nov 2023 ▪ 7 min de lecture ▪ par Nicolas T.
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La tendance à la dédollarisation est-elle exagérée ? Les BRICS iront-ils jusqu’au bout ? Le tandem sino-saoudien mène la danse. Le Bitcoin en embuscade.

Dollar VS YUAN

Dollar is still king

Le dollar est la première monnaie de réserve mondiale. Il est aussi la monnaie la plus utilisée pour le commerce et d’autres transactions internationales.

Mais cette hégémonie s’érode franchement depuis le début de la guerre en Ukraine. Les sanctions occidentales contre Moscou y sont pour beaucoup. Le « gel » des 300 milliards d’euros/dollars n’est pas passé inaperçu.

Depuis, de nombreux pays réduisent leur exposition au billet vert. Notamment l’Arabie saoudite qui est la pierre angulaire du système pétrodollar. Il ne se passe plus un mois sans qu’un pays prenne ses distances au moins en parole.

La demande des deux plus grands créanciers des États-Unis – la Chine et le Japon – est aussi devenue moins fiable ces derniers temps. Les déboires des récentes émissions obligataires du Trésor US le confirment.

Entre-temps, l’offre a explosé. Le Trésor américain a émis un montant net de 2 000 milliards de dollars de nouvelle dette cette année, un record. Et pour ne rien arranger, la Fed revend les bons du Trésor achetés sous l’égide du QE au rythme de 60 milliards de dollars par mois.

L’accélération de la dédollarisation ne pourra pas être indolore pour les États-Unis. Moins de demande pour le dollar finira par peser sur sa valeur, créant en retour des pressions inflationnistes via l’augmentation du cout des importations.

Pour l’instant, la monnaie impériale conserve sa position dominante. Elle reste impliquée dans 88 % des transactions sur le marché des change (forex).

Elle représente également 46 % des paiements SWIFT, contre 23 % pour l’euro et 3.7 % pour le yuan. Néanmoins, ces chiffres ne disent pas tout.

Le CIPS (China International Payments System) a traité en 2022 un volume de transactions représentant 100 000 milliards de yuans (~ 14 000 milliards $), contre 150 000 milliards de dollars pour SWIFT.

Ainsi, plutôt que de 3,7 %, la part du yuan est en réalité plus proche de 13 %, voire plus. Autant d’argent qui aurait autrement circulé en dollar avant le lancement du CIPS en 2015.

Les banques centrales boudent le dollar

Si le dollar continue de huiler les échanges commerciaux, il est en revanche clairement sur le recul au niveau des réserves des banques centrales. Ces dernières se composent à 58 % de dollar (sous forme de bons du Trésor), contre 65 % six ans en arrière.

Les étrangers, y compris les investisseurs privés et les banques centrales, détiennent aujourd’hui environ 30 % de l’ensemble de la dette publique américaine en circulation. C’était 43 % il y a dix ans.

Certains signes de dédollarisation se manifestent également sur les marchés pétroliers. La Russie, premier exportateur d’énergie au monde, n’accepte plus le dollar. Moscou accepte désormais les monnaies de pays perçus comme amicaux. L’Inde le paie par exemple en dirhams par l’intermédiaire de négociants basés à Dubaï. D’autres paient en yuans.

L’Arabie saoudite n’est pas en reste. Les banques centrales du royaume et de la république populaire de Chine ont réalisé ce lundi un swap de devises équivalent à 50 milliards de yuans (26 milliards de riyals saoudiens ).

Dit autrement, les achats de pétrole saoudien en yuan sont imminents. Nous assistons au crépuscule du pétrodollar.

Pour la JP Morgan, une dédollarisation rapide n’est pas à l’ordre du jour. « Les avantages d’une monnaie omniprésente sont considérables et les États-Unis disposent depuis longtemps d’un réseau mondial d’alliances et de partenariats ».

Peut-être, mais la plupart des analyses montrent que la fragmentation s’étend de jour en jour. D’énormes morceaux se détachent du monde occidental.

Les BRICS+ sont au cœur de cette structure fragmentée et comptent bien se passer du dollar le plus rapidement possible. Le retour de l’Argentine dans le giron de l’empire suite à l’élection de Javier Milei n’inversera pas la tendance.

BRIC+

Avec ses 11 membres (si l’Argentine ne s’en va pas), les BRICS+ représentent 47% de la population mondiale, 32 % des terres, 37 % de l’économie mondiale (à parité de pouvoir d’achat), 38% de la production industrielle et 25% du commerce. De manière cruciale, les BRICS+ contrôlent également 45 % de la production de pétrole.

Les pays des BRICS+ sont aussi des hégémons régionaux rassemblant collectivement une puissance militaire supérieure à celle de l’OTAN. L’Iran vient d’ailleurs de dévoiler pour la première fois des missiles hypersoniques, rejoignant ainsi un club très fermé aux côtés des Russes et des Chinois.

Les BRICS+ représentent aujourd’hui la plus grande puissance économique, démographique, productive, culturelle et militaire au monde.

Évidemment, chaque pays à son propre modèle et sa propre vision du monde. Les BRICS ne sont pas parfaitement alignés sur tout. Le premier ministre Modi a par exemple choisi de ne pas participer au récent sommet virtuel des BRICS visant à condamner la situation à Gaza.

Il n’en demeure pas moins que l’alliance des civilisations chinoise, indienne, russe, latine, africaine et islamique crispe sérieusement le camp d’en face. L’empire multiplie les guerres par proxy et le milliardaire américain Ray Dalio estime à présent la probabilité d’une troisième guerre mondiale à 50 %…

Et alors que la Russie a déjà complètement cessé d’accepter le dollar, il est à craindre que d’autres pays, à commencer par la Chine, fassent de même. L’or reviendrait alors au centre des échanges, d’où ses frétillements autour de 2 000 $ l’once.

Mais n’oublions pas le bitcoin. Surtout quand on sait qu’il deviendra officiellement deux fois plus rare que l’or en mai prochain… Sans parler du fait qu’il ne coute rien à déplacer d’un bout à l’autre du monde, entre autres prééminences.

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Nicolas T.

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